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pervertie. L'injure, la calomnie, la noire trahison, l'ingratitude, la haine et ses fureurs le poursuivent; des complots sont formés pour le perdre; on lui tend des piéges dans l'ombre ; l'envie a résolu de se venger de ses bienfaits. La destinée humaine est en toutes choses sa destinée.

Cependant le peuple se presse sur ses pas, il publie sa gloire, sa renommée se répand au loin, on étend des vêtemens, on jette des palmes sur son passage, il entre à Jérusalem en triomphateur; et puis tout-àcoup on le voit triste jusqu'à la mort, baigné d'une sueur de sang, supplier son Père d'éloigner de lui ce calice, l'accepter au même moment par obéissance et par amour, et avec une douceur céleste l'épuiser jusqu'à la lie. Il a vraiment porté nos langueurs et connu notre infirmité (1). Vendu, livré à ses ennemis, traîné de tribunaux en tribunaux, devenu le jouet de la populace et d'une soldatesque effrénée, souffleté, moqué, battu de verges, chargé d'un manteau de pourpre, d'une couronne d'épines, d'un sceptre de roseau; en cet état le ministre du peuple-roi le présente au monde :

VOILA L'HOMME !

Oui, le voilà dans toute sa misère, dans toute sa foiblesse, dans les souffrances du corps, dans les angoisses de l'âme, dans la détresse et l'abandonnement, dans l'opprobre et la dérision, dans la vanité de ses

(1) Is., LIII, 3, 4.

grandeurs, dans le tourment de ses pompes, qui ne recouvrent que des plaies; dans l'agonie de sa puissance, dans le néant de sa vie. Est-ce bien là cet être déchu que poursuit une justice inexorable? reconnoissez-vous le fils d'Adam? Oui, encore une fois, le voilà revêtu des dons de son père, et en pleine possession de son héritage. Je me trompe, il lui reste un dernier legs à recueillir. Écoutez ce cri qui s'élève : Qu'on le crucifie! L'homme rappelle à l'homme son arrêt, et prononce sur lui la malédiction qui doit le suivre jusque dans la mort (1).

Ainsi Jésus-Christ, exempt de péché, a voulu porter la peine du péché, et réunir en lui tout ce qui appartient à la nature humaine qu'il venoit réparer. Et pour entendre en quoi consiste cette grande régénération, et de quelle manière elle s'est accomplie, considérons l'homme à son origine, voyons ce que renferme le crime qui le sépara du Créateur, et ne craignons point de sonder cet abîme que la miséricorde divine a comblé.

Ce qui fait l'essence du péché, c'est la désobéissance à Dieu; et dans le péché de notre premier père nous trouvons une désobéissance complète de l'homme, de sorte que, dégradé jusqu'au fond de son être, il ne resta plus en lui rien de sain:

L'orgueil, principe de tout mal, corrompt d'abord

(1) Christus nos redemit de maledicto legis, factus pro nobis maledictum ; quia scriptum est Maledictus omnis qui pendet in ligno. Ep. ad. Galat., III, 13.

son esprit rebelle. Il écoute cette parole funeste : Vous serez comme des dieux (1): il s'égale au ToutPuissant, il cesse de reconnoître sa souveraineté ; et puni aussitôt, il perd l'empire qu'il exerçoit sur les créatures que Dieu lui avoit soumises, et sur luimême. Condamné à subir tous les genres de servitude, esclave du prince des ténèbres qui l'a séduit, esclave de ses propres penchans, de ses appétits les plus vils, il descendra si bas, qu'au-delà il ne verra rien; et cependant inquiet, tourmenté, il essaiera de descendre. encore. Où va-t-il? que veut-il? Il cherche, au-dessous du désespoir, je ne sais quelle affreuse joie qui saisira son intelligence aliénée, et alors on l'entendra se dire: Il n'y a point d'autre Dieu que moi!

De la corruption de l'orgueil naît la corruption des désirs, et le cœur à son tour se déprave. Vos yeux s'ouvriront; vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal (2). A cette promesse flatteuse, la curiosité s'éveille. Ce n'étoit pas assez de l'innocence et du bonheur; l'homme aspire à la science, il entreprend de ravir à l'Éternel son secret. Le châtiment suit de près. La honte et la crainte s'emparent du coupable (3). Il voudroit se cacher de Dieu, se cacher de lui-même ; et de tout ce qu'il ignoroit il n'a encore appris à connoître que le remords. Sa raison s'obs

(1) Eritis sicut dii. Genes., III, 5.

(2) Aperientur oculi vestri: et eritis sicut dii, scientes bonum et malum. Ibid.

(3) Ibid., 7 seqq.

curcit et s'égare; il se demandera ce que c'est que le vrai, ce que c'est que le faux, et il ne saura que répondre. Son jugement et ses passions l'abusent de concert, l'abusent sans cesse. Il se fatigue à poursuivre des ombres; il s'enfonce dans toutes les voies, et nulle part il ne trouve de repos. Regardez cet être déchu; une sombre ardeur l'agite; au fond de son âme est un regret immense; il a perdu quelque grand bien; il en a comme un souvenir confus, et le voilà qui remue avec un travail opiniâtre les ruines de son intelligence, les ruines de son cœur ; il espère découvrir parmi ces débris la science que lui promit l'Esprit de mensonge, et il ne trouve que le doute, l'incertitude, l'erreur, des désirs dévorans qui le consument, une image trompeuse du bien, la terrible réalité du mal.

Au moment où l'orgueil et la curiosité dégradent ses facultés les plus nobles, la convoitise achève de le corrompre. Le fruit auquel il lui étoit défendu de toucher lui paroît bon à manger, et beau à voir, et d'un aspect délectable (1). Il se laisse vaincre à ses sens, à l'attrait du plaisir qui le tente: de là sortiront les souffrances, la maladie, les angoisses, l'agonie, la mort; et cette mort, où il arrive par un chemin de douleur, sera éternelle comme son crime, comme la justice qui le punit, éternelle comme Dieu même.

En vain l'on se feroit illusion, tel est notre état !

(1) Vidit... quod bonum esset lignum ad vescendum, et pulchrum occulis, aspectuque delectabile. Genes., III, 6.

il n'est pas un de nous qui ne sente en soi cette triple corruption dont la nature humaine fut infectée dans sa source (1). Interrogez votre père, et il vous instruira; vos ancêtres, et ils vous diront (2). L'homme sait qu'il est tombé, qu'il porte la peine d'une faute antique, et toutes les générations répètent les plaintes du fils de Syrach.

« Un joug pesant accable les enfans d'Adam depuis le jour où ils sortent du sein leur mère, jusqu'au jour de leur sépulture dans le sein de la mère de tous; les pensées de leur esprit, les appréhensions de leur cœur, l'attente de ce qui arrivera, et le jour qui finit tout depuis celui qui est assis sur un trône de gloire, jusqu'à celui qui est couché sur la terre et dans la cendre; depuis celui qui est vêtu de pourpre et ceint du diadème, jusqu'à celui que recouvre un lin grossier, la fureur, la jalousie, l'inquiétude, l'agitation, les querelles, la colère opiniâtre, les transes du trépas, bouleversent son âme dans le lit même, pendant le sommeil de la nuit, au temps du repos. Il n'a que peu de repos, presque rien; et ensuite, dans le sommeil même, il est comme une sentinelle qui veille. Il se trouble dans les visions de son cœur, comme un homme qui échappe à l'ennemi au jour du combat. C'est là le sort de toute chair; et de plus la mort, le

(1) Omne quod est in mundo, concupiscentia carnis est et concupiscentia oculorum, et superbia vitæ. Ep. 1 Joan., II, 16.

(2) Interroga patrem tuum, et annuntiabit tibi; majores tuos, et dicent tibi. Deuteron., XXXII, 7.

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