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PRÉFACE.

Notre siècle a ceci de particulier, que son histoire est essentiellement liée, dans tous ses détails, à celle des doctrines qui remuent les esprits, et ne sauroit en être séparée. Jamais on ne comprendra rien aux événemens en TOME 8.

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apparence les plus simples de l'époque actuelle, si l'on ne remonte aux causes morales dont ils ne sont que les effets; et l'erreur de l'opinion explique seule le désordre de la politique. Lorsque tout est devenu pour les hommes un objet de doute, comment les gouvernemens auroient-ils une marche certaine et des principes arrêtés? Eux aussi ont perdu la foi, et ne savent plus à quoi se prendre. Ils suivent le siècle, comme ils le disent, sans même se demander où le siècle les conduira : le pouvoir ne guide plus, il est emporté. Je ne sais quelle souffrance intérieure excite dans les peuples le désir vague d'un autre état. Ils sentent que ce qui est n'est que de passage, que la stabilité, le repos n'est pas là. Où est-il? Ils l'ignorent, car en cessant de croire ils ont cessé de comprendre; et il n'y a maintenant rien de certain pour eux. On agite des questions sans nombre; qu'on y regarde de près, on verra qu'elles se réduisent à celle du gouverneur romain : Quest-ce que la vérité (1) ?

(1) Dicit ei Pilatus : Quid est veritas? Joan. xvII, 38.

La réponse est la même qu'alors: mais on la trouve bien vieille, on en veut une autre; et la philosophie, pleine d'un orgueil que rien ne déconcerte, et d'espérances que le succès n'a pas jusqu'ici encouragées, la cherche au hasard dans mille routes diverses.

ces,

Cependant la société, quelque lasse qu'elle soit des vérités anciennes, a besoin de croyanet ne sauroit vivre des découvertes futures de la philosophie. Que fera-t-elle donc? Elle imitera de son mieux les individus. Oubliant complètement l'ordre intellectuel, l'ordre religieux, l'ordre moral, qui sont pourtant son essence même, elle essaiera de se concentrer dans l'ordre matériel, et de tout ramener à ce qui frappe les sens, aux choses positives suivant l'expression consacrée parmi les admirateurs de cette haute civilisation, à ce que chacun admet dans la pratique de la vie. Ainsi la religion ne sera plus qu'un simulacre de culte, des cérémonies accomplies autour d'une pierre qu'on appelle autel, par des hommes qu'on appelle prêtres. Les droits politiques s'évalueront arithmétiquement en francs et

centimes, et la souveraineté sera fondue à l'hôtel des monnoies. Un bourreau pour punir

les crimes dont on n'a que faire, un caissier pour payer ceux dont la puissance profite, ce sera toute la morale de ce temps-là.

Si un pareil état de choses pouvoit subsister sans qu'il y eût dans le monde d'autres maximes, l'idée d'un Dieu ne seroit qu'une chimère, et la notion de loi un rêve de l'esprit humain. Mais des rayons de l'antique lumière pénètrent encore à travers cette nuit; le sentiment du devoir et toutes les croyances vivifiantes, conservées, nourries par le christianisme, luttent encore avec énergie contre ce système destructeur et la corruption qu'il engendre. Il y a un grand combat sur la terre : le bien et le mal se disputent l'avenir; mais l'avenir, qu'on n'en doute point, est à celui qui a fait le temps, et qui regarde avec pitié les efforts de l'impie du sein de son éternité.

Les chrétiens, d'ailleurs, ont dans cette guerre un avantage immense : ils savent ce qu'ils défendent, parce qu'ils savent ce qu'ils croient. Parmi leurs ennemis, nul accord,

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