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tibi dabo claves regni cœlorum, quodcumque, etc. (Matth. 16): Qu'il estoit pierre ou rocher, et sur ce rocher ou ceste pierre il edifieroit son Eglise.

Mais nous voicy en difficulté, car on accorde bien que Nostre Seigneur ayt parlé à sainct Pierre, et de sainct Pierre jusques icy, et super hanc Petram, mais que par ces parolles, il ne parle plus de sainct Pierre. Or, je vous prie, quelle apparence y a-t-il que Nostre Seigneur eust fait ceste grande preface: Beatus es, Simon Barjona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cœlis est; et ego dico tibi, pour ne dire autre sinon que Tu es Petrus, puis changeant tout à coup de propos, il allast parler d'autre chose? et puis quand il dit: Et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyez-vous pas qu'il parle notoirement de la pierre de laquelle il avoit parlé precedemment? et de quelle autre pierre avoit-il parlé, que de Simon, auquel il avoit dit: Tu es Pierre? Mais voicy l'equivoque qui peut faire scrupule à vos imaginations, c'est que peut-estre pensez-vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fust aussi alors, et que partant nous passions la signification de Pierre, à la pierre par equivoque du masculin au feminin. Mais nous n'equivoquons point icy, car ce n'est qu'un mesme mot, et prins sous la mesme signification. Quand Nostre Seigneur a dit à Simon: Tu es Pierre, et quand il a dit: Et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ce mot de pierre n'estoit pas un nom propre d'homme, mais seulement il fut approprié à Simon Barjona. Ce que vous entendrez bien mieux, si on le prend au langage auquel Nostre Seigneur le dit; il ne parloit pas latin, mais syriaque. Il l'appella doncques non pas Pierre, mais Cephas, en ceste façon Tu es Cephas, et super hoc Cephas ædificabo; comme qui diroit en latin: Tu es saxum, et super hoc saxum, ou en françois Tu es rocher, et sur ce rocher j'edifieray mon Eglise. Maintenant quel doubte reste-t-il, que ce n'est qu'un mesme auquel il a dit: Tu es roche, et du quel il dit : Et sur ceste_roche? Certes, il ne s'estoit point parlé d'autre Cephas en tout ce chapitre-là, que de Simon. A quel propos doncques allons-nous rapporter ce relatif, hanc, à un autre Cephas que celuy qui est immediatement precedent?

Vous me direz: Ouy, mais le latin dit: Tu es Petrus, et non : Tu es Petra; or ce relatif hanc, qui est feminin, ne se sçauroit rapporter à Petrus qui est masculin. Certes, la version latine a assez d'autres argumens pour faire cognoistre que ceste pierre n'est autre que sainct Pierre, et partant pour accommoder le mot à la personne à qui on le bailloit pour nom, qui estoit masculine. Il luy a baillé une terminaison de mesme à l'imitation du grec qui avoit mis: Tu es néτpos, et super hanc, t népa, mais il ne reüssit pas si heureusement en latin qu'en grec, parce qu'en latin Petrus ne veut pas petra, mais en grec Téτpa et néτpos n'est qu'une mesme chose, comme en françois rocher et roche dit le mesme, si bien que s'il falloit approprier ou l'un ou l'autre à un homme, je luy appliquerois plutost le nom de rocher que de roche, pour la correspondance du mot masculin à la personne masculine. Il reste que je vous die sur ceste interpretation qu'il n'y a personne qui doubte

que Nostre Seigneur n'eust appellé sainct Pierre Cephas (car sainct Jean le monstre tres-expressement, et sainct Paul aux Galates), ni que Cephas veuille dire une pierre ou un rocher, ainsi que dit sainct Hierosme.

Enfin, pour vous monstrer que c'est bien de sainct Pierre duquel il dit et super hanc petram, je produy les parolles suivantes. Car c'est tout un de luy promettre les clefs du royaume des cieux, et de luy dire super hanc petram, et neantmoins nous ne pouvons pas doubter que ce ne soit sainct Pierre auquel il promet les clefs du royaume des cieux, puisqu'il dit clairement: Et tibi dabo claves regni cælorum. Si doncques nous ne voulons descoudre ceste piece de l'Evangile d'avec les parolles precedentes et les suivantes, pour la joindre ailleurs à nostre poste, nous ne pouvons croire que tout cecy ne soit dit à sainct Pierre, et de sainct Pierre: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; ce que la vraye et pure Eglise catholique, mesme selon la confession des ministres, a advoué haut et clair en l'assemblée de 630 evesques au Concile de Chalcedoine, act. 3.

Voyons maintenant combien valent ces parolles, et ce qu'elles importent. On scayt que ce qu'un chef est au corps d'un vivant, la racine l'est à un arbre, le fondement l'est en un bastiment. Nostre Seigneur doncques, qui compare son Eglise à un edifice, quand il dit qu'il l'edifiera sur sainct Pierre, il monstre que sainct Pierre en sera la pierre fondamentale, la racine de ce precieux arbre, le chef de ce beau corps.

:

La pierre sur laquelle on releve l'edifice, c'est la premiere; les autres s'affermissent sur elle celles qu'elle ne soustient ne sont pas de l'edifice. On peut bien remuer les autres pierres sans que le bastiment tombe; mais qui leve la fondamentale, renverse la mayson. Les François appellent la mayson l'edifice, et la famille encore, pour ceste proportion, que comme une mayson n'est autre qu'un assemblage de pierres et autres materiaux fait avec ordre, dependance et mesure, ainsi une famille n'est autre qu'un assemblage de gens avec ordre et dependance les uns des autres. C'est à ceste similitude que Nostre Seigneur appelle son Eglise edifice, duquel faysant sainct Pierre le fondement, il le fait chef et superieur de ceste famille.

Par ces parolles, Nostre Seigneur monstre la perpetuité et immobilité de ce fondement. La pierre sur laquelle on releve l'edifice c'est la premiere; les autres s'affermissent sur elle. On peut bien remüer les autres pierres sans ruyner l'edifice; mais qui leve la fondamentale renverse la mayson. Si doncques les portes d'enfer ne peuvent rien contre l'Eglise, elles ne peuvent rien contre son fondement et chef, lequel elles ne sçauroient lever et renverser qu'elles ne mettent sens dessus dessous tout le bastiment: ce qui seroit contre la promesse de Jesus-Christ.

Une des differences qu'il y a entre sainct Pierre et luy, est monstrée. Car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement et edificateur; mais sainct Pierre n'est que fondement : Nostre Seigneur en est le maistre et seigneur en proprieté; sainct Pierre en a seulement l'œconomie, de quov nous dirons cy-apres.

Par ces parolles, Nostre Seigneur monstre que les pierres qui ne sont posées et arrestées sur ce fondement ne sont point de l'Eglise, quoy qu'elles se treuvent à cest edifice.

DISCOURS XXXI.

Resolution sur une difficulté.

MAIS une grande preuve du contraire, ce semble aux adversaires, c'est que, selon sainct Paul (1. Corinth. 3), fundamentum aliud nemo potest ponere præter id quod positum est, quod est Christus Jesus, et selon le mesme nous sommes domestiques de Dieu, super ædificati supra fundamentum Apostolorum et Prophetarum ipso summo angulari lapide Christo Jesu (Ephes. 2). Et en l'Apocalypse, la muraille de la saincte cité avoit douze fondemens, et en ces douze fondemens le nom des douze Apostres. Si doncques, disent-ils tous les douze Apostres sont fondement de l'Eglise, comment attribuez-vous ce tiltre à sainct Pierre en particulier? Et si sainct Paul dit que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comment osez-vous dire que par ces parolles : Tu es Pierre, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, sainct Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise? Que ne dites-vous plutost, dit Calvin, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondée, n'est autre que Nostre Seigneur? que ne dites-vous pas plutost, dit Luther, que c'est la confession de foy que sainct Pierre avoit faite? Mais à la verité ce n'est pas une bonne façon d'interpreter l'Escriture que de renverser l'un des passages par l'autre, où le tirer par une intelligence forcée à un sens estrange et mal advenant. Il faut y laisser tant qu'on peut la naïfveté et suavité du sens qui s'y presente. En ce cas doncques, puisque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il n'y a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que sainct Pierre l'est encore, et plus oultre encore que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le deuxiesme, ny le deuxiesme pour le troisiesme, ains les laisser tous trois en leur entier. Ce qui se fera aysement, si nous considerons ces passages à la bonne foy et franchement.

Et pour vray Nostre Seigneur est l'unique fondement de l'Eglise : c'est le fondement de nostre foy, de nostre esperance et charité; c'est le fondement de la valeur des sacremens, et de nostre felicité; et c'est encore le fondement de toute l'authorité et l'ordre ecclesiastique, et de toute la doctrine et administration qui s'y fait. Qui doubta jamais de cela? Mais, me dit-on, s'il est unique fondement, comment est-ce que vous mettez encore sainct Pierre pour fondement? Vous nous faites tort; nous ne le mettons pas pour fondement celuy-là oultre lequel on n'en peut point mettre d'autre, l'a mis luy-mesme. Que si Nostre Seigneur est vray fondement de l'Eglise, comme il est, il faut croire que sainct Pierre l'est encore, puisque Nostre Seigneur l'a mis en ce rang. Que si quelque autre que Nostre Seigneur mesme luy eust donné ce grade, nous crierions tous avec vous: Nemo potest aliud fundamentum ponere præter

S. François. 3

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id quod positum est. Et puis, avez-vous bien consideré ces parolles de sainct Paul? Il ne veut pas qu'on recognoisse autre fondement que Nostre Seigneur, mais ny sainct Pierre, ny les autres Apostres ne sont pas fondemens oultre Nostre Seigneur, ains sous Nostre Seigneur leur doctrine n'excelle pas oultre celle de leur maistre, mais elle est celle-là mesme de leur maistre. Ainsi la supresme charge qu'eut sainct Pierre en l'Eglise militante, à rayson de laquelle il est appellé fondement de l'Eglise, comme chef et gouverneur, n'est pas autre que l'authorité de son maistre, ains n'est qu'une participation d'icelle, si que luy-mesme n'est pas fondement de ceste hierarchie oultre Nostre Seigneur, mais plutost en Nostre Seigneur comme nous l'appellons tres-sainct Pere en Nostre Seigneur, hors duquel il ne seroit rien.

Certes, nous ne recognoissons point d'authorité seculiere autre que celle de Son Altesse, mais nous en recognoissons bien plusieurs sous icelle, lesquelles ne sont pas proprement autres que celle de Son Altesse, puisqu'elles en sont seulement certaines portions et participations. Enfin, interpretons passage par passage. Sainct Paul vous semble-t-il pas se faire assez entendre quand il dit: Vous estes suredifiez sur les fondemens des Prophetes et Apostres? Mais, afin qu'on sceust que ces fondemens n'estoient pas oultre celuy qu'il preschoit, il adjouste: Ipso summo angulari lapide Christo Jesu. Nostre Seigneur doncques est fondement et sainct Pierre aussi, mais avec une si notable difference, qu'au prix de l'un, l'autre peut estre dyt ne l'estre pas. Car Nostre Seigneur rst fondement et fondateur, fondement sans autre fondement de l'Eglise naturelle, mosaïque et evangelique, fondement perpetuel et immortel, fondement de la militante et triomphante, fondement de soy-mesme, fondement de nostre foy, esperance et charité, et de la valeur des sacremens.

Sainct Pierre est fondement, non fondateur de toute Eglise; fondement, mais fondé sur un autre fondement qui est Nostre Seigneur; fondement de la seule Eglise evangelique; fondement subjet à succession; fondement de la militante, non de la triomphante; fondement par participation, fondement ministerial, non absolu; enfin, administrateur et non seigneur, et nullement fondement dé nostre foy, esperance et charité, ny de la valeur des sacremens. Ceste si grande difference fait qu'en comparayson l'un ne soit pas appellé fondement au prix de l'autre, qui neantmoins prins à part peut estre appellé fondement, afin de laisser lieu à la proprieté des parolles sainctes. Ainsi qu'encore qu'il soit le Bon Pasteur (Ephes. 4), il ne laisse de nous en donner sous luy, entre lesquels et sa Majesté il y a une si grande difference que luy-mesme monstre qu'il est le seul Pasteur (Joan. 10).

Tout de mesme ce n'est pas bien philosopher de dire : Tous les Apostres en general sont appellez fondemens de l'Eglise, doncques sainct Pierre ne l'est que comme les autres. Au contraire, puisque Nostre Seigneur a dit en particulier, et en termes particuliers, à sainct Pierre, ce qui est dit par apres en general des autres, il

Le duc de Savoye.

faut conclurre qu'il y a en sainct Pierre quelque particuliere proprieté de fondement, et qu'il a esté luy en particulier ce que tout le college a esté ensemble. Toute l'Eglise a esté fondée sur tous les Apostres, et toute sur sainct Pierre en particulier. C'est doncques sainct Pierre qui en est le fondement prins à part, ce que les autres ne sont pas. Car à qui a-t-il jamais esté dit : Tu es Pierre, etc. Ce seroit violer l'Escriture, qui diroit que tous les Apostres en general n'ont pas esté fondemens de l'Eglise. Ce seroit aussi la violer, qui nyeroit que sainct Pierre ne l'eust esté particulierement. Il faut que la parolle generale sortisse son effect general, et la particuliere le particulier, afin que rien ne demeure inutile et sans mystere en des si mysterieuses Escritures. Voyons seulement à quelle rayson generale tous les Apostres sont appellez fondemens de l'Eglise; et c'est parce que ce sont eux qui, par leur predication, ont planté la foy et doctrine chrestienne, en quoy s'il faut donner quelque prerogative à quelqu'un des Apostres, ce sera à celuy-là qui disoit : Abundantius illis omnibus laboravi (1. Cor. 15).

Et c'est ainsi que s'entend le lieu de l'Apocalypse. Car les douze Apostres sont appellez fondemens de la celeste Hierusalem, parce qu'ils ont esté les premiers qui ont converti le monde à la religion chrestienne, qui à esté comme jetter les fondemens de la gloire des hommes et la semence de leur bien-heureuse immortalité. Mais le lieu de sainct Paul semble ne s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine: car il n'est pas dit que nous soyons suredifiez sur les Apostres; mais sur le fondement des Apostres, c'est-à-dire, sur la doctrine qu'ils ont annoncée : ce qui est aysé à recognoistre, puisqu'il ne dit pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres, mais encore des prophetes, et nous sçavons bien que les prophetes n'ont pas esté autrement fondemens de l'Eglise evangelique que par leur doctrine. Et en cest endroict tous les Apostres semblent aller à pair, si sainct Jean, et sainct Paul ne precedent pour l'excellence de leur theologie. C'est donc de ce costé que tous les Apostres sont fondemens de l'Eglise. Mais, en l'authorité et gouvernement, sainct Pierre a devancé tous les autres, d'autant que le chef surpasse les membres. Car il a esté constitué pasteur ordinaire et supresme chef de l'Eglise; les autres ont esté pasteurs deleguez et commis avec autant pleyn pouvoir et authorité sur tout le reste de l'Eglise que sainct Pierre, sauf que sainct Pierre estoit leur chef de tous, et leur pasteur, comme de tout le Christianisme. Ainsi furent-ils fondemens de l'Eglise avec luy esgalement, quant à la conversion des ames, et par doctrine; mais, quant à l'authorité et gouvernement, ils le furent inesgalement, puisque sainct Pierre estoit le chef ordinaire, non-seulement du reste de toute l'Eglise, mais des Apostres encore. Car Nostre Seigneur avoit edifié sur luy toute son Eglise, de laquelle ils estoient non-seulement parties, mais les principales et nobles parties. Licet super omnes Apostolos, ex æquo Ecclesiæ fortitudo solidetur, dit sainct Hierosme, tamen inter duodecim unus etigitur ut, capite constituto, schismatis tollatur occasio. Sunt quidem, dit sainct Bernard à son Eugene, et nous en pouvons autant dire de sainct Pierre, par mesme rayson, sunt alii cœli? jani

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