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ainsi traversé l'esprit de l'impératrice Charlotte? Je ne sais, mais dans la crainte peut-être de rencontrer de nouveau une évocation douloureuse de jours disparus, elle cessa de prêter attention à ces dessins.

L'heure du départ avait d'ailleurs sonné. Devant le gouvernement, les équipages attendaient et les chevaux piaffaient d'impatience. Une foule nombreuse, où toutes les nuances de la gamme créole se faisaient remarquer, attendait dans la rue le passage du cortège. Il se mit bientôt en route, précédé d'un piquet de gendarmes à cheval. Les Français ne peuvent se passer du gendarme, il apparaît dans toutes les circonstances, tristes ou gaies; nous aimons cet uniforme, partout il nous semble à sa place, et dans l'espèce il n'avait pas paru au gouverneur devoir trop détonner dans une excursion de botanique : la suite montrera qu'il n'avait pas tout à fait tort.

Les chevaux vont bien aux Antilles; en quelques minutes, voitures et cavaliers défilaient prestement sur le pont de Chaines, et attaquaient au grand galop les premières rampes de la route des Pitons, rampes sur lesquelles, quelques mois plus tard, un Bonaparte, désarçonné, faillit laisser sa vie. L'Empereur, le gouverneur, et les autres cavaliers s'étaient portés un peu en avant, mais les voitures suivaient sans peine, et de temps en temps Maximilien, revenait sur ses pas pour faire admirer à l'Impératrice les aspects variés et les beautés changeantes de cette route pittoresque.

On arriva bientôt à l'habitation Liot, où le cortège fit une halte pour prendre quelques rafraîchissements. De là, il était facile d'atteindre promptement le véritable Eden tropical, c'est-à-dire les savanes encloses, les ravines murmurantes, et enfin le grand bois avec ses lycopodes et ses orchidées pendantes, ses voûtes élevées, sa fraîcheur délicieuse et son silence imposant. Ce fut là la vraie

partie Maximilien, Charlotte et leur suite, y prirent un plaisir extrême : la rencontre de belles fleurs, de fougères élégantes, était à chaque pas saluée par des manifestations enthousiastes bien spontanées. L'Impératrice paraissait avoir déchiré le bandeau de pensées sérieuses qui jusqu'alors semblaient avoir voilé son regard. Elle voulut descendre dans une ravine jusqu'à une magnifique touffe de bambous, dont le léger feuillage grésillait au-dessus d'une cascade. Mais comment faire? Il n'y avait pas de sentier. Qu'importe, on s'y laissa glisser ou plutôt rouler, au milieu des éclats de rire et des exclamations les plus joyeuses. Le spectateur qui du haut de la colline eut assisté à cette dégringolade, eut été bien surpris si on lui eût dit que dans ce fouillis de jeunes femmes, d'élégants cavaliers et de plantes tropicales aux feuillages satinés, il y avait un Empereur et une Impératrice. Nous-mêmes, depuis, nous avons revu bien des fois dans nos souvenirs cette ravine des Pitons et cette journée du 16 mai; mais, hélas! d'autres lieux et d'autres dates venaient assombrir aussitôt ce riant tableau, cette trop rapide étape vers de noires destinées !

Il fallut sortir de la ravine; nouvelles difficultés, nouvelles émotions, nouveau plaisir; descendre était plus facile. Ce fut alors que les gendarmes dégaînèrent et firent un passage dans le lacis des lianes. Soutenue par son mari, la princesse revint portant entre les bras une véritable botte de plantes diverses qu'elle avait récoltées ellemême; en arrivant sur le plateau, elle aperçut un superbe magnolia couvert de centaines de grandes fleurs blanches; ce spectacle acheva de faire déborder son admiration. Ce fut à qui s'empresserait de lui atteindre une de ces belles fleurs à la suave senteur. Mais elles étaient très hautes et le tronc de l'arbre d'un diamètre difficile à embrasser. Ce fut alors qu'un gendarme, debout sur la selle de son

cheval, fit tomber d'un coup de sabre une branche fleurie. Charlotte en fut ravie, et ce coup de sabre heureux valut à son auteur le seul ruban de l'ordre impérial de Guadalupe, qui signala à la Martinique le passage de Leurs Majestés.

Le retour se fit gaiement par le même chemin. La journée avait été excellente pour les illustres voyageurs, qui avaient réellement trouvé dans cette excursion une diversion à la monotonie du bord. Le soir, ils recevaient à leur table, à bord de la Novara, le gouverneur, M. de Candé, ainsi que le général Barolet.

La ville avait préparé pour le soir une fête de nuit sur la Savane de Fort-de-France, de brillantes illuminations et la traditionnelle bamboula. A 10 heures, la fête était dans tout son éclat. Les allées de la belle promenade resplendissaient de feux, et sur son vaste tapis vert, au vacarme des tambours, aux lueurs des torches résineuses, les mulâtresses, parées de leurs colliers d'or, dansaient leurs pas les plus caractéristiques. A 10 heures, l'Empereur et l'Impératrice descendirent à terre, et firent plusieurs fois le tour des allées. La foule les suivait respectueusement; admirant la grâce charmante de l'Impératrice, et la jeunesse de Maximilien, les femmes du pays, suivant leur habitude, avaient immédiatement composé une mélopée rimée, qu'elles chantaient derrière les illustres voyageurs. Je me souviens que le refrain de cette chanson improvisée se terminait par ces mots étranges Vive l'Empereur embaumé ! l'adjectif embaumé étant pour elles le superlatif de la louange, et le synonyme d'excellent, de magnifique; voilà, disais-je à un ami, mêlé comme moi à la foule qui suivait le couple impérial, voilà un mot qui doit sonner singulièrement aux oreilles de l'Empereur peu fait à la grammaire créole; embaumé soit, mais le plus tard possible.

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Nul n'eût pu prévoir à ce moment que deux ans après, de ces deux conjoints pleins de vie, d'espérance et de jeunesse, l'un, Charlotte, reviendrait folle du Mexique, et que l'autre, l'impérial époux, tombé sous les balles de Queretaro, reprendrait les mers couché dans son cercueil de cèdre.

Vive l'Empereur embaumé !

Quand le cortège impérial eut regagné la Novara, le théâtre de la fête redevint promptement désert et silencieux; du côté de la rade, où se dressait la masse noire des deux frégates, on entendait seulement le bruit des commandements et des manœuvres pour rentrer les embarcations sur les porte-manteaux. Sur la Savane brûlaient encore quelques torches mal éteintes, dont les reflets vacillants moiraient la statue de la gracieuse créole des Trois-Ilets, l'impératrice Joséphine; blanche épave, elle aussi, d'un monde impérial disparu.

A. COUTANCE.

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ESSAI SUR LE SPIRITUALISME

Désireux d'offrir à la Société Académique le tribut incombant à tout sociétaire, j'ai longtemps hésité sur le choix d'un sujet.

Après maintes tergiversations, j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de prendre pour objet L'homme. >

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Ce sujet doit nous intéresser tous également, puisqu'il s'agit de vous et de moi.

Rassurez-vous, Messieurs, mon intention n'est point de faire ici un cours d'anatomie ou de philosophie; j'en serais du reste fort en peine.

Je désire vous entretenir quelques instants de l'homme envisagé au point de vue moral.

Loin de moi aussi l'idée de vous exposer les preuves de l'immortalité de l'âme, que nous trouvons formulées à la première page de tout traité philosophique.

Quelques réflexions sur le Spiritualisme, que j'opposerai aux doctrines matérialistes, dont les funestes tendances menacent d'envahir notre XIXe siècle.

Voilà le but de ces lignes. C'est un simple cri de: « Sentinelles, prenez garde à vous! Exclamation destinee à se perdre sans doute dans la nuit des temps ou à rester ensevelie sous les voûtes de cette enceinte.

Mais trève de préambules. Entrons « in medias res » en plein sujet, comme disait Horace.

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