BANNIR, pour signifier faire quitter la compagnie : (L'Illus. com., 1, 7.) Ma maîtresse vous souffre, et l'ingrate me fuit; Quelque goût qu'elle prenne en votre compagnie, Sitôt que j'ai paru, mon abord l'a bannie. BANQUEROUTE. FAIRE BANQUEROUTE A, est employé par Corneille d'une manière que Voltaire paraît avoir justement blâmée: Je fais banqueroute à ce fatras de lois. (Le Ment., 1, 1.) << On disait alors, observe l'illustre commentateur, faire banqueroute, pour abandonner, renoncer, quitter, se détacher, mais mal à propos; banqueroute était impropre, même en ce temps-là, dans l'occasion où l'auteur l'emploie. Dorante ne fait pas banqueroute aux lois, puisque son père consent qu'il renonce à cette profession. >> BARRE, barrière : Le Bourguignon d'ailleurs sépare leurs provinces, BAS. UN OEIL BAS, un œil baissé à terre : A leurs noms, un grand froid, un front triste, un œil bas, METTRE BAS, fig., dépouiller : Malgré notre surprise et mon insuffisance, Croyez-moi, mettez bas l'artifice. -METTRE BAS LA FIERTÉ, fig., dépouiller la fierté : Et j'avouerai, seigneur, que pour mon hyménée Je crois tenir un peu de Rome où je suis née. Puisquelle en a mis bas l'intrépide fierté. (Auila, WV, 4.) (Oth., 1, 3.) (Cin., 11, 1.) (Oth., 11, 5.) (Oth., 111, 3.) Emploi elliptique remarquable de la même locution : DORANTE. Je serai cependant aveugle en mon bonheur, Et d'un si grand bienfait j'ignorerai la source? CLITON à Dorante. Curiosité bas, prenons toujours la bourse. (Suite da Ment., 1, 2.) BAS, adv., pour à bas : Et je n'aspirerais au bonheur de vous plaire (Pomp., iv, 3.) (Ibid., 11, 3.) (Serior., III, 2.) -- ENVOYER TOUT A BAS, jeter tout à terre : J'enverrai tout à bas, puis après on verra. (Gul. du Pal., iv, 12.) BASSESSE, condition humble, sans aucune idée de bassesse morale. Votre grand Marius naquit dans la bassesse. (Sertor., 11, 2.) Ciel! n'est-ce point ici quelque songe tout plein de gloire dont les dieux me veuillent flatter? et quelque réveil malheureux ne me replongera-t-il point dans la bassesse de ma fortune? (MoL., Les Amants magnif., v, 3.) BASSESSE, avec le plur., en parlant de style, d'idées : La lecture fera prendre mes naïvetés pour des bassesses. BASTANT DE, suivi d'un infinitif, capable de . Adieu, des raisons de si peu d'importance (Mél., au lect.) N'ont rien qui soit bastant d'ébranler ma constance. (Mél., 1, 6, éd. 1633.) Aux éditions suivantes, Corneille supprima le vieux mot bastant, et mit: Ne pourraient en un siècle ébranler ma constance. Cet emploi se trouve une seconde fois dans une autre comédie de notre poëte : Me croyez-vous bastant de nuire à votre feu? (L'Illus. com., 11, 7.) Dans les éditions postérieures à 1654, Corneille a encore changé ainsi : Me prenez-vous pour homme à nuire à votre feu? L'adjectif bastant, dont l'usage était si fréquent au seizième siècle, a été encore usité longtemps après Corneille. Saint-Simon en affectionnait l'emploi, comme de tant d'autres mots du siècle. Il l'applique souvent aux personnes, et le fait suivre de pour : Louville, avec Me de Maintenon, n'était pas bastant pour être de la conférence. (ST-SIMON, Mém., t. 111, ch. 20.) Outre qu'elle ne voyait et ne savait pas tout, elle n'était pas bastante pour arrêter et gouverner les autres. (Id., ibid., t. vn, ch. 21.) -Mais que pour ce qui regardait les prétentions romaines et en particulier la proposition touchant l'excommunication, j'avais la prétention de me croire bastant pour lui dire que ces endroits de la constitution étaient insoutenables. (Id., ibid., t. xi, ch. 6.) BATIR EN L'AIR SUR, absol., fonder des espérances vaines sur: Et, bâtissant en l'air sur le malheur d'autrui, (Hor., iv. 4.) Dont brillent les sentiers qu'il a pour nous battus, Les rayons toujours vifs montrent comme il faut vivre. On a dit d'une manière analogue: (Imit., 1, 1.) Nous n'avons nouvelles que de deux ou trois anciens, qui ayent battu ce chemin. (MONT., Ess., 11, 6.) BATTRE LES RAISONS DE QUELQU'UN, fig., les réfuter Et montre cependant des grâces peu vulgaires A battre ses raisons par des raisons contraires. (La Suiv., IV, VI.) BEAU. DANS LE PLUS BEAU DE LEUR CARRIÈRE, au point le plus brillant de leur existence : Combien en trompe un tel espoir! Et combien en laisse-t-il choir (Imit., 1, 23.) On a dit, peu différemment, en poésie, et même en prose : Il faut au plus beau de nos ans Cueillir les fleurs de la jeunesse. Et ne ménageons plus de tristes bienséances (ST-EVREM., Stances.) Qui nous ôtent les fruits du plus beau de nos ans. (MOL., Psyché, 1, 1.) Jamais un mot de réflexion sur la cruauté de sa destinée, qui l'enlevoit dans le plus beau de son âge. (MTM DE LAF., Hist. d'Henriette d'Anglet., 4o p., année 1670.) me TOUT BEAU, façon de parler adverbiale employée dans le style noble : Tout beau, Pauline : il entend vos paroles, Et ce n'est pas un Dieu comme vos dieux frivoles. (Pol., IV, 3.) BEAUTÉ, au plur., en parlant de la beauté d'une femme, comme on dit les charmes, les appas : Ne t'inquiète point pour une écervelée, Manquent donc à ton gré d'attraits et de mérite, (Mėl., m, 4.) (La Veuve, 1, 5.) (Pl. Roy., v, 7.) (Cinna, 11, 4.) (Androm., 111, 4.) Le dix-septième siècle employait très-fréquemment beauté au pluriel dans le même sens que le singulier, en prose comme en poésie : Ses vertus ne la font point régner plus sagement que ses beautés la font régner de bonne grâce. (MALH., Lett., à la princesse de Conti, 29 mars 1614.) J'entends de tous côtés (RAC., Bérén., 11, 2.; (Id., Mithr., 1, 5.) Publier vos vertus, seigneur, et ses beautés. C'est faire à vos beautés un triste sacrifice, Que de vous présenter, madame, avec ma foi, Tout l'âge et le malheur que je traîne avec moi. Celuy-cy espris des beautez de Blanche, mesme du vivant de Louis VIII, voyant qu'elle se moquoit de sa folie, s'estoit rangé par dépit avec ses ennemis. (MĖz., Hist. de France, Blanche, reine de France, 1523.) — Le duc d'Anjou, s'imaginant tout d'un coup que ce qui faisoit sa rêverie pouvoit bien causer celle du duc de Guise, lui demanda brusquement s'il pensoit aux beautés de la princesse de Montpensier. (Mme DE LAF., Lett., à la princesse de Montp.)-Il lui répondit en riant qu'il paroissoit lui-même si occupé de la rêverie dont il l'accusoit, qu'il n'avoit pas jugé à propos de l'interrompre; que les beautés de la princesse de Montpensier n'étoient pas nouvelles pour lui; qu'il s'étoit accoutumé à en supporter l'éclat du temps qu'elle étoit destinée à être sa belle-sœur. (Id., ibid.) — Quoiqu'elle approchât alors de soixante ans, elle étoit encore aimable, et, sans flatterie, on pouvoit dire qu'elle avoit encore de grandes beautés. (Mae DE MOTTEV., Mém., 1661.) BÉNIN, adj., doux, favorable, employé dans le style noble : Des dieux les moins bénins l'éternelle puissance (Androm,, iv, 6.} BIEN, avantage. AVOIR, DONNER LE BIEN DE, avoir, l'avantage de : Puisse d'un prompt succès votre grande entreprise Et me donner bientôt le bien de vous revoir! Et pour vous imiter, je veux avoir le bien (Ibid., v, 3.) procurer (Médée, iv, 5.) (Tite et Bér., 1, 3.) LAISSER LE BIEN DE, laisser l'avantage, le bonheur de Ah! redouble plutôt ce dédain qui me tue, Et encore dans le même sens : Trop heureux que mon sang puisse te satisfaire, (Gal. du Pal, 11, 8.) (La Veuve, m. 3) - BIEN QUE, quoique, séparé en deux par plusieurs mots : Bien, dit-il, que je touche à la fin de mes jours, (Pomp., 1, 1.) Cet emploi n'est pas fréquent, et on en trouve cependant des exemples dans de bons auteurs jusqu'à nos jours: Caroline sollicitait sans cesse pour Murat, lequel, tout léger qu'il était, payait du moins les bienfaits de son beau-frère d'un dévouement qui ne permettait pas d'augurer alors sa conduite postérieure, bien, il est vrai, qu'on doive tout attendre de la légèreté. (THIERS, Consul. et Emp., 1. xxiv.) BIENSÉANCE. IL EST DE BIENSÉANCE, il est bienséant : Un aveu plus précis est une conséquence Qui pourroit vous embarrasser, Et même à notre sexe il est de bienséance De ne pas trop vous en presser. (Agés., 1, 2.) SORTIR DE LA BIENSÉANCE, avec un nom de chose pour sujet, être contraire à la bienséance, s'écarter de la bienséance : Le caractère d'Angélique sort de la bienséance, en ce qu'elle est trop amoureuse, et se résout trop tôt à se faire enlever par un homme qui lui doit être suspect. (Exam. de la Pl. Roy.) BIGEARRE, pour bizarre : Cette bigearre humeur n'est jamais sans soupçon. (Gal. du Pal., III, 4.) Corneille n'a gardé que jusqu'en 1654 cette forme ancienne. BLAME, déshonneur. VIVRE SANS BLAME : Qu'après m'avoir chéri quand je vivois sans blâme, (Le Cid, 1, 4.) Corneille supprima cette expression dans les dernières éditions, et mit: Que malgré cette part que j'avois en ton âme, Qui m'aima généreux me haïroit infâme. NE JUGER POINT DE BLAME A, ne trouver point de blâme, c'est-à-dire de crime à : L'un aveuglé d'amour ne jugea point de blâme (La Veuve, v, 1.) Le mot blâme était autrefois très-fréquemment employé dans le sens de déshonneur, mauvais renom, honte, turpitude: Par ma foy, Je ne veulx rien savoir, ma femme, (Farce de la Résurr. de Jen. Landore.) M'assurant que Vostre Majesté ne pourroit trouver que tres estrange, luy estant ce que je suis, et avec le courage que j'ay, que je passasse sous silence les esnormes blasmes dont ils chargent mon honneur. (Leu. miss. de Henri IV, t. v, p. 72, 10 juin 1585.) Et purge mon état d'infamie et de blâme. (RACAN, Psaumes, XXIX.) |