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dans ces deux endroits. Mais 1° il n'est pas sûr que dans l'un et dans l'autre texte le prophète fixe le même terme. Nous venons de voir qu'il est plus vraisemblable que dans le premier il annonce la délivrance du royaume de Juda. Elle précéda la ruine des royaumes de Syrie et de Samarie, prédite dans le second. Phacée et Rasin furent contraints d'abandonner leur entreprise sur Jérusalem, avant que ThéglathPhalasar, roi d'Assyrie, eût exécuté la sienne sur leurs états. Ainsi, à parler exactement, le temps de la première enfance d'Emmanuel est le terme de la délivrance de Juda, et ce même temps, pour le fils d'Isaïe, est le terme de la ruine des royaumes de Syrie et de Samarie. 2o Quand ces deux textes rapprochés détermineraient la même époque, ce n'est pas une conséquence inévitable, qu'ils indiquent le même enfant. L'Emmanuel du chapitre septième est distingué par des caractères trop frappants du fils d'Isaïe mentionné dans le chapitre huitième, pour qu'une si légère ressemblance doive nous engager à les confondre. Leurs noms sont différents, leurs fonctions prodigieusement inégales. Le fils d'Isaïe était déjà né, et il le montrait en quelque sorte du doigt, quand il proférait ces paroles qu'on nous objecte: Avant que cet enfant sache appeler son père et sa mère. Mais il avait prédit la naissance d'Emmanuel comme future, lorsqu'il disait: Avant qu'il sache choisir ce qui est bon, et rejeter ce qui est mauvais. Il ne fixe point le temps de sa naissance. Il n'avertit point s'il sera prochain ou éloigné. Cette alternative est indifférente à la vérité de sa prophétie. Il suffit, pour que les Juifs soient instruits du terme qu'il leur propose, qu'il n'y ait pas un intervalle plus long entre le moment de la prédiction et celui de l'événement, qu'entre la naissance d'Emmanuel, dans quelque temps qu'il vienne au monde, et l'âge où il aura pris les mêmes accroissements que tous les autres enfants. Tout ce qu'on peut inférer de cette époque répétée avec des expressions à peu près pareilles, c'est que Dieu a voulu la rendre palpable aux Juifs dans un enfant qui venait de naître, et qu'ils voyaient de leurs propres yeux, après la leur avoir fait envisager dans un autre enfant d'un rang infiniment supérieur, dont la naissance pouvait être, et réellement était fort éloignée. Mais cette répétition ne prouve pas, ni que Maher-schalal-has-bas soit Emmanuel, ni que le fils d'Isaïe et de sa femme la prophétesse soit le fils de la Vierge, ni qu'un enfant obscur né et mort dans une condition privée soit le maître de la Terre-Sainte, ni qu'une conception et un enfantement ordinaires puissent être confondus avec un signe miraculeux.

Une objection plus importante que toutes les autres nous donnera lieu de montrer dans la personne de Jésus-Christ l'accomplissement de cette prophétie. On demande comment il est possible que les Juifs en aient ignoré le sens. Ils ne croyaient pas, au temps de Jésus-Christ, que leur Messie dût naître d'une vierge. S'ils l'avaient cru, ils n'auraient pas député à saint Jean-Baptiste, pour s'informer de lui s'il était le Christ. Ils savaient qu'il était fils de Zacharie et

d'Elisabeth. Une raison semblable n'empêcha pas plusieurs d'entre eux de reconnaître Hérode pour le Messie, ainsi que d'autres imposteurs qui en prenaient la qualité. Quelque haine même qu'ils eussent contre Jésus-Christ, ils ne lui opposèrent jamais sa filiation, qui passait pour constante parmi eux, de Joseph et de Marie. Il y a plus : le mariage authensique entre ces deux personnes, à l'ombre duquel Jésus-Christ était né, eût été contre lui un préjugé décisif, si la prédiction d'Isaïe eût paru alors aussi claire que nous prétendons qu'elle l'est. Car la virginité de Marie était un secret impénétrable pour les Juifs. Ils n'ignoraient pas qu'elle avait épousé Joseph. Ils devaient croire que le fils qu'elle avait mis au monde dans cet état, était le fruit de ce mariage. C'en était assez pour refuser à Jésus un titre qui ne devait appartenir qu'au fils d'une vierge; et loin que cette prophétie pût être utile à Jésus-Christ, elle eût formé, au contraire, un obstacle invincible au succès de son ministère.

Voilà l'objection dans toute sa force. Elle attribue aux Juifs une ignorance trop générale sur la naissance du Messie. Il y a des rabbins qui ont enseigné qu'il devait naître d'une vierge; mais leur nombre est petit, je l'avoue, en comparaison de ceux qui ont détourné l'oracle d'Isaïe de sa signification naturelle. Je conviendrai même sans peine que, lorsque JésusChrist vint au monde, le gros de la nation Juive ne faisait aucune attention à ce caractère du Messie. Qu'on ne s'alarme pas de cet aveu. Il est nécessaire, et la cause que je défends n'en sera pas moins victorieuse.

On a déjà vu dans la première partie de cet ouvrage, pourquoi les traits qui peignent le Messie sont épars et détachés les uns des autres dans les livres prophétiques de l'ancien Testament. De là est née une sorte d'obscurité, dont on a vu aussi le motif, qui ne porte aucune atteinte à la certitude du sens de ces prophéties, qui ne peut en cacher à des cœurs droits et sincères l'accomplissement effectif, mais qui devait diminuer, avant l'événement, l'impression qu'elles n'auraient pas manqué de faire sur l'esprit des Juifs, si elles eussent formé dans la suite d'un même discours une histoire anticipée de toute la vie du Messie. Il fallait cependant que ce Messie fût attendu et désiré, et que, dans le temps de sa venue, les peuples fussent disposés à le recevoir. C'est aussi l'effet qu'avaient produit d'avance les prédictions qui le concernaient. Les Juifs soupiraient sans cesse après ce libérateur qui leur était promis depuis tant de siècles. Ils savaient tous qu'il devait être enfant d'Abraham et de David. La plupart n'ignoraient pas qu'il devait naître à Bethlehem; et c'était une croyance universelle parmi eux, de même que parmi les Samaritains soumis à la seule autorité du Pentateuque, qu'il devait paraître vers le temps que Jésus-Christ exerça son ministère. Mais toutes les circonstances particulières que les prophètes avaient annoncées sur le Messie, n'étaient pas présentes à l'esprit de

tous les Juifs dans ce degré d'évidence et de clarté. Il y en eut même qu'ils méconnurent, qu'ils rejetèrent ouvertement dans la personne de Jésus-Christ, quoiqu'elles ne fussent pas moins prédites que celles qu'ils admettaient. On verra dans la suite quel fut le principe de cette incrédulité, et que, bien loin de nuire à la vérité des prophéties, elle l'établit au contraire par une preuve nouvelle.

assez inutile que tous les Juifs fussent instruits du véritable sens d'une prophétie dont l'accomplissement leur demeurait inconnu.

Il n'est donc pas surprenant que ce caractère singulier du Messie, d'être enfanté par une mère vierge, quoique subsistant dans le livre d'Isaïe, que les Juifs lisaient et respectaient, eût échappé, comme tant d'autres, à leur attention. Il n'entrait pas dans le plan qu'ils s'étaient fait, suivant les penchants de leur cœur, d'un Messie glorieux par ses conquêtes, redoutable par sa puissance, cher à sa nation par les biens temporels dont il la comblerait. Il surpassait les idées grossières et charnelles, que des instructions si pures et si souvent renouvelées n'avaient pu arracher de leurs esprits. Ce n'était pas l'ambiguïté de l'oracle qui les rendait distraits sur ce caractère; car il y était alors, comme aujourd'hui, exprimé avec une énergie qui écarte tout autre sens. C'était la nouveauté de la chose en elle-même, son opposition à des préjugés profondément enracinés, son élévation au-dessus des sens et de l'imagination; et si l'on veut pénétrer plus avant, on trouvera qu'il était même de la sagesse de Dieu de permettre que ce caractère prédit ne fût pas, dans le temps dont nous parlons, si distinctement aperçu par tous les Juifs.

L'enfantement d'une vierge est par sa nature un événement invisible aux yeux des hommes. Il n'était pas possible qu'au moment qu'il devait arriver, la vérité en fût constatée par les mêmes preuves extérieures qui assurent les autres faits. Quand on voyait, par exemple, Jésus-Christ né à Bethlehem, opérant dans le cours de sa vie des miracles ou d'autres actions remarquables, souffrant le dernier supplice avec des circonstances extraordinaires, ressuscité ensuite, montant au ciel, et faisant descendre des langues de feu sur ses disciples; tous ces événements soumis au témoignage des yeux, ou susceptibles, pour ceux qui ne les voyaient pas, d'une preuve équivalente, n'avaient besoin que d'être comparés aux textes des prophètes, pour juger s'ils étaient autant de caractères qui dussent convenir au Messie. Mais cette comparaison ne pouvait être ni si prompte, ni si facile à l'égard de sa conception, et de sa naissance d'une vierge. Quelque vive, quelque répandue qu'eût été parmi les Juifs l'attente de ce signe merveilleux, ils n'étaient pas en état d'en faire sur-lechamp l'application. L'incorruptible virginité de la Mère du Messie était un mystère, dont la manifestation, réservée d'abord à un petit nombre de témoins fidèles, ne devait se communiquer que de proche en proche. Avant qu'elle devint entièrement publique, il fallait préparer les voies par l'éclat des autres caractères qui distinguaient le Messie. Jusque-là il était

Et c'est par une suite de cette économie, qui ne pouvait être dérangée que par des miracles qu'il ne convient pas à Dieu de prodiguer, c'est pour donner le temps aux hommes d'entrer d'eux-mêmes et sans effort dans la croyance d'une mère vierge, que JésusChrist est né sous le sceau du mariage contracté entro Marie et Joseph. Quel étrange spectacle eût-ce été, dit M. Bossuet (1), qu'une fille avec son enfant, scandale de toute la terre, sujet de ses dérisions, objet inévitable de ses calomnies! Quand elle aurait assuré qu'elle était vierge, sa parole particulière n'eût pas été un témoignage suffisant pour l'affermissement de la foi.... Ainsi c'était un conseil digne de Dieu de faire naître dans le mariage le Fils de la Vierge, afin que sa naissance parût du moins honnête, jusqu'à ce que le temps fit venu de la faire paraître surnaturelle et divine. Les Juifs, quoique convaincus que Jésus-Christ était véritablement fils de Joseph, ne lui objectèrent jamais cette filiation comme incompatible avec la qualité de Messie. Le temps n'était pas venu pour eux ni de pénétrer le sens de l'oracle d'Isaïe, ni de savoir comment il s'était accompli. Enfin ce temps arriva. Jésus-Christ qui s'était contenté d'insinuer la virginité de sa mère, en répétant souvent dans ses discours publics qu'il avait Dieu pour père, fit déclarer hautement par les écrits de saint Matthieu et de saint Luc le prodige de sa conception et de sa naissance. Le premier de ces évangélistes rappela aux Juifs la prédiction d'Isaïe (2). Il leur montra la Vierge annoncée par ce prophète dans Marie concevant et enfantant un fils par l'opération du Saint-Esprit et l'Emmanuel ou Dieu avec nous dans Jésus Verbe incarné, réconciliant l'homme avec Dieu. L'événement rapproché alors de l'oracle qui le prédisait, en dévoila l'intelligence aux yeux les moins clairvoyants. Les Juifs qui n'avaient pas conçu ce que voulait dire dans Isaïe l'enfantement d'une vierge, ne purent plus méconnaître ce signe qu'il leur avait promis de la part de Dieu. Leur ignorance avait pu être excusable. Elle devint dès ce moment une aveugle et perfide obstination.

Combien moins peut-il être permis à des chrétiens de contester encore après l'événement le sens des paroles d'Isaïe? L'exemple des Juifs est un mauvais garant pour eux, et sans insister sur la honte et le danger de cette imitation, je ne demande à mes lecteurs que de la raison et de l'équité, pour juger si l'explication d'un oracle, appuyée sur les preuves les plus fortes, doit être rejetée par la seule difliculté que les Juifs avaient à comprendre cet oracle avant son accomplissement.

(1) Explication de la prophétie d'Isaïe, seconde lettre.

(2) Hoc autem totum factum est ut adimpleretur quod dictum est à Domino per prophetam dicentem: Ecce virgo, etc. Matth. 1, 92, 23.

Vous alléguez toujours cet accomplissement, diront les incrédules. Mais c'est ce qu'il faudrait nous prouver. Vous n'avez fait vers nous que la moitié du chemin, en interprétant la prédiction d'Isaïe. Il nous reste à la montrer vérifiée dans la personne de JésusChrist. Les évangélistes ont publié qu'il était fils d'une vierge. Mais vous sentez qu'il nous faut d'autres preuves que leur témoignage. Les Juifs, dans leur Thalmud, n'ont pas craint de le démentir; et non-seulement ils ont cru la Mère de Jésus-Christ une femme ordinaire; ils ont même entrepris de flétrir sa mémoire. Sans répéter leurs discours outrageux ne pouvons-nous pas, continueront les incrédules, douter d'un fait dont vous avouez vousmême que la certitude ne peut être acquise comme celle des autres faits?

C'est à ces dernières paroles que j'arrête d'abord les incrédules. L'enfantement d'une vierge, événement invisible par sa nature, n'a pu être, il est vrai, publiquement connu au moment qu'il est arrivé. Mais il l'a été dans la suite, et il est parvenu, quoique plus tard, au même degré de certitude morale que les faits dont l'existence est sensible.

Je mets à part la révélation divine qui a découvert aux évangélistes, et par eux à tous les fidèles, le mystère de la virginité de Marie. Cette révélation est le fondement inébranlable de notre foi. Il ne s'agit ici que d'une croyance humaine, mais raisonnable et légitime.

N'est-il pas surprenant et digne d'attention que Jésus-Christ ait été le premier et le seul de la nation juive à qui l'on ait attribué ce caractère, d'être né d'une mère vierge? Si c'eût été une supposition, rien n'était plus éloigné de toutes les idées reçues. La virginité perpétuelle n'était pas en elle-même honorée par les Juifs : unie à la maternité, elle était presque incompréhensible pour eux. Si l'on tourne les yeux vers les autres nations, ce genre de naissance y était également inoui. La mythologie des païens est pleine des amours de leurs dieux et de leurs déesses. Leurs héros fabuleux tiraient tous leur origine de quelque divinité. Mais l'union des deux sexes (1) intervenait toujours dans ces généalogies, de même que dans la naissance des princes et des hommes illustres, dont les mères s'étaient vantées dans des temps plus modernes d'avoir été recherchées par les dieux, ou qui avaient eux-mêmes accrédité cette imposture, pour rendre leur origine plus respectable. Personne n'avait pensé jusqu'à présent à relever sa naissance par la virginité de sa mère, beaucoup moins à justifier cette circonstance singulière par l'accomplissement d'un ancien oracle qui l'eût prédite en termes exprès. S'il est vrai, comme on l'a tcrit de Simon le Magicien, qu'il ait voulu décorer sa mère

(1) Les fables font sortir Minerve du cerveau de Jupiter, et naître Vénus de l'écume de la mer. L'allégorie était visible, et le peuple ignorant pouvait seul la prendre pour une réalite. Mais ces deux naissances ne ressemblent pas à celle d'un enfant conçu et mis au monde par une inère vierge.

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de la même prérogative, it n'en a formé le dessein que sur ce que les chrétiens publiaient à la gloire de leur maître. Cette prétention au reste, supposé qu'i! l'ait eue, est tombée dans le même mépris que son nom et sa secte; et Jésus-Christ est demeuré seul en possession dans l'histoire de l'univers de passer pour le fils d'une vierge.

Mais encore quel est cet homme unique de qui l'on a raconté un événement si extraordinaire? C'est le même qui a paru dans le temps où le Messie était attendu, et où il devait effectivement paraître; qui en a pris le nom et l'a soutenu par l'assemblage de tous les caractères, qui désignent le Messie dans les livres des prophètes. On en a déjà vu quelques-uns. On en verra beaucoup d'autres dans la suite de cet ouvrage. Voilà une présomption, qu'on peut appeler démonstrative, pour le récit de saint Matthieu et de saint Luc. Ils n'ont avancé après tout, sur la naissance de Jésus-Christ, que ce qui avait été prédit sur celle du Messie. L'on ne doit pas trouver étrange que le Messie, révéré par les chrétiens, conforme en tout le reste au Messie promis aux Juifs, lui ressemble encore par la virginité de celle qui l'a mis au monde.

Si l'on demande maintenant par quelle voie ces deux évangélistes ont pu apprendre un fait de cette nature, (car indépendamment de ce qui leur a été révélé, on ne les considère en cet endroit que comme des historiens dignes de foi) je répondrai qu'ils ont adopté la déposition de deux témoins nécessaires et en même temps irréprochables. Le premier est Marie mère de Jésus-Christ, qui ne pouvait ignorer ce qui se passait en elle, et qui avait été avertie, avant de concevoir ce divin enfant. Sa pudeur, son amour pour la retraite et pour l'obscurité, son extrême réserve sur le don inestimable qui l'élevait au-dessus de toutes les femmes, confirment la vérité de son témoignage. Sa vertu constamment respectée pendant sa vie par les plus cruels ennemis de son fils, confond les calomnies atroces que de vils suppôts du judaïsme ont osé vomir contre elle longtemps après sa mort, calomnies dictées par le désespoir d'une cause perdue, dénuées de la plus légère apparence, réfutées dès lors par ellesmêmes et dont je veux bien croire, pour l'honneur de l'humanité, que les incrédules sentent l'extravagance et l'infamie. Le second témoin est Joseph époux de Marie plus intéressé que personne à la connaissance de ce secret, et qui aussi en fut instruit d'une manière qui ne lui permit pas d'en douter. On sait qu'il fut justement alarmé de l'état où il trouva son épouse. L'idée qu'il avait conçue de sa vertu ne suffisait pas pour calmer ses alarmes; et ne jugeant d'elle que par les lumières qui pouvaient l'éclairer, il avait résolu de la renvoyer secrètement, pour ménager son honneur, et pour satisfaire néanmoins à ses propres obligations. S'il changea tout-à-coup de projet, si rien ne fut capable d'altérer sa tendresse et sa veneration pour elle, s'il partagea toujours ses soins dans 1 éducation de ce précieux enfant, dont il paraît certain

qu'il ne vit pas la haute réputation, et qui ne le tira jamais de la médiocrité où il avait vécu, à quoi peuton attribuer cette conduite, qu'à une conviction intime de la pureté virginale de Marie son épouse?

tiens n'a connu d'autre Sauveur que le fils de la Vierge.

Je pourrais ajouter à ces deux témoignages celui d'Élisabeth femme de Zacharie, qui, visitée durant sa grossesse par la sainte Vierge (1), reconnut en elle la mère de son Seigneur; et confessa qu'elle était heureuse entre toutes les femmes par le mérite de sa foi et par l'accomplissement des choses que Dieu lui avait prédites. Je pourrais y ajouter celui du vieillard Siméon qui, tenant entre ses bras Jésus porté au temple quelques jours après sa naissance (2), n'adressa la parole, en présence de Joseph, qu'à Marie, en lui parlant des grandeurs de son fils, et en lui annonçant le glaive dont son cœur maternel serait percé, à la vue des tourments qu'il devait souffrir. Cet enfant était encore dans le sein de sa mère, lorsqu'on s'entretenait déjà du prodige de sa conception; et l'on ne peut pas dire que ceux qui parlaient ainsi fussent engagés par quelque intérêt à lui attribuer ce caractère du Messie.

Quand S. Matthieu et S. Luc n'auraient pas eu d'autres preuves que Jésus-Christ était né d'une vierge, pourrait-on les blâmer de l'avoir cru et de l'avoir publié? Ils avaient d'abord pour eux la relation uniforme de la mère et de l'époux témoin et gardien fidèle de sa virginité. Ils voyaient dans ces deux personnes les indices les plus convaincants de candeur et d'ingénuité. Ils savaient que d'autres personnes d'une sainteté éminente et reconnue avaient rendu hommage dès les premiers moments à la virginité de Maric. Ils ne trouvaient rien que de grand et de digne de Dieu dans cet événement, qui concourait d'ailleurs avec tant d'autres à former en Jésus-Christ le parfait tableau du Messie annoncé par les prophètes. Était-ce donc une temérité à ces historiens de rapporter un tel événement, dans la supposition même qu'ils ne l'eussent pas appris par une voie surnaturelle? Cependant ce qu'ils en ont écrit a concilié le respect du monde entier à la mère et au fils. L'oracle sorti de la bouche de cette incomparable Vierge s'est accompli. Toutes les générations (3) ont dit qu'elle était heureuse, parce que le Seigneur a fait en elle de grandes choses. Sa virginité, qui a introduit parmi les hommes des vertus qui semblaient être réservées aux esprits célestes, a eu autant d'admirateurs que Jésus-Christ a compté de disciples, et, si l'on excepte quelques sectes impures (4) qui ont déshonoré la raison en défigurant le christianisme, la multitude innombrable des chré

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L'accomplissement de la prophétie d'Isaïe est-il encore problématique aux yeux des incrédules? Qu'ils nous disent de quelle autre manière il a pu devenir public? Confié dans les commencements à ceux qui devaient le savoir, ou qui méritaient d'être initiés à un si grand mystère, il a demeuré longtemps enveloppé sous le voile sacré du mariage. Sa divulgation prématurée, outre qu'elle était humainement impossible, eût rompu l'enchaînement des desseins de Dieu sur la personne et le ministère de Jésus-Christ. Enfin les hommes ont su qu'il était né d'une mère vierge dans le temps et comme il convenait de les en instruire. Ici la prophétie et l'événement viennent à l'appui l'un de l'autre. L'histoire de Jésus-Christ répand sur la prophétie une nouvelle clarté; et la prophétie achève de rendre évidemment croyable, tout ce qui a été dit avec tant de marques de vérité sur la naissance de Jésus-Christ.

CHAPITRE IV.

Actions principales de la vie de Jésus-Christ prédites.

Il n'y a pas d'événement remarquable dans la vie de Jésus-Christ qui n'ait été prédit. Mais toutes ces prédictions ne se ressemblent pas. Les unes, purement figuratives, n'ont annoncé les actions de JésusChrist que par d'autres actions destinées à les représenter. Il en est d'autres qui ont ajouté à ces représentations réelles, des paroles (1) également propres à signifier ce qui s'était passé dans des temps plus anciens, et ce qui devait arriver au Messie. J'ai fait profession, dès le commencement de cet ouvrage, de ne point employer de pareilles prophéties, non qu'elles ne soient infiniment respectables pour des personnes déjà persuadées de la divinité des livres saints, non que les incrédules ne doivent même être touchés du rapport de tant de figures avec des événements éloignés; mais après tout dans une controverse, comme celle que nous traitons, c'est la lettre seule qui prouve. Toutes les fois qu'elle est susceptible d'un sens étranger à Jésus-Christ, celui qui le regarde n'a plus la même force pour la conviction des incrédules.

(1) Par exemple ces paroles d'Osée 11, 1 : J'ai appelé mon fils de l'Egypte, signifient clairement dans la suite de son discours que Dieu a délivré le peuple d'Israël, pour qui il avait un amour de père, de la servitude où les Egyptiens le retenaient. Elles ont en même temps signifié, comme S. Matthieu nous l'apprend, chap. 2, vers. 15, que Dieu rappellerait JésusChrist, son véritable fils, de l'Egypte où il fut porté après sa naissance, pour le dérober à la fureur d'Hérode. De même ces autres paroles: Vous ne briserez pas ses os, contenaient tout à la fois un précepte donné aux Israélites, Exod. 12, 46, Numer. 9, 12, de ne pas briser les os de l'agneau paschal qu'ils devaient manger tout entier, et une prédiction rappelée par S. Jean 19, 35, que les os de Jésus-Christ, l'Agneau et la Pâque de la nouvelle alliance, ne seraient point brisés sur la croix, comme le furent ceux des deux criminels crucifiés avec lui.

L'Ecriture a cela de particulier qu'elle couvre de profonds mystères sous l'écorce de la lettre, et que la fécondité de son texte ne peut être épuisée par un seul ni quelquefois même par plusieurs sens. Mais elle a cela de commun avec tous les autres livres, qu'étant composée dans un langage humain, les arguments qu'on en tire ne sont concluants, qu'autant qu'ils sont fondés sur les règles de ce langage. Il faut donc pour forcer quelqu'un à reconnaitre dans l'Ecriture ce qu'il ne veut pas y voir, lui montrer par la valeur des termes et par la suite du discours, que le sens qu'il rejette est non-seulement vrai, mais nécessaire; et c'est ce qui me détermine à n'apporter pour preuves que les prophéties dont Jésus-Christ est l'objet unique et manifeste.

Ce n'est pas ici le lieu de m'étendre sur les miracles opérés par Jésus-Christ dans le cours de sa vie. Ils forment une preuve à part, distinguée, indépendante même de celle des prophéties, quoique l'une et l'autre se prêtent réciproquement un nouvel éclat. Ils étaient néanmoins prédits (1). Les aveugles éclairés, l'ouïe rendue aux sourds, la langue des muets déliée, les boiteux redressés, les lépreux guéris, des infirmes de toute espèce rétablis dans une parfaite santé, les morts ressuscités devaient signaler sur la terre la présence et le ministère du Messie. Il faudrait un ouvrage aussi long que celui-ci pour mettre dans tout son jour la vérité des miracles dont l'Evangile est rempli. Contentons-nous d'observer que ce caractère du Messie ne manque pas à l'histoire de Jésus-Christ, et qu'on est en état de satisfaire les incrédules, s'ils désirent qu'on leur prouve sur ce point comme sur tous les autres l'exécution des anciennes prophéties.

Il est d'autres actions de Jésus-Christ que les incrédules ne contestent pas. Je les rapporte toutes à ce trait principal et dominant, dont les circonstances particulières de sa vie ne sont que des dépendances, je veux dire l'institution d'un nouveau culte et d'une nouvelle loi. Il est venu mettre fin à l'alliance dont Moïse avait été le médiateur. Celle qu'il lui a substituée est plus sainte, plus pure, plus spirituelle. Il a soutenu son ministère par une innocence que la calomnic n'a pu noircir, par une conduite pleine de sagesse, de douceur et de modération, par un désintéressement porté jusqu'à l'amour et à la pratique de la pauvreté. Pour prix de ses travaux, il a été hai, outragé, persécuté. Or tout cela était prédit, et ce qui est arrivé à Jésus-Christ, n'est que l'accomplissement de ce qui avait été annoncé touchant le Messie.

Les Juifs servilement attachés à une loi, dont ils ignorent la véritable destination, ne peuvent souffrir qu'on leur dise qu'elle a dû être abrogée par le Messie. Il n'y a rien cependant de mieux établi dans les livres qui ont passé de leurs mains en celles des chrétiens; et rien ne prouve l'excès de leur aveuglement, (4) Matth. 11, 5. Isai. 35, 6. Ibid. 61, 1, 2. Ibid.,53, 4. Ibid., 26, 19.

comme cette résistance opiniâtre à des titres si clairs qu'ils produisent eux-mêmes.

Moïse, le plus ancien et le plus respecté de leurs écrivains, Moise, leur propre législateur, a combattu le premier leur fausse confiance dans la durée éternelle de sa loi. Il les a expressément avertis qu'ils auraient un second législateur, le Seigneur votre Dieu (1), leur dit-il, vous suscitera un prophète comme moi de votre nation et d'entre vos frères. Vous l'écouterez conformément à ce que vous avez demandé à Dieu sur la montagne d'Horeb où tout le peuple était assemblé. Vous avez dit alors: Je n'entendrai plus la voix da Seigneur mon Dieu, et je ne verrai plus ce grand feu qui me ferait mourir. Le Seigneur m'a répondu : Ils ont eu raison de parler ainsi. Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète semblable à toi. Je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui aurai commandé. Mais si quelqu'un d'eux ne veut pas écouter les paroles qu'il leur portera en mon nom, ce sera moi qui en ferai la vengeance.

Les Israélites (2) intimidés par le son des trompettes, les coups de tonnerre, les tourbillons de flammes, les torrents de fumée, qui accompagnaient la publication de leur loi sur la montagne d'Horeb, s'étaient écriés : Que Moïse nous parle, et nous l'écouterons. Mais nous ne pouvons plus entendre sans mourir, la voix du Seigneur. Moïse leur rappelle ce discours; il les assure qu'au lieu de ce spectacle effrayant qu'ils n'avaient pu soutenir, Dieu fera paraître à leurs yeux un prophète semblable à lui, sans doute pour être leur législateur; car sans cette circonstance essentielle, il n'y aurait aucun rapport entre la promesse et l'événement qui en est l'occasion. Mais que faut-il de plus que les termes dans lesquels elle est conçue, pour y découvrir le Messie publiant une seconde loi.

Il s'agit d'abord d'une personne individuelle d'un prophète répété deux fois au singulier, ce qui exclut manifestement la suite et la succession des prophètes qui ont paru durant plusieurs siècles au milieu d'Israël. C'est un prophète semblable à Moïse, nouvelle exclusion pour tous ceux qui depuis lui ont exercé dans l'ancien peuple le ministère prophétique. Car il est dit au dernier chapitre du Deuteronome (3), qu'il ne s'est plus élevé dans Israël de prophète comme Moïse. Et en effet tous les ministres du Seigneur qui ont parlé en son nom aux Israélites, n'ont osé ni changer, ni ajouter un seul point à la loi de Moïse, dont ils n'étaient que les interprètes. Ce grand homme a toujours conservé la prééminence la plus marquée sur eux, nonseulement par ses communications plus intimes avec la Divinité, par le nombre et l'éclat de ses miracles, mais plus encore par sa fonction de législateur. Tout autre prophète n'a pu l'égaler que par la même fonction. Mais c'est aussi le seul endroit par où Moïse puisse ressembler au Messie. Car la disproportion est d'ailleurs extrême de l'aveu des Juifs. Moise n'a pu

(1) Deuter. 48, 15, 16, 17, 18, 19.
(2) Exod. 20, 18, 19.
(3) Deuter. 34, 10.

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