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cepteur, que l'élève avait conservés. Il cite au même endroit une lettre de Ramsay, ami de Fénélon, où il est dit que, si l'archevêque de Cambray eút vécu en Angleterre, il aurait donné l'essor à ses principes, que personne n'a connus. Les manuscrits brûlés sont une perte sans doute; quoiqu'ils ne consistassent probablement que dans une correspondance suivie de l'instituteur et du prince, il serait curieux et intéressant de voir ce qu'écrivait Fénélon au duc de Bourgogne, qui le consultait sur tout: mais d'ailleurs, je ne sais trop ce que peut entendre Ramsay par ses principes, que personne n'a connus; je crois qu'ils le sont suffisamment par les Dialogues des Morts, et encore plus par le livre intitulé Direction pour la conscience d'un roi. Peut-être ni l'un ni l'autre n'était imprimé quand Ramsay écrivit sa lettre : le dernier n'a paru que de nos jours, long-temps après la mort de l'auteur. Quoi qu'il en soit, toute sa morale sur la manière de gouverner est trèsclairement développée dans ces deux ouvrages. Elle est d'abord, par rapport aux républiques, comme résumée tout entière dans ce peu de mots qu'il met dans la bouche de Socrate : « Il faut qu'un peuple ait des lois écrites, toujours con<<< stantes et consacrées par toute la nation; qu'elles << soient au-dessus de tout; que ceux qui gouvernent << n'aient d'autorité que par elles; qu'ils puissent « tout pour le bien, suivant les lois; qu'ils ne puissent rien contre ces lois pour autoriser le

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<< mal. » Quand Fénélon aurait écrit en Angleterre, eût-il pu dire mieux? eût-il pu dire davantage? Quant aux monarchies pures, qui, sans avoir positivement un premier code politique écrit, un contrat social formel, ont toutes cependant une constitution dans des lois traditionnelles et des coutumes fondamentales, Fénélon a tracé les devoirs de leurs souverains dans la Direction pour la conscience d'un roi.

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« L'amour du peuple, le bien public, l'intérêt général de la société est donc la loi immuable << et universelle des souverains. Cette loi est an«< térieure à tout contrat: elle est fondée sur la «< nature même ; elle est la source et la règle sûre <<< de toutes les autres lois. Celui qui gouverne << doit être le premier et le plus obéissant à cette << loi primitive. Il peut tout sur les peuples; mais << cette loi doit pouvoir tout sur lui. Le père com<< mun de la grande famille ne lui a confié ses <«< enfants que pour les rendre heureux; il veut

qu'un seul homme serve par sa sagesse à la fé« licité de tant d'hommes, et non que tant d'hom<< mes servent par leur misère à flatter l'orgueil <«< d'un seul. Ce n'est point pour lui-même que <«< Dieu l'a fait roi : il ne l'est que pour être l'homme << des peuples... Le despotisme tyrannique des sou<< verains est un attentat sur les droits de la fra« ternité humaine; c'est renverser la grande et « sage loi de la nature, loi dont ils ne doivent être << que les conservateurs... Le pouvoir sans bornes

<< est une frénésie qui ruine leur propre autorité... « On peut, en conservant la subordination des << rangs, concilier la liberté du peuple avec l'o<«<béissance due aux souverains, et rendre les << hommes tout ensemble bons citoyens et fidèles sujets, soumis sans être esclaves, et libres sans «< être effrénés. L'amour de l'ordre est la source << de toutes les vertus politiques, aussi-bien que << de toutes les vertus divines. »

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Fénélon ne se borne pas à ces vues générales. Sa Direction est un examen sommaire de tous les devoirs du prince, et par conséquent de tous les droits des sujets : rien n'y est oublié; et dans ce moment où un monarque patriote veut entendre la nation, parce qu'il veut et peut seul la régénérer (1), vous reconnaîtriez dans ce livre de Fénélon les voeux qui se manifestent de tous côtés. Je ne m'arrêterai que sur deux articles principaux, l'emploi des revenus publics et le degré de confiance qu'il faut accorder aux ministres. « Le bien des peuples ne doit être employé qu'à « la vraie utilité des peuples mêmes. Vous avez << votre domaine qu'il faut retirer et liquider: il << est destiné à la subsistance de votre maison. « Vous devez modérer cette dépense, sur-tout quand vos revenus de domaines sont engagés, << et que les peuples sont épuisés. Les subventions << des peuples doivent être employées pour les

(1) On voit que ceci a été écrit en 1788.

<< vraies charges de l'état. Vous devez vous étu« dier à retrancher, dans les temps de pauvreté

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publique, toutes les charges qui ne sont pas << d'une nécessité absolue. Avez-vous consulté les << personnes les plus habiles et les mieux intentionnées, qui peuvent vous instruire de l'état des provinces, de la culture des terres, de la fer<< tilité des années dernières, de l'état du com«< merce, pour savoir ce que l'état peut payer << sans souffrir? Avez-vous réglé là-dessus les impôts de chaque année?... Vous savez qu'autre<< fois le roi ne prenait jamais rien sur les peuples << par sa seule autorité. C'était le parlement, c'est« à-dire, l'assemblée de la nation, qui lui accor<«< dait les fonds nécessaires pour les besoins ex«<traordinaires de l'état hors ce cas, il vivait de « son domaine. Qu'est-ce qui a changé cet ordre, << sinon l'autorité absolue que les rois ont prise? « De nos jours on voyait encore les parlements, qui sont des compagnies infiniment inférieures << aux anciens parlements ou états de la nation, << faire des remontrances pour n'enregistrer pas « les édits bursaux. Du moins devez-vous n'en «< faire aucun sans avoir bien consulté des per<«< sonnes incapables de vous flatter, et qui aient << un véritable zèle pour le bien public. N'avez<«< vous point mis sur les peuples de nouvelles

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charges pour soutenir vos dépenses superflues, «<le luxe de votre table, de vos équipages et de << vos meubles, l'embellissement de vos jardins et

<< de vos maisons, les graces excessives prodiguées « à vos favoris? >>>

La publication de ce livre n'aurait sûrement pas été permise sous le règne de Louis XIV: c'eût été une censure trop directe et trop terrible de ces travaux de Maintenon et de Versailles, aussi meurtriers que dispendieux, qui dévoraient à la fois (selon le rapport des historiens), et la substance des peuples qui les payaient, et la vie des soldats qu'on y employait. Il fut publié pour la première fois en 1748, dans les temps des prospérités de Louis XV, et il a été réimprimé en 1774, au commencement du règne actuel, et, suivant les termes des éditeurs, du consentement exprès du roi.

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L'autre morceau a pour but de faire voir combien il est dangereux pour un monarque de s'en rapporter uniquement à ceux qui sont en possession de sa confiance. « Il n'est point permis de « n'écouter et de ne croire qu'un certain nombre « de gens ils sont certainement hommes, et quand même ils seraient incorruptibles, du << moins ils ne sont pas infaillibles. Quelque con<«< fiance que vous ayez en leurs lumières et en << leurs vertus, vous êtes obligé d'examiner s'ils <«< ne sont point trompés par d'autres, et s'ils ne << s'entêtent point. Toutes les fois que vous vous «< livrez à un certain nombre de personnes qui <«< sont liées ensemble par les mêmes intérêts ou « par les mêmes sentiments, vous vous exposez

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