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notre nature et se revêtir de notre chair mortelle : et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. Il réunit donc en lui-même et la nature divine et la nature humaine; et ces deux natures, toujours distinctes, ne forment qu'une seule personne, Jésus-Christ, le Dieu-homme qui étoit l'attente des nations (1). Elles ne l'ont point attendu en vain : il a paru aux jours marqués, et nous avons vu sa gloire, la gloire du Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité. Étonnant mystère sans doute, et mystère néanmoins si analogue à nos besoins, à notre raison, si croyable enfin, qu'il a été perpétuellement cru depuis l'origine des siècles.

Mais quel but le Verbe divin s'est-il proposé en s'incarnant? quels secrets desseins l'ont porté à s'unir à notre nature? Pourquoi l'homme-Dieu, pourquoi Jésus-Christ? Qu'est-il venu faire ici-bas? Il est venu, dit saint Paul, régénérer toutes choses dans les cieux et sur la terre (2): telle est sa mission. La trouvez-vous assez grande? est-elle digne de celui par qui tout a été fait, et qui seul pouvoit tout régénérer ?

Ces paroles de l'apôtre répondent suffisamment aux questions que l'homme peut former sur l'objet de l'incarnation du Verbe; mais elles y répondent sans satisfaire pleinement sa curiosité, parce que Dieu, qui

(1) Ipse erit exspectatio gentium. Genes., XLIX, 10.

(2) Instaurare omnia in Christo, quæ in cœlis, et quæ in terrâ sunt in ipso (Ep. ad Ephes., I, 10). Et per eum reconciliare omnia in ipsum, pacificans per sanguinem crucis ejus, sive quæ in terris, sive quæ in cœlis sunt. Ep. ad. Coloss., I, 20.

ne lui cache aucune vérité réellement utile, ne s'est pas engagé à satisfaire sa curiosité vaine et insatiable. Qu'on ne nous demande donc point ce que c'est que cette régénération des cieux, dont parle saint Paul : nous l'ignorons entièrement; et que nous importe de le savoir, à nous qui ne sommes encore que de la terre? Nous le saurons un jour, si nous méritons que Dieu nous en instruise. Tout ce qu'il nous est donné de comprendre maintenant, c'est que l'amour divin a éclaté par l'incarnation non seulement dans le monde que nous habitons, mais par-delà tous les mondes, jusque dans les hauteurs les plus sublimes des cieux.

N'étendons point nos désirs sans fin et sans limites; renfermons-nous dans les bornes que nous a prescrites la sagesse suprême : nous ne pourrions, en les franchissant, que nous égarer. La régénération de la nature humaine opérée par Jésus-Christ, voilà ce qui nous intéresse immédiatement; et aussi Dieu nous at-il accordé sur ce point toutes les lumières nécessaires : il n'y a point de ténèbres au pied de la croix.

Un crime que l'homme ne pouvoit expier, le séparoit à jamais de son auteur, c'est-à-dire, du souverain bien et de la vérité souveraine. Repoussé dès-lors en lui-même comme dans un premier enfer, enfoncé douloureusement dans la nuit de ses pensées, dans le vide immense de son cœur, où le mal seul germoit, que lui restoit-il après sa chute, qu'une irrémédiable corruption, et la sentence de mort qui brisa au fond de son âme l'espérance même ? Elle eût été détruite

pour toujours, si la promesse d'un Rédempteur n'avoit fait luire un rayon de salut aux yeux de cette créa– ture dégradée.

Le Verbe divin, ému de pitié à l'aspect des ruines de l'homme, résolut de les réparer, et de satisfaire pour nous à la justice de son Père. Il s'offrit à lui pour être notre victime, le prix de notre réconciliation ; et pendant quatre mille ans que la terre attendit ce grand sacrifice, la nature humaine en souffrance ne cessa d'aspirer à son accomplissement.

Et qu'on ne s'étonne point que le Fils de Dieu, voulant être aussi le Fils de l'homme et semblable à nous en toutes choses, excepté le péché, afin que l'innocent expiât le crime du coupable, ait différé si longtemps son incarnation. Il convenoit que les hommes dominés par l'orgueil, apprissent à sentir de plus en plus la nécessité d'un libérateur, à reconnoître la foiblesse de leur raison, son impuissance, et à trembler en contemplant la profonde plaie de leur cœur (1).

D'ailleurs que de siècles ne falloit-il pas pour préparer les preuves de la mission de Jésus-Christ, que toutes les passions devoient attaquer; pour qu'il fût annoncé par les prophètes, et préfiguré dans la loi ; pour que la vérité de ces prophéties, attestée par un

(1) Conturbatus est in visu cordis sui. Ecclesiast., XL, 7. — Malgré la tradition universelle du genre humain, malgré tant de tristes preuves de la dégradation originelle de l'homme, n'avonsnous pas vu de nos jours la philosophie soutenir que l'homme naît bon? Que seroit-ce donc, si là rédemption eût suivi presque immédiatement sa chute?

peuple miraculeusement établi, miraculeusement conduit, miraculeusemeut conservé au milieu de tous les autres peuples, ne pût jamais offrir le plus léger sujet de doute? Qu'on suive cette pensée si digne de la sagesse de Dieu, et l'on verra que le même dessein exigeoit que la Rédemption s'opérât, pour ainsi dire, en présence du monde entier réuni sous un seul empire, lorsque la philosophie, les sciences, les lettres, brilloient du plus vif éclat, en même temps que l'incertitude sur les vérités les plus essentielles, l'erreur, la dépravation, étoient parvenues à leur comble: en un mot, à l'époque où visiblement les nations ne pouvoient être sauvées que par un secours surnaturel ; et où il étoit le moins possible qu'elles fussent ou séduites par le mensonge, ou aveuglées par la prévention.

La domination romaine embrassoit presque tout l'univers connu, quand Jésus-Christ naquit d'une vierge au moment précis et dans le lieu où les sacrés oracles avoient prédit qu'il naîtroit. Sorti du sang des rois, et dans son indigence privé même du plus humble asile sur cette terre qu'il venoit sauver, il représente en ce double état l'humanité tout entière. Infortunés qui portez le poids du travail et de la peine, innombrable famille de la Providence, venez à Bethlehem contempler cet enfant couché dans une crèche et enveloppé de quelques pauvres langes, venez et reconnoissez votre frère : rois, venez aussi; et humiliez-vous devant le Roi des rois. Exilés bannis, tribu errante, suivez ce même enfant dans la terre étrangère où il fuit la persécution. Elle s'apaise,

il revient, et pendant trente années d'une vie obscure il accomplit la destinée de l'homme en mangeant le pain qu'il gagne chaque jour à la sueur de son front (1). Soumis à tous les devoirs, il est écrit qu'il obéissoit à Joseph et à Marie (2); il accomplissoit avec eux les préceptes de la loi, et c'est ainsi qu'il croissoit en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes (3).

Le temps arrive où il doit se manifester au monde; il sort de l'atelier de l'artisan, sa vie publique commence. Il instruit, il reprend, il commande, il exerce toutes les fonctions sociales. Les soins de l'autorité, les fatigues du pouvoir, les dévouemens de la charité, les vertus de l'homme-prêtre et de l'homme-roi, tel est maintenant ce qui frappe en lui. Et toutefois, dans ses veilles et dans ses travaux, aucun sentiment pur ne lui est étranger; son cœur est ouvert à l'amour filial, à la chaste amitié, à la généreuse compassion : il partage nos joies ainsi que nos douleurs; il assiste au festin de Cana, et passe quarante jours dans le désert sans prendre aucune nourriture. Il s'attendrit, il pleure comme nous. Il accueille avec indulgence le repentir, il s'indigne contre les crimes de la volonté

(1) Maledicta terra in opere tuo: in laboribus comedes ex eâ cunctis diebus vitæ tuæ... In sudore vultûs tui vescêris pane. Genes., III, 17, 19.

(2) Et descendit cum eis, et venit Nazareth: et erat subditus illis. Luc., II, 51.

(3) Et Jesus proficiebat sapientiâ, et ætate, et gratiâ apud Deum et homines. Ibid., 52.

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