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"A peine de leurs lacs voi-je sauver personne. »

Vois-je sauver, et non pas vois-je se sauver.

(D'AUBIGNÉ.)

« J'en vis enfler la vague; voyant réunir toute la famille royale.» (P. CORN.) Vis enfler, et non pas vis s'enfler; voyant réunir, et non pas voyant se réunir.

a Il pense voir en pleurs dissiper cet orage.»

Voir dissiper, et non pas voir se dissiper. «▲ vu briser son vaisseau.» (FÉN.)

A vu briser, et non pas a vu se briser.

(RACINE.)

Nous renvoyons au Lexique pour les exemples des autres cas, et pour tous les autres détails où nous entrons sur cette construction que Ménage n'avait pas comprise, où La Harpe a vu un solécisme', et dont le secret a échappé à des philologues comme M. Génin, dans son Lexique de Molière, et semble même n'avoir pas été aperçu par les rédacteurs du Dictionaire historique de l'Académie française, ainsi qu'on le verra par le fait rapporté dans notre livre.

Après avoir montré que les écrivains de la fin du dix-huitième siècle et ceux du dix-neuvième ne suppriment pas généralement le pronom personnel, notre conclusion, et nous aimons à la répéter, est que, dans la généralité des cas, et quand la clarté est parfaite, la manière de notre grande ère littéraire nous paraît préférable à celle qui y a été substituée par scrupule grammatical.

Très-souvent les verbes qui suivent sentir, voir, laisser, mener, ont une signification passive, que sentir et voir soient employés d'une manière active ou réfléchie. Ce gallicisme était autrefois bien plus fréquemment usité qu'aujourd'hui :

« ... Sentiroit, me voyant, blesser sa conscience. »

<< O double désespoir dont je me sens poursuivre. »

(THEOPH.) (SCHELANDRE.)

<< Et selon qu'on se sent trop emporter vers l'une, se pencher vers l'autre. » - «Se sentit saisir d'un excès de joie. » (P. CORN.)

(PASC.)

'Rapportant ces vers de Corneille (Imit. d'une ode lat.) :

Et sans craindre le bruit qui gronde sur sa tète,

Voit briser à ses pieds l'effort de la tempête,

il dit qu'il faut absolument voit se briser. (Lyc., 3° p., l. 1, ch. 1, sect. 2.)

Par d'inquiétants transports me sentant émouvoir. »

(Id.)

« Ce qui désespéroit le plus de si braves hommes, c'étoit de se voir assommer comme des bêtes prises dans un piége. » (VAUGELAS.)

Que l'on voye ébranler par la fureur de l'onde

Les fondements du monde. »

« J'ai mis fin à tous ces discords

Par qui la Loire en ses deux bords

Voyoit ensanglanter son onde. >>

<< Ton bonheur n'est couvert que d'un peu de nuage,

(RAGAN.)

(Id.)

Et tu n'as rien perdu pour le voir différer. » (P. CORN., Le Cid, 11, 3.)

« L'autre tout débonnaire, au milieu du sénat

A vu trancher ses jours par un assassinat. >>

(Id., Cinna, 11, 1.)

< Ayant fait la matière, il la laisse mouvoir et arranger au gré de quelque autre.» (Boss.) - << Mais beaucoup plus de modération pour les laisser borner (les conquêtes) par la justice. » (Huet.)

< On te mène égorger, innocente victime. >>

(TRISTAN.)

Dans tous ces exemples, que nous n'avons pas voulu trop multiplier, la signification passive est très-sensible.

Indépendamment de l'intérêt qu'offrent ces études, au point de vue de la grammaire historique et philosophique, tous ceux qui s'occupent avec soin de l'art d'écrire y reconnaîtront, nous l'espérons, une véritable utilité pratique. Le plus grand nombre des lecteurs seront peut-être plus frappés de certaines autres différences entre la langue du dix-septième siècle et la nôtre, parce qu'elles ne demandent pas, pour être bien saisies, une aussi grande attention.

Ils verront, dans de nombreux articles, combien de mots des plus usuels se prenaient autrefois dans des acceptions différentes de celles qui sont restées.

Blâme, qui ne se dit plus que d'un sentiment ou d'un discours par lequel on condamne une personne ou une action, a signifié déshonneur, mauvais renom, honte, turpitude.

Étonnement, aujourd'hui, n'exprime plus que la surprise. Il se prenait dans le sens d'épouvante, d'abattement, de consternation. Étude, qui, dans le sens de cabinet d'étude, ne se dit plus que du bureau d'un notaire, d'un avoué, se prenait dans la langue générale pour chambre, cabinet où l'on étudie, où l'on compose. Quand Corneille, quand Saint-Amant, quand Boileau parlent des fruits de leur étude, ils désignent les productions de leur cabinet d'étude, selon l'expression de Racan:

« Ces vers, produits dans mon estude,
Récitent tes commandements,

Et j'en fais de ma solitude

Les plus doux divertissements. »

Impression se prenait pour édition.

(Ps. cxviii.)

Secrétaire, comme l'italien secretario, voulait dire, celui à qui l'on confie ses secrets, confident:

« Tu seras de mon cœur l'unique secrétaire

Et de tous mes secrets le grand dépositaire. » (P. CORN., Le Mɛnt., 11, 6.) Cette signification si naturelle datait au moins du quatorzième siècle, et nous en citons de nombreux exemples, tirés du Roman de Perceforest, de Froissard, des Cent Nouvelles du roi Louis XI, de Ronsard, de Joachim Du Bellay, de Passerat, de Malherbe, de Gombeau, de Ménage.

Secrétaire voulait encore dire quelquefois écrivain public:

Proche Saint-Innocent, il se fit secrétaire;

Après, montant d'état, il fut clerc d'un notaire. »

(P. CORN., L'Illus. com., 1, 3.)

Tel mot, toujours pris maintenant au sens actif, s'employait également au sens passif. Par exemple, hôtesse ne voulait pas dire seulement celle qui donne l'hospitalité, mais aussi celle qui la reçoit, comme dans ces vers :

<< Humevent, n'a ce pas esté
Toy, grenier de méchanceté
Qui tantost devant ma maison

As, sans propos, et sans raison

Si mal mené ma pauvre hostesse. » (J.-A. DE BAÏF, Le Brave, 11, 5.)

Toi qui as vu faire caresse

A mon host avec mon hostesse, »

(Id., ibid.)

<< L'honneur de recevoir une si grande hôtesse.» (P. CORN., Méd., iv, 5). Recueillir signifiait souvent résumer, condenser, ramasser: « Pour recueillir ce discours. » (P. CORN.) - Pour recueillir en peu de mots toute la doctrine que... » (RICHEL.) - Pour recueillir mon raisonnement. » (Boss.) - « Pour recueillir tout mon dessein.» (FLÉCH.) « Une récapitulation qui recueille en peu de mots toute la force de l'orateur.» (FÉN.)

Le dix-septième siècle, comme le seizième et l'époque antérieure, ne connaissait pas la distinction établie depuis une centaine d'années par les grammairiens entre en imposer, commettre une imposture, mentir, et imposer, inspirer du respect, de l'admiration, de la crainte selon nous, cette distinction tourne au profit de la clarté du sens.

Ressentiment se prenait très-souvent dans le sens de reconnaissance, de souvenir reconnaissant; se ressentir, dans celui de témoigner sa reconnaissance ou son ressentiment.

Nulle part on ne trouve d'explication capable de bien faire entrer dans l'intelligence de nombre de ces termes dont la signification a changé, et qui ne sonnent plus la même chose (pour emprunter une expression du dix-septième siècle). Nous les avons approfondis avec un soin qui sera peut-être apprécié. Indiquons en particulier le grand article COURAGE, dans le sens de cœur, ou dans le sens d'animus, spécifié et déterminé en bien ou en mal par le contexte ou par une épithète; et le grand article OMBRAGE, dans le sens d'ombre, de nuage, d'obscurité, signification trèsancienne, très-longtemps conservée, au propre et au figuré, et dont l'omission dans les dictionnaires rend les définitions qu'on y donne obscures et illogiques.

Pour expliquer les vers où Corneille se sert d'ombrage pour ombre, au figuré, où il parle de

...cent nuages

Qui jettent mille ombrages

Dans l'œil mal éclairé, »

(Imil., 1, 3.)

et ceux où il fait dire à Laodice, au sujet d'un raisonnement où elle « ne voit goutte: >>

a J'ai devant les yeux toujours quelque nuage
Qui m'offusque la vue et m'y jette un ombrage, »

nous sommes remonté jusqu'au quinzième siècle, et nous avons suivi la trace de cette signification jusqu'au commencement du dix-huitième.

Nous avons vu,-pour rappeler seulement quelques phrases,qu'on disait, au propre : « Etre au soleil ou à l'ombrage. » (GRINGORE.) « Les ombrages de la nuit. » (BLAISE D'AURIOL.) « L'ombrage du cadran. » (J. DE SCHELANDRE.) « Un nuage qui cache le ciel par son ombrage. » (La Faiseuse de mouches.) « Voir œil à œil sans ombrages.» (Le Miserere du reclus de Moliens.) «Relever les ombrages par des couleurs vives. (Inventaire universel des Fantaisies de TABARIN.) «Bien observer l'art de la peinture aux raccourcissements, aux ombrages et aux proportions. » (D'URFÉ.) « Le jour efface les ombrages des nuits. » (SÉNECÉ.)

Et au figuré : « Un ombrage qui s'évanouit, » en parlant d'un vain raisonnement. (CALVIN.) « Les ombrages de conceptions in

formes; les ombrages et les vaines images de la fantaisie. » (MONTAIGNE.) « L'ombrage de l'apparence. » (LARIVEY.) « Les ombrages de la matière, » opposé à la clarté de l'entendement. (CHAPELAIN.) «Ne laisser aucun ombrage ni aucun scrupule dans les esprits, sur une question.» (BRUEYS.)

Pour donner encore plus d'évidence à notre preuve, nous montrons ensuite qu'on a dit aussi ombrager pour ombrer, et ombrageux pour ombreux, sombre.

Mais le plus curieux, assurément, de ces mots dont la signification s'est successivement transformée, est le verbe dispenser, qui est arrivé, dans plusieurs de ses acceptions, à signifier absolument le contraire de ce qu'il voulait dire autrefois, et de ce qu'exprime son étymologie. Nous ne pouvons pas transcrire ici notre grande étude sur ce mot important qui a été bien souvent pris à contre-sens, même par d'estimables philologues; à peine en pouvons-nous indiquer les résultats principaux.

Dispenser, dans l'ancienne langue, s'employait très-fréquemment avec un nom de personne, pour signifier autoriser. Ainsi l'on disait, dispenser quelqu'un à, l'autoriser à :

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« Accueilli d'autre n'en sera

Que mon mary dans ma pensée.
Ce qu'on vouldra l'on pensera;
D'aultre ne seray compensée.

Car à ce ne suis dispensée,

Quelque mal que j'aye ou souffrance. »

(Colin qui loue et despite Dieu en un moment à cause de sa femme.)

Quoi! s'il aimoit ailleurs, serois-je dispensée

A suivre, à son exemple, une ardeur insensée?» (P. CORN., Pol., 111, 2.)

De même sans régime indirect :

«Or donc puisqu'il a commencé

Sans avoir été dispensé,

Sagon n'a eu tort de respondre

Pour telles injures confondre. »

(Resp. à l'Épist. de celluy qui ne s'est point nommé, adressée à Marot, à Sagon et à La Hueterie, à la suite des Œuv. de Cl. Marot, édit. de Le Duchat, 1731.)

Dispenser à, avec un nom de chose pour sujet, autoriser à, livrer à; faire qu'on s'abandonne à :

« Je ne suis plus à moi, quand je viens à penser

A quoi l'occasion me pourra dispenser. »

(P. CORN., Clit., 11, 9.)

A trop d'emportement ton zèle te dispense. » (T. COBN., Stilicon, 11, 5.)

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