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ran absurde, comme ils le sont tous plus ou moins, ordonnât à un philosophe, sous peine de mort, de jurer que les trois angles d'un triangle ne sont pas égaux à deux angles droits; que feroit le géomètre? Il se reprocheroit avec raison, comme une lâcheté, de jurer le contraire de ce qu'd sait être vrai, et cependant cette proposition de géométrie n'est d'aucune utilité morale. Diraf-on que les vérités géométriques sont d'une autre évidence que les vérités religieuses? D'une autre évidence, oui; d'une plus grande certitude, non assurément; et la nécessité de la religion égale en certitude l'utilité de Ja géométrie.

On ne voit pas que les déistes qui refusent de croire à l'éternité des peines, révoquent en doute l'éternité des récompenses. En effet, si l'ame est immortelle, comme ils le disent, elle est nécessairement, après la séparation du corps, dans un état heureux ou malheureux. Mais si l'éternité des peines leur paroît hors de toute proportion avec nos fantes, l'éternité des récompenses n'est pas certainement plus en proportion avec nos vertus. Les athées sont plus conséquens; tout, selon eux, finit avec la vie : mais si une éternité de bonheur ou de malheur effraie l'imagination, l'anéantissement révolte la raison; et je crois impossible à l'être qui a la conscience de son existence, de concevoir l'éternité du non-être ou le néant; car, concevoir le rien, c'est ne rien concevoir.

Une société s'est formée, à Londres, pour répandre la Bible dans tout l'univers. La spéculation est meilleure en commerce qu'en religion. Les protestans croient qu'il y a dans les livres saints une vertu cachée qui se fait sentir sans instruction, même aux plus simples. Les catholiques, qui ne croient pas si volontiers aux inspirations, pensent que les lois divines, comme les lois humaines qui en sont l'application, doivent être expliquées pour être entendues. Si, par une opération surnaturelle, on pouvoit entendre les livres saints saus interprète, il sem

ble qu'on pourroit aussi bien les lire sans l'avoir appris. Certains philosophes, grands ennemis des guerres qui me se font pas au profit de leurs doctrines, ne voient aux guerres de religion d'autre remède que l'indifférence absolue; ils tuent le malade pour guérir la maJadie.

Quand le christianisme se leva sur la société, le paganisme recula lentement devant lui, défendu par le gouvernement; et l'univers ne fut pas un seul instant sans croyance vraie ou fausse de la Divinité, pareil au monde matériel dont un hémisphère, quoique privé da soleil, n'est jamais totalement privé de lumière. La philosophie, au contraire, trop favorisée par les gouvernemens, a commencé par nier Dieu; elle n'avoit plus rien à mettre à la place, que le peu de morale qu'elle empruntoit à la religión elle-même. La religion chrétienne avoit enté la croyance naturelle de l'unité de Dien sur la croyance fausse, ou plutôt défectueuse de la pluralité des dieux. Mais sur quel sujet, sur quelle vérité, ou utême sur quelle erreur pouvoit-on greffer l'athéisme, et quel analogue trouvoit-il dans notre esprit ou dans notre nature?

La politique ne sait pas assez combien il y a de force dans tout ce qui est religieux, et de foiblesse dans ce qui n'est qu'humain.

La religion est à la lettre l'ame de la société, et la politique en est le corps. Nous sommes matérialistes en politique comme en philosophie, et nous voulons des corps sans ame.

Les hommes sans principes de religion et de morale qui demandent des sermens à ceux qui ont une conscience, sont ces hypocrites dont parle l'Evangile, qui imposent aux autres des fardeaux qu'eux-mêmes ne touchent pas du bout du doigt.

« Combien d'opinions, dit Duclos, admises comme vraies par une génération, et dont la fausseté a été démontrée par la génération suivante »? Le discrédit où

sont tombées parmi nous les idées philosophiques, fait trembler pour les idées libérales.

Les mêmes hommes qui ont réclamé si hautement, en France, la liberté des cultes, ont vu, avec la plus profonde indifférence, l'état des catholiques dans quelques parties de l'Europe; ils avoient deux poids et deux

mesures.

Jadis quand on avoit bâti dans une même enceinte la maison de Dieu, la maison du Roi et la maison des pauvres, la cathédrale, le palais de la Justice et l'HôtelDieu, on croyoit avoir bâti une cité : et à Paris même la Cité, dans son origine, n'étoit pas autre chose. Aujourd'hui il faut encore, il faut surtout, des théâtres, la bourse, des académies, des casernes et des maisons de détention.

Autrefois on ne parloit, en France, que de la force des lois, aujourd'hui on n'entend plus parler que de la force armée. Ce changement est-il un effet du progrès des lumières ?

Quand les rois étoient de Dieu, l'insulte et l'injure contre leur personne étoient regardées comme un homicide de l'être moral, et punies comme un sacrilege; quand ils ne sont plus que de l'homme, la loi ne voit en eux qu'un être physique; elle ne venge que leur assas sinat, et le plus sanglant outrage fait au Roi ne seroit puni que d'un changement de domicile.

Le pouvoir, dans toute société, se partage entre la famille et l'Etat, entre la religion et le gouvernement; quand il en manque d'un côté, il en faut davantage de l'autre. Si le pouvoir public est foible, le pouvoir domestique doit être plus fort; et c'étoit là l'état des sociétés anciennes. Chez les peuples chrétiens, où le pouvoir public est plus fort, l'autorité paternelle peut être plus douce. Si le frein de la religion se relâche, il faut renforcer l'action du 'gouvernement, et multiplier les agens de la police à mesure que le nombre des ministres de la religion diminue. Si tous les pouvoirs s'af

!

foiblissoient à la fois, si la royauté devenoit un objet de suspicion et d'alarmes, la religion un objet d'indifférence on de haine, l'autorité paternelle un sujet de discussion, tout périroit à la fois, la religion, l'Etat et la famille.

Quand la littérature commence chez un peuple, i faut des compagnies littéraires, comme il faut des com-、 pagnies de commerce pour trafiquer dans un pays nourellement découvert. Quand toute une nation est lettrée, le choix est difficile : c'est vouloir former une compagnie d'élite dans un bataillon de grenadiers. Alors les corps littéraires sont moins u'iles; et si la diversité des doctrines s'y introduit, ils sont dangereux.

Dans les petites villes, les spectacles et les cafés, prodigieusement multipliés, et les cabarets dans les campagnes, dépravent et ruinent toutes les classes de la société, et troublent la paix et le bonheur des familles. Les tavernes et les liqueurs fortes sont, en Angleterre, une cause féconde de mendicité.

Lorsque vous voyagez dans des provinces reculées et des lieux écartés, si vous êtes salué par les jeunes gens, si vous apercevez des croix autour des villages, et des images chrétiennes dans les chaumières, entrez avec confiance, vous trouverez l'hospitalité.

Quand la religion a assez long-temps averti un peuple éclairé par les orateurs les plus éloquens et les écrivains les plus profonds, et qu'elle n'a pu le corriger, elle lui envoie d'autres missionnaires qui sont infailliblement écoutés.

Beaucoup d'esprits se trompent eux-mêmes dans la considération des vérités morales. Ils se plaignent de ne pas croire, parce qu'ils voudroient imaginer.

Les représentations théâtrales ont, plus qu'on ne pense, fourni au suicide, et peut-être à l'assassinat, des excuses et des exemples.

On dit les erreurs d'Aristote, de Luther, de J. J. Rousseau, les erreurs d'un siècle; pourquoi ne peut-on pas dire les vérités de Platon, de Leibnitz, de saint Au

gustin, les vérités d'un siècle, comme on dit les vérités dé l'Evangile? c'est que l'erreur est de l'homme, la véfité est de Dieu : l'une s'invente, l'autre se découvre ; l'erreur a son évidence, el c'est l'absurdité; la vérité a son évidence, et c'est la certitude. On dit les pensées, les sentimens, les opinions, les esprits des hommes pourquoi ne peut-on pas dire les raisons des hommes ? C'est qu'il n'y a qu'une raison éternelle qui éclaire tout hommie venant en ce monde, quand il ne ferme pas les yeux à sa lumière. Ainsi notre langage est vrai, en dépit de nous, et même lorsque nos pensées ne sont pas justes. Je connois un esprit droit et fort que ces seules considérations ont, de conséquence en conséquence, ramené de bien loin à la religion.

On reproche à quelques hommes, ou à certains peuplés, comme une inconséquence ou une hypocrisie, de montrer un extrême attachement aux pratiques extérieures de religion, tout en se livrant à des désordres qu'elle condamne : rien n'est plus injuste. L'infraction aux préceptes divins est une foiblesse du cœur entraîné par des passions violentés; mais la désobéissance dans Ies choses indifférentes én elles-mêmes est un mépris de l'autorité qui en commande le sacrificé, et l'habitude du mépris de l'autorité peut être plus coupable que des transgressions passagères, qui du inoins ont une excuse dans la force de nos penchans. Les hommes ne jugent pas autrement dans la conduite de la vie. On pardonne plutôt à un enfant de se marier contre le gré de ses parens, que de leur refuser habituellement tout témoignage extérieur de respect et d'attachement; et quoiqu'on doive plus à sa femme qu'à son ami, l'ami perfide est jugé plus sévèrement que l'époux infidèle.

Tout, dans la réforme da quinzième siècle, étoit pour le peuple; la liturgie, en langue vulgaire, plaisoit aux ignorans qui n'entendoient pas le latin, et qui ne prévoyoient pas que la doctrine changeroit avec une fangue vivante. Les salaires remplaçant les propriétés

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