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L'OUVRAGE dont je publie aujourd'hui la traduction n'est connu en France que des Orientalistes, et du petit nombre de personnes qui se livrent à l'étude comparative de la législation; on n'a pu jusqu'à présent lire les Lois de Manou que dans la traduction anglaise donnée par William Jones, il y a environ quarante ans, sous le titre de Institutes of Hindu law; or the ordinances of Menu, according to the gloss of Cullúca; comprising the Indian system of duties religious and civil. Je crois donc nécessaire de faire précéder ma traduction de quelques détails sur le Livre de Manou, et sur le législateur auquel est attribué ce code, qui forme encore aujourd'hui la base du droit indien.

Les mots Mánava-Dharma-Sástra signifient littéralement le Livre de la Loi de Manou; ce n'est donc pas un code dans le sens ordinaire de ce mot, lequel s'applique communément à un recueil renfermant uniquement des règles pour déterminer les relations des hommes entre eux, et les peines que méritent les divers délits. C'est véritablement comme l'entendaient les anciens peuples, le Livre de la Loi, comprenant tout ce qui regarde la conduite civile et religieuse de l'homme. En effet, outre les matières dont traite ordinairement un code, ou trouve réunis, dans les Lois de Manou, un système de cosmogonie; des idées de métaphysique; des préceptes qui déterminent la conduite de l'homme

a

dans les diverses périodes de son existence; des règles nombreuses relatives aux devoirs religieux, aux cérémonies du culte, aux observances pieuses et aux expiations; des règles de purification et d'abstinence; des maximes de morale; des notions de politique, d'art militaire et de commerce; un exposé des peines et des récompenses après la mort, ainsi que des diverses transmigrations de l'âme, et des moyens de parvenir à la béatitude.

On verra, dans le premier Livre du MANAVADHARMA-SASTRA, que le nom de Manou, rapproché par William Jones de ceux de Ménès et de Minos, appartient à chacun des sept personnages divins qui, suivant les idées des Indiens, ont successivement gouverné le monde. C'est au premier Manou, surnommé Swayambhouva, c'est-à-dire issu de l'Être existant par lui-même, que le Livre de la Loi est censé avoir été révélé par Brahmâ luimême, et le Richi Bhrigou est supposé l'avoir fait connaître. Ce code, en admettant qu'on doive l'attribuer à un antique législateur nommé Manou, que les Indiens ont ensuite divinisé et confondu avec l'un des saints personnages qui, dans leur croyance, régissent le monde, ce code se sera conservé d'âge en âge par la tradition jusqu'au moment où il aura été rédigé en vers dans la forme qu'il a maintenant; car il est bon de dire, pour les personnes qui ne savent pas le sanscrit, que les lois de Manou sont écrites en slocas ou stances de deux vers, dans un mètre dont les Indiens attribuent l'invention à un saint ermite nommé Vâlmiki, que l'on croit avoir vécu quinze cents ans avant notre ère.

William Jones cite, dans la préface de sa traduc

tion, un passage emprunté à la préface d'un traité de Lois de Nârada, où il est dit : « Manou ayant écrit les Lois de Brahmâ en cent mille slocas ou distiques, arrangés sous vingt-quatre chefs en mille chapitres, donna l'ouvrage à Nârada, le sage parmi les Dieux, qui l'abrégea, pour l'usage du genre humain, en douze mille vers, qu'il donna à un fils de Bhrigou, nommé Soumati, lequel, pour la plus grande facilité de la race humaine, les réduisit à quatre mille; les mortels ne lisent que le second abrégé fait par Soumati, tandis que les Dieux du ciel inférieur et les musiciens célestes étudient le code primitif commençant avec le cinquième vers un peu modifié de l'ouvrage qui existe actuellement sur la terre; il ne reste rien de l'abrégé de Nârada, qu'un élégant épitome d'un neuvième titre original sur l'administration de la justice. » Maintenant, ajoute William Jones, puisque les Lois de Manou, comme nous les avons, ne comprennent que deux mille six cent quatre-vingt-cinq slocas, elles ne peuvent pas être l'ouvrage entier attribué à Soumati, qui est probablement celui qu'on désigne sous le nom de Vriddha-Mánava, ou ancien code de Manou, et qu'on ne trouve plus entier, quoique plusieurs passages de ce code, qui ont été conservés par tradition, soient cités dans le nouveau Digeste.

L'époque où le Mânava-Dharma-Sâstra a été rédigé ne nous est guère mieux connue que le nom du véritable rédacteur, et l'on est forcé à cet égard de s'en tenir à des conjectures. Les calculs sur lesquels William Jones s'était fondé pour placer la rédaction du texte actuel vers l'an 1280, ou vers l'année 880 avant notre ère, ont paru généralement

reposer sur des bases si faibles, qu'il serait inutile d'en reproduire ici le détail. Les meilleures conjectures, dans l'état de nos connaissances, sont probablement celles que l'on peut tirer du code luimême. Les dogmes religieux y présentent toute la simplicité antique un Dieu unique, éternel, infini, principe et essence du monde, Brahme ou Paramâtiâ (la grande Ame), sous le nom de Brahmâ, régit l'univers, dont il est tour à tour le créateur et le destructeur. On ne voit aucune trace, dans le code de Manou, de cette triade ou trinité (Trimoûrti) si fameuse dans des systèmes mythologiques sans doute postérieurs. Vichnou et Siva, que les recueils de légendes appelés Pourânas présentent comme deux Divinités égales, et même supérieures à Brahmâ, ne sont nommés qu'une seule fois en passant, et ne jouent aucun rôle, même secondaire, dans le système de créations et de destructions du monde exposé par le législateur. Les neuf Incarnations de Vichnou n'y sont pas mentionnées, et tous les Dieux nommés dans les Lois de Manou ne sont que des personnifications du ciel, des astres, des élémens, et d'autres objets pris dans la nature. Ce système mythologique paraît avoir les plus grands rapports avec celui des Védas, dont la haute antiquité est incontestable; c'est d'ailleurs un ouvrage éminemment orthodoxe, l'autorité des Védas y est sans cesse invoquée, et le législateur Vrihaspati a dit « Manou tient le premier rang parmi les législateurs, parce qu'il a exprimé dans son code le sens entier du Véda: aucun code n'est approuvé lorsqu'il contredit le sens d'une loi promulguée par Manou. » Cette simplicité des dogmes religieux est

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