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pour annoncer le même avénement, en faire naître l'attente, en soutenir l'espérance (1). C'est un ordre entier de religion fondé sur ses prophètes, sur ce qu'ils prescrivent ou interdisent, sur ce qu'ils rapportent ou promettent, sur ce qu'ils révèlent ou figurent. C'est la législation civile et religieuse, dogmatique, morale, cérémonielle, liée par les prophéties, et par leur moyen ne faisant qu'un seul corps. C'est la destinée temporelle et spirituelle de la nation mêlée continuellement et comme incorporée aux prophéties. C'est toute la vie des patriarches, toute la conduite des Juifs, toute l'administration de leur république, constamment dirigées et réglées par les prophéties : elles sont, dans l'économie hébraïque le motif de tout, le lien de tout, l'explication de tout.

VI. Nous avons remarqué qu'il y a deux sortes de caractères pour discerner les prophéties: les uns négatifs, qui font connaître les fausses prophéties; les autres positifs, auxquels on reconnaît les véritables. Commençons par montrer que l'on ne peut pas attaquer nos prophéties en leur appliquant les caractères négatifs : nous en avons reconnu trois.

En premier lieu, on ne doit pas mettre au rang des vraies prophéties les prédictions qui, de l'aveu de ceux qui les produisent, ne sont pas faites de la part de Dieu. Mais tous les prophètes juifs s'annoncent comme les bérauts du Tout-Puissant (2). Plusieurs d'entre eux rapportent la mission que Dieu leur a donnée, et la manière dont ils l'ont reçue (3). Beau

quo locutus sum in diebus antiquis, in manu servorum meorum prophetarum Israel, qui prophetaverunt in diebus illorum temporum; ut adducerem te super eos Ezech. 38, 17.

Et incipiens à Moyse et omnibus prophetis, interpretabatur illis in omnibus Scripturis quæ de ipso erant. Luc, 24, 27.

Huic omnes prophetæ testimonium perhibent, remissionem peccatorum accipere per nomen ejus omnes qui credunt in eum. Act. 10, 43.

Venit ergo Jesus Christus, non ab uno prophetâ, sed ab omnibus prænuntiatus. Et Celsi ignorantia fuit Judæum introducere dicentem ab uno prophetâ Christum prædictum fuisse. Origenes contra Celsum, lib. 2, n. 79.

Ne obliviscaris nostrî, quibus de futuro adventu tuo omnium prophetarum ora cecinerant. S. Hieronymus, Comment. in Isaia, cap. 14, lib. 3.

De omnium nostrum Servatore Christo semper frequens sermo est apud sanctos prophetas: nec admonere destiterunt; sed perspicuò denuntiârunt suis temporibus venturum in humanâ formâ Deum Verbum, et miracula operaturum divinitùs. S. Cyrillus Alex., Comment. in Is., lib. 5, tom. 1.

(4) Omnem propheticum sermonem ex divini Spiritûs instinctu profectum non in obscuro est, cùm legimus: Hæc dicit Dominus; et iterùm: Audite verbum Domini; et rursùm : Quoniam Deus locutus est; et in eodem: Os Domini locutum est ista S. Hilarius, tract. in psalm. 58, n. 1.

Mos erat omnibus qui Dei dicta in alios transmittebant, illud ante omnia constituere, se nihil à semetipsis loqui; sed divina se proferre oracula et scripia ex cœlis delata. S. Joannes Chrysost. Expos. in ps. 109, n. 2.

(2) Voyez Is. 6, 8, 9; Joan. 1, 4 et seq.; Ezech. 3, 4 et seq.; et alibi.

(5) Voyez Osée, 1, 1; Joël, 1, 1; Jonas, 1, 1;

coup d'autres commencent leur ministère par déclarer que ce qu'ils vont dire est la parole du Seigneur publiée par leur organe. Tous affectent de répéter très-fréquemment cette formule: Voici ce que dit le Seigneur. On ne peut donc pas d'abord opposer à leur autorité cette première difficulté.

En second lieu, la fausseté reconnue de la doctrine en faveur de laquelle est faite une prédiction, est une preuve certaine que la prédiction ne vient pas de Dieu. Or, on ne voit dans les écrits des prophètes rien de contraire à ce que nous enseigne, je ne dis pas ici la révélation, puisque nos adversaires ne la croient pas, mais la raison et cette loi naturelle qu'on se vante de suivre. Les incrédules, avec toutes leurs recherches, n'ont jamais pu trouver dans la doctrine et dans la morale des prophètes rien qui contredit ce que nous découvrent les lumières naturelles sur Dieu, sur l'homme, sur les rapports entre l'homme et Dieu.

En troisième lieu, nous avons vu que, si la sainteté personnelle du prophète ne peut pas être une note positive de la vérité de sa mission, ses vices doivent être regardés comme une note négative, et qu'on est très-fondé à croire que l'homme vicieux n'est pas l'organe de la Divinité. Mais que peut-on trouver dans les prophètes de l'ancienne loi qui inspire contre leur vertu le plus léger soupçon? Nous les voyons constamment être les hommes les plus en réputation de piété de toute leur nation. Nous voyons leur conduite correspondre dans tous les points avec la morale exacte qu'ils prêchent. Nous voyons leur vie, non-sculement religieuse, mais retirée et austère. Nous les voyons souffrir la persécution, les mauvais traitements, la prison, quelques uns même la mort, pour soutenir les vérités qu'ils annoncent. Si on veut les accuser d'hypocrisie, qu'on nous dise quel intérêt ils y ont? Si ce ne sont pas des hommes vertucux, à quels caractères reconnaîtrons - nous la vertu (1)?

Mich., 1, 1; Sophon., 1, 1; Agg., 1, 1; Zachar., 1, 1; Malach., 1, 1; et alibi.

(1) Extitêre longè ab hoc tempore viri quidamn istis omuibus qui philosophi æstimantur antiquiores, beati et justi et Deo chari, qui Spiritu sancto afflante locuti sunt, et futura vaticinati sunt, quæ quidem nunc fiant prophetæ vocantur. Ili verùm soli et viderunt, et hominibus nuntiârunt, neminem metuentes, neminem reveriti, nec gloriæ cupiditate victi. S. Justinus, Dial. cum Tryphone, cap. 8.

Sed Dei homines, cùm à sancto Spiritu efferrentur, ac prophetæ essent, divinitus docti et sancti et justi fuerunt, utpotè à Deo aflati et eruditi. Quamobrem hac etiam mercede dignati sunt, ut Dei instrumenta fierent, et sapientiam quæ ab eo est caperent. Theophilus ad Autolycum, lib. 2, cap. 8.

Verùm è judaicis prophetis, alii ante sapientes erant quàm prophetiæ donum acciperent, alios prophetia illustravit et sapientes fecit. Hi vitæ genus sectati difficile imitatu, constans, liberum, et mortis periculorumque metu inconcussum, fuerunt à providentià electi, quibus divinus Spiritus ejusque eloquia committerentur. Docet enim ratio tales esse debere summi Dei prophetas, quibuscum constaus Antisthenis, Crateris, Diogenisque gravitas pro ludo habebi

On ne peut donc pas reprocher aux prophètes de l'ancienne loi les notes négatives, les titres de réprobation qui font reconnaître la fausseté d'une prophétie. Il s'agit ensuite de prouver que leurs prédictions sont revêtues des caractères positifs qui distinguent les vraies prophéties, et spécialement le plus frappant à nos yeux, qui est l'accomplisse

nient.

Sur cet accomplissement des prophéties en JésusChrist, je dois faire encore une observation. Il y a des prophéties de diverses espèces: les unes prédisent des faits publics; les autres annoncent des dogines religieux. L'histoire nous apprend l'accomplissement des premières : c'est la foi qui nous révèle l'accomplissement des secondes. Je lis dans Daniel la prédiction de quatre grands empires; et je trouve dans les historiens la preuve qu'elle s'est effectuée. Mais quand Isaïe dit que le Messie naîtra d'une vierge, quand Jérémie annonce que cet envoyé céleste sera Jéhova, tur. Propter veritatem et libertatem in reprehendendis peccatoribus, lapidati sunt, secti sunt, tentati sunt, in occisione gladii mortui sunt, circuierunt in melotis, in pellibus caprinis, egentes, angustiati, afflicti, in solitudinibus errantes, in montibus et speluncis, et in cavernis terræ; quibus dignus non erat hic mundus ; intenti semper in Deum, Deique invisibilia, quæ, cùm sensibus non videantur, sempiterna esse necesse est. Singulorum prophetarum vila litteris mandata est: sed satis est in præsentiâ perpendere qualis vita fuerit Moysis, cujus in lege prophetias habemus; qualis vita Jeremiæ, quam prophetiarum ejus nomine notus liber repræsentat; qualis Isaiæ, qui inauditâ austeritate tres annos nudus et discalceatus ambulavit. Puerorum etiam, videlicet Danielis ejusque sociorum vitam considera, quàm austera fuerit; qui ab animatis abstinentes, aquâ et leguminibus vescebantur. Si antiquiora considerare putes, evolve vitam Noë, cujus prophetiæ sunt; Isaaci, qui filio suo benedictionem prophetiæ impertiit; Jacobi, qui duodecim filiis dixit: Venite, ut annuntiem vobis quæ futura sunt in novissimis diebus. Hi, sicut alii innumeri, qui Dei fuerunt prophetæ, prædixerunt etiam quæ ad Jesum pertinent.... Quocircà nihil facimus Pythia, Dodonidum, Clarii, Branchidarum, Ammonis, aliorumque sexcentorum qui vates habiti sunt, prædictiones. Ideò autem quæ in Judæâ prænuntiata sunt admiramur, quia videmus illorum hominum severam, constantem, honestam vitam, fuisse dignam divino Spiritu, qui singulari ratione, nec simile quidquam habente dæmoniorum prædictionibus, res futuras præsignificat. Origenes contra Cels., lib. 7, n. 7.

Prætereà voluntas fingendi eorum est, qui opes appetunt, qui lucra desiderant: quæ res procul ab illis sanctis viris abfuit. Ita enim delegato sibi officio functi sunt, ut derelictis omnibus ad tutelam vitae necessariis, non modò in futurum, sed ne in diem quidem laborarent; contenti ex temporali cibo quem Deus subministrâsset: et hi non modò quæstum nullum habuerunt, sed etiam cruciatus, atque mortem. Lactantius, divin. Instit., lib. 1, cap. 4.

Beati prophetæ, cùm haud mediocri curâ de his quæ nos spectant afficerentur, ut post Spiritu afflati, accuratèque res considerantes, obsecrârunt ut Dei Verbum hominibus adjutor ac redemptor adveniret; ipsi nimirùm ac quidem soli tribuentes ut Deo, eos qui ad extremam calamitatem pervenerint salvare. Fuerunt enim optimarum rerum magistri, salutisque viam præmonstrantes, sapientes, atque industrii. Quo enim non laudis genere floruerunt? S. Cyrillus Alex., in Exod., lib. 1, art. de Visione Moysis in zubo.

ou véritablement Dieu, je chercherais en vain dans les histoires l'accomplissement de ces oracles. Je ne puis le trouver que dans la doctrine de notre religion. Il résulte de là que, pour convaincre les Juifs et les incrédules qui rejettent notre doctrine, les prophéties du premier genre ont une force que n'ont pas celles du second. S'ensuit-il de là que nous devions supprimer celles-ci et ne point les employer? Je ne crois pas cette conséquence juste: et je déclare que J'en ferai usage pour deux raisons. La première est que, si les incrédules ne les trouvent pas démonstraLives, les fidèles qui contemplent les dogmes qu'ils professent, prédits dans l'ancienne loi, comme ils sont enseignés dans la nouvelle, y trouvent un affermissement de leur foi. La seconde est que, même vis-à-vis des ennemis de la religion, le rapport de ces prédictions à nos dogmes n'est pas indifférent. Si la foi chrétienne ne nous montrait pas dans JésusChrist les caractères dogmatiques prédits sur le Messie, ils en argumenteraient avec force contre nous. Ils nous diraient, par exemple: Le Messie devait, selon les prophètes, naître d'une vierge et être Dicu; vous convenez que Jésus-Christ est un pur homme, né comme les autres hommes; vous êtes donc forcé de reconnaître qu'il n'est pas le Messie. Mais notre doctrine prévient cette objection. Nous disons à nos adversaires : Tout ce que les prophètes ont prédit sur le Messie de caractères publics, des histoires bien certaines nous le montrent effectué dans Jésus-Christ; et nous vous opposons ce concert avec toute autorité. Ce que les prophètes annoncent de purement dogmatique sur le Messic, notre foi nous le révèle; et vous ne pouvez nous objecter qu'ils manquent à Jésus-Christ.Nous nous servons du premier genre de prophéties pour prouver qu'il est le Messie, vous ne pouvez pas conclure du second genre qu'il ne l'est point.

Avant de passer à l'examen détaillé de ces prophéties, il est bon de parcourir diverses objections que proposent les incrédules pour se soustraire à leur autorité.

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VII. Quelle force, disent-ils, peuvent avoir de prétendues prophéties dont on est sans cesse obligé de détourner les expressions de leur sens naturel? Ce sont des allégories continuelles, dont l'interprétation dépend de l'imagination de celui qui allégorise. Ces interprétations métaphoriques, mystiques, typiques, sont presque toujours éloignées du sens littéral, pour «présenter un sens spirituel. On intervertit le contexte de l'Ecriture, en détachant des membres de «phrases de ce qui précède et de ce qui suit; et on en fait des centons. Le savant Grotius a remarqué qu'en mettant ces passages à leurs places et en les rapprochant de ce qui les explique, on voit qu'ils ont un tout autre objet. Souvent ces prédictions sont ex«primées en paraboles ou énigmes. D'autres fois ce ne sont pas des paraboles, ce sont des actions dont on veut faire des prophétics. Avec de pareilles explications, on trouvera dans tout discours tout ce que l'on

■ voudra. Que l'on argumente de ces textes de l'An«cien Testament contre les Juifs qui y voient, de même que les chrétiens, le Messie, à la bonne heure: mais on ne peut en tirer aucun argument contre les adversaires de l'une et de l'autre religion. ›

Cette objection embrasse, réunit et confond plusieurs choses qu'il est nécessaire de distinguer, pour éclaircir la matière et donner à chaque partie une réponse satisfaisante. Considérons donc successivement quatre chefs d'objection, qui forment autant d'objections particulières. 1o Les prophéties par actions; 2o les prophéties par paraboles ; 5o les prophétics qu'on nous impute de séparer des antécédents et les conséquents, pour leur donner un faux sens; 4o les interprétations allégoriques, métaphoriques, mystiques, qu'on nous reproche de donner aux prophéties. VIII. 4° Les prophéties par actions ne sont autre chose que les types ou figures dont nous avons déclaré que nous renoncions à faire usage. Nous en trouvons dans les prophètes un grand nombre d'exemples (1). Les saints Pères en argumentaient avec une grande vérité contre les Juifs qui reconnaissaient l'autorité de ces sortes de prophéties. Mais ces analogies étaient de la part des incrédules sujettes à contestations: il n'en sera pas question dans cette discussion.

IX. 2o Il en est de même des paraboles : c'étaient des allusions, des allégories très en usage parini les Orientaux, spécialement parmi les Juifs. Nous lisons dans les livres des Proverbes et de l'Ecclésiastique qu'un des caractères de la sagesse est d'étudier et de connaitre le sens des paraboles (2). Les prophètes en faisaient un usage fréquent; et il suffit d'ouvrir leurs livres pour s'en convaincre. Il est donc encore naturel que les saints Pères aient opposé aux Juifs celles de ces paraboles dont l'analogie avec la vie de Jésus-Christ est claire. Il se peut au reste que parmi les défenseurs de la religion, il s'en soit trouvé quelques-uns qui aient recherché avec un soin trop minutieux toutes les allusions qui peuvent avoir un rapport plus ou moins clair avec la personne et les actions de Jésus-Christ, et qu'ils leur aient attribué trop d'autorité contre leurs adversaires. Quant à nous, ce n'est pas non plus de ces analogies, quelque solides qu'elles puissent être, que nous référons ici, nous

(1) Voyez Isa. 20, 2, 3; Jerem. 13, 1 et seq.; 19, 1, 2; 27, 2 et seq.; 43, 8 et seq.; Ezech. 3, 1 et seq.; 12, 3 et seq.; 24, 3 et seq.; Osee 1, 2 et seq.; etc. Voltaire, Philosophie de l'histoire, chap. 52, reconnaît que la manière d'exprimer par des actions ce que l'on voulait faire entendre était très-usitée parmi les Orientaux; et il en rapporte des excmples tirés de l'histoire, soit sacrée, soit profane.

(2) Audiens sapiens sapientior erit, et intelligens gubernacula possidebit. Animadvertet parabolam, et interpretationem, verba sapientium, et ænigmata eorum. Prov. 1, 5, 6.

Sapientiam omnium antiquorum exquiret sapiens, et in prophetis vacabit. Narrationem virorum nominatorum conservabit, et in versutiis parabolarum simul introibit; occulta proverbiorum exquiret, et in absconditis parabolarum conversabitur. Eccli, 39, 1, 2, 3.

bornant à ce qui est absolument démonstratif contre les divers genres d'ennemis de notre religion.

X. 3° Il serait certainement contraire à la raison de détacher des membres de phrases de leurs antécédents et de leurs conséquents, avec lesquels ils forment un discours suivi, et dont ils sont la continuité, pour en former des prophéties; mais nous sommes bien éloignés de raisonner ainsi. Il faut considérer que les prophètes n'observent pas toujours l'ordre dans leurs écrits. Ils passent rapidement d'un objet à l'autre, de la figure à la réalité, d'un personnage à un autre. Nous avons un grand nombre d'exemples de cette confusion: elle tient au génie poétique dont étaient animés les prophètes, et aux mouvements de l'Esprit divin qui les inspirait. Dans les poètes pro fanes on voit souvent ce désordre apparent. Pindare entre autres et tous les poètes lyriques en présentent beaucoup d'exemples. D'après cela, il ne doit pas paraître étonnant que nous fassions usage, non de membres de phrases dont nous coupons la continuité, mais de phrases entières qui se trouvent comme isolées au milieu du discours prophétique, et qui n'ont point de connexion avec celles qui précèdent et celles qui suivent c'est donc à tort que l'on prétend confondre ces citations avec les centons. Les centons sont des phrases ou des membres de phrases que l'on détache des ouvrages où ils sont insérés, et que l'on unit à d'autres phrases ou membres de phrases tirés d'autres écrits. Les uns et les autres avaient dans les ouvrages primitifs une liaison avec ce qui précédait et ce qui suivait, et faisaient partie, chacun de leur côté, de discours suivis. Moyennant la séparation et la nouvelle liaison, on leur ôte le sens qu'ils avaient, et on leur en donne un autre, quelquefois tout contraire; il en est tout autrement de nos citations. C'est dans les écrits mêmes des prophètes que les phrases dont nous argumentons ont un sens entier, absolu, indépendant des phrases concomitantes; elles en sont par elles-mêmes toutes détachées; elles ont un objet différent : l'erreur et le défaut de raisonnement seraient de leur prêter une relation qui n'est point dans la réalité.

XI. On nous objecte l'opinion particulière de Grotius. Il est possible que parmi les auteurs chrétiens il s'en soit trouvé qui aient abusé de quelques expressions de l'Écriture; et qui, dans des passages étrangers au Messic, aient vu des rapports avec lui douteux ou même faux: nous n'avons pas intérêt à les défendre. Le système de Grotius est que, dans leur sens primitif et immédiat, presque toutes les prophćties ont pour objet la république judaïque. Mais cette assertion est combattue avec des raisons victorieuses par le commun des docteurs chrétiens. Ce savant homme est parti d'un principe vrai, savoir, que dans l'interprétation des livres prophctiques on doit suivre les mêmes règles par lesquelles on explique les auteurs profanes; et qu'il faut avoir égard au génie et au dessein des prophètes. Mais il a fait de ce principe une fausse application. De ce que les prophéties étaient faites pour des Juifs fort occupés des choses

de la république, il a conclu d'abord que l'objet prinripal des prophéties devait être les affaires de la république, et ultérieurement que c'est de ces affaires que leurs discours devaient être directement et principalement entendus. Mais il n'a pas assez considéré deux choses la première, que si les Juifs étaient fortement occupés de ce qui concernait leur état politique, ils l'étaient aussi beaucoup de l'attente de leur Messie, lequel même, dans leur principe, se liait intimement à la prospérité de leur état; la seconde, que si les prophètes étaient envoyés aux uifs, ils étaient envoyés et inspirés de Dieu; qu'ils n'étaient que ses organes; que c'était véritablement Dieu qui parlait par leur bouche; que c'est par conséquent le but que Dieu avait en vue qu'il faut considérer dans les prophéties. Or, dans les vues divines, et Grotius en convient, toute l'économie mosaïque était relative au Messie. C'est donc principalement au Messie, d'après le principe même de Grotius, que les prophéties de l'ancien Testament doivent se rapporter. Il y avait des prophéties, et nous le reconnaissons, qui avaient pour but unique les affaires temporelles de la nation. Il y en avait d'autres qui, ayant pour objet premier et plus direct les choses du gouvernement judaïque, avaient un autre objet moins direct et relatif au Messie et à sa religion. Il y en avait enfin dont le but unique était le Messie et la loi qu'il devait apporter c'est ce que nous verrons dans le chapitre suivant, en examinant le détail de ces prophéties.

XII. 4o On nous reproche d'entendre toutes nos prophéties dans un sens métaphorique, allégorique, mystique, et de les détourner de leur sens naturel et littéral, pour les appliquer à Jésus-Christ.

D'abord je nie l'assertion, et je dis que, parmi les prophéties que nous alléguons, il y en a beaucoup qui ne sont ni métaphoriques, ni mystiques, et que nous entendons dans leur sens le plus littéral (1). Et même, sur plusieurs de ces prédictions, c'est nous qui défendons le sens simple et littéral, contre les Juifs qui veulent les détourner à un sens métaphorique ; l'examen que nous ferons de ces prophéties le démontrera clairement.

Mais, comme il est vrai qu'il y a quelques prophéties que nous donnons en preuves, quoiqu'en les prenant dans un sens métaphorique ou mystique, il est nécessaire d'expliquer nettement ce que nous entendons par ce sens, et dans quels cas nous en ferons usage. Nous distinguons dans les prophéties trois sens dont elles sont susceptibles : le littéral, le métaphorique et le mystique. Le scns littéral est celui dont les

(1) Ob hujusmodi igitur conjecturas primùm præstructionem eorum depellam, quâ volunt omnes prophetas per imagines concionatos. Quando si ita esset, nec ipsæ quidem imagines distingui potuissent, si non et veritates prædicatæ fuissent, ex quibus imagines delinquerentur. Atque adeò, si omnia figuræ, quid erit illud cujus figuræ? Quomodò speculum obtendes, si nusquam est facies? Adeò autem non omnia imagines sed veritates; non omnia umbræ, sed et corpora: ut in ipsum quoque Dominum insigniora quâque luce clariùs prædicarentur. Tertullianus, de Resurr. carnis, cap.20.

expressions se présentent à l'esprit premièrement, immédiatement, dans leur signification ordinaire et naturelle. Telle est la prédiction de Joseph à Pharaon, qu'il viendra sept années d'abondance, qui seront suivies de sept années de stérilité. Le sens métaphorique est celui qu'expriment les paroles transportées à une signification autre que naturelle. Quand Jacob prédit que Juda sera un lion couché sur sa proie, que Benjamin sera un loup ravissant, il est évident qu'il parle métaphoriquement. Le sens mystique est celui que le texte présente à l'esprit, non pas immédiatement et directement, mais médiatement et indirectement, et à l'aide de choses signifiées et figurées par le sens littéral. Nous avons déjà eu occasion d'en parler ; et nous en avons donné un exemple dans le psaume 71, lequel est primitivement et directement relatif à Salomon, mais dans lequel il y a des choses qui, ne pouvant s'effectuer dans ce prince, sont relatives à un autre personnage dont Salomon est la figure. La différence principale entre le sens métaphorique et le sens mystique est que celui-ci suppose un sens littéral qu'exclut celui-là. Dans le sens mystique, le prophète a en vue deux objets exprimés, l'un littéralement, l'autre figurativement. Dans le sens métaphorique, le prophète n'a eu en vue que sa métaphore, il n'a eu nullement dessein d'énoncer ce que signifient proprement ses paroles. David, au psaume 71, voit d'abord près de lui Salomon, et ensuite au-delà un autre personnage plus puissant; mais Jacob ne voit pas réellement dans Juda un lion et dans Benjamin un loup. Il est certain et universellement reconnu que la manière de parler par métaphores ou par allégories, qui sont des métaphores continuées, était très-commune parmi les Orientaux; et que spécialement les prophètes en faisaient un très-fréquent usage. Quelquefois ils avertissaient eux-mêmes qu'ils parlaient en style figuré. Ainsi Isaïe, au chapitre cinquième, après avoir décrit une vigne, qui, bien que cultivée avec soin, n'a produit que des fruits sauvages, déclare que ceue vigne est le peuple d'Israël, qui n'a répondu aux bienfaits de son Dieu que par des offenses. D'autres fois les prophètes n'expliquent point leurs figures; mais alors elles s'expliquent d'elles-mêmes. Nous voyons le même Isaïe, au chapitre onzième, décrivant la prospérité du temps où viendra le rejeton de Jessé, dire que le loup habitera avec l'agneau, le léopard avec le chevreau, etc. Il est évident que dans ces passages le sens réel, le sens qu'a en vue le prophète, n'est pas le sens littéral, le sens qu'offre la signification grammaticale des termes. On se tromperait en les entendant ainsi : et on est obligé, par la force même du sens, de les expliquer allégoriquement. Les docteurs de la loi eux-mêmes, avant la venue de Jésus-Christ, entendaient dans le sens métaphorique beaucoup de leurs prophéties, spécialement de celles que nous entendons ainsi. Comment donc nos adversaires peuvent-ils trouver mauvais que nous fassions usage des passages prophétiques qui ne peuvent avoir d'autre sens réel que le sens métaphorique?

Car, nous le déclarons positivement, et ceci répond, à ce qu'il nous semble, d'une manière satisfaisante à la difliculté, nous n'emploierons la preuve tirée des prophéties métaphoriques que lorsqu'un texte réunira quatre conditions: la première, que dans sa signification littérale, il n'est pas un sens raisonnable; la seconde, que sa signification métaphorique présente un sens très-clair; la troisième, qu'il s'applique avec justesse au Messie; la quatrième, que, selon cette explication, il se trouve pleinement réalisé en Jésus-Christ. Il paraît évident qu'une prédiction qui réunira ces quatre caractères doit être regardée comme une prophétie de la divine mission de JésusChrist.

Il en est de même des prophéties mystiques. J'ai déjà expliqué que je ne compte en faire usage que dans le cas où il s'y trouverait des passages qui, ne pouvant pas s'apliquer au personnage objet direct de la prédiction, trouveraient une juste application à Jésus-Christ. On ne peut trouver mauvais, ni que nous ne rapportions pas ces passages à celui avec qui ils n'ont aucune relation, ni que nous les rapportions à celui à qui ils conviennent parfaitement.

, XIII. «Quoique ces notions et ces principes soient de toute clarté et de toute justice, elles ne sont pas à l'abri des critiques des incrédules. Ils attaquent et les prophéties métaphoriques et les prophéties ⚫ mystiques. Sur les premières, ils prétendent que les Apôtres et les Pères ont tourné en métaphores toutes les prophéties, et ont fait de leurs allégories le fondement de la religion: ils les comparent aux païens, qui recouraient aux allusions pour expliquer toute leur idolâtrie. Sur les secondes, ils disent qu'un homme qui donne deux sens à ses paroles cherche à tromper, et que tels étaient les oracles des païens, qui, par leur double signification, induisaient en erreur ceux qui avaient la simplicité d'y croire. ›

De ces deux difficultés, la première porte sur une assertion fausse; la seconde, sur une équivoque d'expression.

XIV. Je dis donc d'abord qu'il est faux que les Apôtres et les Pères aient tourné en allégories toutes les prophéties. Disputant contre les Juifs ou les païens, ils prennent dans le sens le plus strict et le plus littéral celles des prophéties qui sont exprimées en termes simples et clairs: nous aurons occasion de le montrer par la citation même de leurs passages. Les païens étaient forcés de recourir aux allégories pour expliquer non-seulement leurs oracles, mais les faits mêmes de leur religion, et pour justifier leurs divinités des obscénités et des crimes dont la mythologie les charge. Les faits de l'histoire judaïque sont réels et n'ont pas besoin d'explication; si, d'après les Apôtres, les Pères y ont vu des figures de JésusChrist, ils ont ajouté le sens figuratif au sens littéral, ils ne l'ont pas substitué. J'ai eu occasion de prouver ailleurs que c'est injustement qu'on leur impute d'avoir fait des allégories le fondement de la religion. XV. Je dis ensuite qu'il faut distinguer les diverses

manières dont une proposition peut avoir deux sens. Elle est répréhensible quand elle présente deux sens dont l'un est vrai et l'autre faux, parce qu'elle tend à tromper, en induisant à croire le sens faux, sous l'apparence du sens vrai qu'elle montre. Teis étaient les oracles cités dans le paganisme, que Cicéron rapporte d'après Hérodote et Ennius, quoiqu'il ne les croie pas authentiques. Ils avaient été faits l'un à Crésus, l'autre à Pyrrhus; et ils paraissaient promettre des victoires: mais ils étaient énoncés de manière à pouvoir également annoncer des défaites (1). Le double sens de ces oracles était une ambiguité concertée de manière à exprimer les deux contraires, à faire croire le oui et le non, tellement que, quelque événement qui arrivât, la véracité du prédiseur fût en sûreté et sa personne exempte de reproche. Mais il en est tout autrement du double sens de nos prophéties mystiques. Ce ne sont pas deux sens opposés: ce sont deux sens subordonnés l'un à l'autre. Ce ne sont pas deux sens dont l'un soit vrai et l'autre faux ce sont deux sens également vrais ; it n'y a ni équivoque ni ambiguité. En quoi donc pourrait consister la tromperie? Dans quelle erreur engage cette prophétie ? Que l'on s'en tienne au sens littéral, qu'on voie uniquement le sens figuré, qu'on les reçoive tous les deux ; dans toutes ces hypothèses, on trouve toujours la vérité.

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XVI. Quand Dieu, disent encore les incrédules, daigne manifester aux hommes des vérités importantes à leur bonheur, ce doit être avec une clarté telle qu'ils ne puissent les méconnaître. S'il avait dicté des prophéties, elles auraient dû avoir un ca<ractère de clarté qui les distinguât de toutes les autres manières de deviner l'avenir. Parmi les païens eux-mêmes, ceux qui étaient raisonnables, rejetaient leurs prétendus oracles, sur le fondement de leur obscurité. Si Dieu, disaut Cicéron, veut que nous connaissions les choses futures, il doit nous les déclarer ouvertement. S'il veut que nous les ignorions, il ne doit pas nous les annoncer, même obscurément (2). Les prophéties qu'on nous rapporte de l'ancien Testament sont d'une obscurité à laquelle on ne comprend rien. Ce sont des énigmes dont « chacun donne le mot à sa guise: les chrétiens leg expliquent d'une façon, les Juifs de l'autre. Ce n'est pas tout encore les docteurs chrétiens sont entre

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(1) Nam cùm sors illa edita est opulentissimo regi Asia: Cræsus Halyr penetrans magnam pervertel opum vim, hostium vim sese perversurum putavit : pervertit autem suam. Utrum igitur eorum accidisset, verum oraculum fuisset. Cur autem hoc credam unquàm editum Croso? aut Herodotum cur veraciorem ducam Ennio? Non minùs ille potuit de Cræso quàm de Pyrrho fingere Ennius.Quis est enim qui credat Apollinis ex oraculo Pyrrho esse responsum : Aio te, Æacide, Romanos vincere posse? Cicero, de Divinatione, lib. 2, cap. 56.

(2) Quæ si signa deorum putanda sunt, cur tam obscura fuerunt ? Si enim ut intelligeremus quid esset eventurum, apertè declarari oportebat: aut ne occultè quidem, si ea sciri nolebant. Cicero, de Divinatione. lib. 2, cap. 25.

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