Oldalképek
PDF
ePub

Prince répandit du sang. Et c'est ce qui achève mon raisonnement et nous découvre le secret de la prophétie; c'est là que je découvre les charmes par lesquels Jésus subjugue les cœurs.

De là vient que nous lisons dans son Evangile que pendant le cours de sa vie il a toujours eu peu de sectateurs, jusque-là que ses amis rougissoient souvent de se voir rangés sous sa discipline. Mais après qu'il a répandu son sang, tous les peuples peu à peu tombent à ses pieds, jusqu'aux terres les plus inconnues, jusqu'aux nations les plus inhumaines, que sa doctrine a civilisées. Rome, après s'être longtemps enivrée du sang de ses généreux combattans, Rome la maîtresse a baissé la tête et a rendu plus d'honneur au tombeau d'un pauvre pêcheur qu'aux temples de son Romulus. Les empereurs même les plus triomphans sont venus au temps marqué par la Providence rendre aussi leurs devoirs ; ils ont élevé l'étendard de Jésus au-dessus des aigles romaines ; ils ont donné la paix à l'Eglise par toute l'étendue de l'empire.

Où êtes-vous maintenant, ô persécuteurs? Que sont devenus ces peuples farouches qui rugissoient comme des lions contre l'innocent troupeau de Jésus? « Ils ne sont plus, dit saint Augustin; Jésus les a frappés dans le cœur; Jésus a défait ses ennemis et il en a fait des amis; les ennemis sont morts, ce sont des amis qui sont en leur place: » Ceciderunt; ex inimicis amici facti sunt; inimici mortui sunt, amici vivunt. Le sang répandu par amour a changé la haine en amour. O victoire vraiment glorieuse, qui se rend les cœurs tributaires! ô noble et magnifique conquête ! Ô sang utilement répandu!

Mais finissons enfin ce discours par une dernière considération, par laquelle l'Apôtre nous fera comprendre combien nous sommes acquis au Sauveur des ames par le sang qu'il a versé pour l'amour de nous. Nous ne sommes pas seulement au prince Jésus comme un peuple qu'il a gagné par amour, mais comme un peuple qu'il a acheté d'un prix infini. Et remarquez « qu'il ne nous a pas achetés, comme dit saint Pierre 2, ni par or, ni par argent, ni par des richesses mortelles. » Car étant maître de l'univers, tout cela ne lui coûtoit rien; mais parce qu'il nous vouloit beaucoup 1 S. August., ubi suprù. 21 Petr., 1, 18.

[ocr errors]

acheter, il a voulu qu'il lui en coûtât. Et afin que nous entendions jusqu'à quel point nous lui sommes chers, il a donné son sang d'un prix infini. Entrons profondément en cette pensée.

Tout achat consiste en échange. Vous me donnez, je vous donne, c'est un échange; et dans cet échange, fidèles, ce que je reçois remplit la place de ce que je donne. L'achat n'est point une perte. Je me dessaisis, mais je ne perds pas, parce que ce que je reçois me tient lieu de ce que je donne. Cela est dans le commerce ordinaire. Qu'a donné Jésus pour nous acheter? Il a donné sa vie, sa chair et son sang. Donc nous lui tenons lieu de sa vie; nous ne sommes pas moins à lui que son propre corps et que le sang qu'il a donné pour nous acheter; et c'est pourquoi nous sommes ses membres. Belle et admirable manière d'acquérir les hommes! Ah! mes frères, élevons nos cœurs; travaillons à nous rendre dignes de l'honneur que nous avons d'être à lui par une sorte d'union si intime. N'ôtons pas à Jésus le prix de son sang. Songeons à ce que dit l'apôtre saint Paul : « Vous n'êtes pas à vous, nous dit-il; car vous avez été payés d'un grand prix '. » Consacrons toute notre vie au Sauveur, puisqu'il l'a si bien achetée ; et comme il ne nous achète que pour nous sauver, parce qu'il ne nous possède que comme Sauveur, ne rompons pas un marché qui nous est si avantageux.

Considère, ô peuple fidèle, que nous appartenons au Seigneur Jésus par le droit de notre naissance. Etant donc à lui à si juste titre, puisqu'il nous paie encore, puisqu'il nous achète, comprenons que c'est notre amour qu'il veut acheter, parce que notre rébellion le lui a fait perdre. Qui ne vous aimeroit, ô Jésus? qui ne vous donneroit un amour que vous exigez avec tant de force, que vous attirez avec tant de grace, et enfin que vous couronnez avec une telle libéralité? Aimons donc Jésus de toute notre ame, aimons fortement, aimons constamment; et ayons toujours en notre pensée que l'amour que nous lui rendons est un amour gagné par le sang. C'est pourquoi résolvons-nous, chrétiens, aimer Jésus-Christ parmi les souffrances. C'est aimer trop foiblement Jésus-Christ, que de ne souffrir rien pour l'amour de lui. 1 Cor., VI, 19, 20.

à

Son amour paroît par son sang; il ne reconnoît point d'amour qui ne soit marqué de sang tout comme le sien.

Mais quel sang lui donnerons-nous? Irons-nous chercher bien loin des persécuteurs qui répandent notre sang pour l'amour de lui? Non, fidèles, ce n'est pas là ma pensée. Il n'est pas nécessaire de passer les mers, ni de visiter les peuples barbares. Si nous aimons assez Jésus-Christ, la foi inventive et industrieuse nous fera trouver un martyre au milieu de la paix du christianisme. Quand il nous exerce par les souffrances, si nous l'endurons chrétiennement, notre patience tient lieu de martyre. S'il met la main dans notre sang et dans nos familles en nous ôtant des parens et des proches que nous chérissons, et que bien loin de murmurer de ses ordres nous sachions lui en rendre graces, c'est notre sang que nous lui donnons. Si nous lui offrons avec patience un cœur blessé et ensanglanté par la perte qu'il a faite de ce qu'il aimoit justement, c'est notre sang que nous lui donnons. Et puisque nous voyons dans les saintes Lettres que l'amour que nous avons des biens corruptibles est appelé tant de fois la chair et le sang, lorsque nous retranchons cet amour, qui ne peut être arraché que de vive force, de sorte que l'ame se sent comme déchirée par la violence qu'elle souffre, c'est du sang que nous donnons au Sauveur.

Quelques philosophes enseignent que c'est la même matière du sang qui fait les sueurs et les larmes. Je ne recherche pas curieusement si cette opinion est la véritable; mais je sais que devant le Seigneur Jésus et les larmes et les sueurs tiennent lieu de sang. J'entends par les sueurs, chrétiens, les travaux que nous subissons pour l'amour de lui, non avec une nonchalance molle et paresseuse, mais avec un courage ferme et une noble contention. Travaillons donc pour l'amour de Dieu. Faut-il faire quelque établissement pour le bien des pauvres; se présente-t-il quelqu'occasion d'avancer la gloire de Dieu, d'employer des soins charitables au salut des ames; faut-il résister généreusement aux entreprises de l'hérésie, afin qu'étant plus soumise elle devienne par conséquent plus docile, afin qu'étant plus humble elle devienne plus disposée à rendre les armes à la vérité : montrons de

la vigueur et du zèle. Travaillons constamment pour l'amour de Dieu, et tenons pour chose assurée que les sueurs que répandra un si beau travail, c'est du sang que nous donnons au Sauveur.

Mais quel sang est plus agréable à Jésus que celui de la pénitence; ce sang que le regret de nos crimes tire si amoureusement du cœur par les yeux, c'est-à-dire le sang des larmes amères, qui est nommé par saint Augustin' le sang de notre ame; ce sang que nous versons devant Dieu, lorsque repassant nos ans écoulés dans l'amertume de notre cœur, nous pleurons sincèrement nos ingratitudes? C'est ce sang que nous devons au Sauveur. Présentons-le-lui devant ses autels, mêlons-le dans le sang de son sacrifice; portons-le à ces tribunaux de miséricorde que l'infinie bonté du Sauveur érige dans les églises pour purger nos fautes. Mais, fidèle, si c'est un sang que tu aies consacré au Seigneur Jésus, prends garde de ne l'ôter point de ses mains. Tu lui ôtes les larmes que tu lui as données, lorsque tu retournes au péché que tu as déjà pleuré plusieurs fois; car alors tu improuves tes premières larmes, tu condamnes tes déplaisirs, tu te repens de ta pénitence. Ah! Jésus n'improuve pas ce qu'il a fait une fois pour toi; au contraire il le perpétue tous les jours en quelque façon sur ses saints autels.... Serment de fidélité au roi Jésus prêté au baptême: renouvelons-le devant Dieu (a).

1 Serm. CCCLI, n. 7.

(a) Voy. le sermon précédent (Edit. de Déforis).

TROISIÈME SERMON

POUR

LA FÊTE DE LA CIRCONCISION (a).

Vocabis nomen ejus Jesum ipse enim salvum faciet populum suum à peccatis eorum.

Vous lui donnerez le nom de Jésus, c'est-à-dire Sauveur, parce que c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Matth., 1, 21.

Si nous avions conservé les sentimens que Dieu avoit mis d'abord dans notre nature, il ne faudroit aucun effort pour nous faire entendre que le péché est le plus grand de tous les maux, et sans le secours des prédicateurs notre conscience nous en diroit plus que tous leurs discours. Ce qui nous trompe, mes frères, ce qui fait que nous avons peine à donner au péché le nom de mal, c'est à cause qu'il est volontaire. Mais en cela notre erreur est visible, puisqu'au contraire c'est de notre faute qui est volontaire que la peine qui ne l'est pas prend sa naissance; c'est pour venger le consentement que nous avons donné de nous-mêmes à notre perte et à notre honte que la mortalité, que les maladies, que l'enfer même et tous ses supplices viennent en foule nous accabler malgré nous. Et quiconque sera le Sauveur des hommes, il doit uni

(a) On lit en tête du manuscrit : « Circoncision, chez les Jésuites, l'an 1687; » et l'on peut ajouter: A Paris, dans l'église Saint-Louis.

Déjà plusieurs années avant l'époque indiquée, les phrases de Bossuet deviennent plus longues, les périodes plus soutenues, et les nécessités de la ponetuation amènent plus souvent les deux points.

A la fin de notre sermon Bossuet dit, en s'adressant aux Jésuites : « Célèbre compagnie. » A quoi l'édition de Versailles a rattaché cette note: « Dom Déforis a cru important de remarquer que Bossuet avoit d'abord mis sainte et savante, qu'il a effucé pour y substituer célèbre. » Le fait est vrai; mais pourquoi n'a-t-on pas cru important de remarquer aussi que Bossuet a remplacé le mot sainte par ceux qu'on va lire : « (Célèbre compagnie), qui ne portez pas en vain le nom de Jésus, à qui la grace a inspiré ce grand dessein de conduire les enfans de Dieu dès leur plus bas âge jusqu'à la maturité de l'homme parfait en JésusChrist; à qui Dieu a donné vers la fin des temps des docteurs, des apôtres, des évangélistes, afin de faire éclater par tout l'univers? » etc..

« ElőzőTovább »