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cherchez point d'autre cause; c'est qu'à cette dernière fois qu'il entre dans Jérusalem, il y entre pour y mourir; et mourir à mon Sauveur, c'est régner. En effet quand est-ce qu'on l'a vu paroître avec une contenance plus ferme et avec un maintien plus auguste que dans le temps de sa passion? Que je me plais de le voir devant le tribunal de Pilate, bravant pour ainsi dire la majesté des faisceaux romains par la générosité de son silence! Que Pilate rentre tant qu'il lui plaira au prétoire pour interroger le Sauveur, il ne satisfera qu'à une seule de ses questions. Et quelle est cette question, mes frères? Admirez les secrets de Dieu. Le président romain lui demande s'il est véritable qu'il soit roi; et le Fils de Dieu aussitôt, ayant ouï parler de sa royauté, lui qui n'avoit pas encore daigné satisfaire à aucune des questions qui lui étoient faites par ce juge trop complaisant, ni même l'honorer d'un seul mot : « Oui certes, je suis roi, » lui dit-il d'un ton grave et majestueux : Tu, dicis, quia rex sum ego1; parole qui jusqu'alors ne lui étoit pas encore sortie de la bouche.

Considérez, s'il vous plaît, son dessein. Ce qu'il n'a jamais avoué parmi les applaudissemens des peuples qui étoient étonnés et du grand nombre de ses miracles, et de la sainteté de sa vie, et de sa doctrine céleste, il commence à le publier hautement, lorsque le peuple demande sa mort par des acclamations furieuses. Il ne s'en est jamais découvert que par figures et paraboles aux apôtres, qui recevoient ses discours comme paroles de vie éternelle il le confesse nûment au juge corrompu qui par une injuste sentence le va attacher à la croix. Il n'a jamais dit qu'il fût roi, quand il faisoit des actions d'une puissance divine; et il lui plaît de le déclarer, quand il est prêt de succomber volontairement à la dernière des infirmités humaines. N'est-ce pas faire les choses fort à contre-temps? Et néanmoins c'est la sagesse éternelle qui a disposé tous les temps. Mais, ô merveilleux contretemps! ô secret admirable de la Providence! je vous entends, ô mon roi Sauveur! C'est que vous mettez votre gloire à souffrir pour l'amour de vos peuples, et vous ne voulez pas que l'on vous parle de royauté que dans le même moment auquel par une mort 1 Joan., XVIII, 37.

glorieuse vous allez délivrer vos misérables sujets d'une servitude éternelle. C'est alors, c'est alors que vous confessez que vous êtes roi. Bonté incroyable de notre roi! Que le ciel et la terre chantent à jamais ses miséricordes. Et vous, ô fidèles de Jésus-Christ, bienheureux sujets de mon roi Sauveur, ô peuple de conquête que mon prince victorieux a acquis au prix de son sang, par quel amour et par quels respects pourrez-vous dignement reconnoître les libéralités infinies d'un roi si clément et si généreux?

Certes je ne craindrai pas de le dire, ce ne sont ni les trônes, ni les palais, ni la pourpre, ni les richesses, ni les gardes qui environnent le prince, ni cette longue suite de grands seigneurs, ni la foule des courtisans qui s'empressent autour de sa personne; non, nón, ce ne sont pas ces choses que j'admire le plus dans les rois. Mais quand je considère cette infinie multitude de peuples qui attend de leur protection son salut et sa liberté; quand je vois que dans un Etat policé, si la terre est bien cultivée, si les mers sont libres, si le commerce est riche et fidèle, si chacun vit dans sa maison doucement et en assurance : c'est un effet des conseils et de la vigilance du prince; quand je vois que comme un soleil sa munificence porte sa vertu jusque dans les provinces les plus reculées, que ses sujets lui doivent les uns leurs honneurs et leurs charges, les autres leur fortune ou leur vie, tous la sûreté publique et la paix, de sorte qu'il n'y en a pas un seul qui ne doive le chérir comme son père : c'est ce qui me ravit, chrétiens, c'est en quoi la majesté des rois me semble entièrement admirable; c'est en cela que je les reconnois pour les vivantes images de Dieu, qui se plaît de remplir le ciel et la terre des marques de sa bonté, ne laissant aucun endroit de ce monde vide de ses bienfaits et de ses largesses.

Eh! dites-moi, je vous prie, dans quel siècle, dans quelles histoires, dans quelle bienheureuse contrée a-t-on jamais vu un monarque, je ne dis pas si puissant et si redoutable, mais si bon et si bienfaisant que le nôtre? Le règne de notre prince, c'est notre bonheur et notre salut. « Ce qu'il daigne régner sur nous, c'est clémence, c'est miséricorde; ce ne lui est pas un accroissement de puissance, mais c'est un témoignage de sa bonté : » Dignatio est,

non promotio; miserationis indicium, non potestatis augmentum, dit l'admirable saint Augustin 1. Regardez cette vaste étendue de l'univers; tout ce qu'il y a de lumières célestes, toutes les saintes inspirations, toutes les vertus et les graces, c'est le sang du prince Sauveur qui les a attirées sur la terre. Autant que nous sommes de chrétiens, ne publions-nous pas tous les jours que nous n'avons rien que par lui?

Ce peuple merveilleux que Dieu en sa bonté a répandu parmi tous les autres, peuple qui habite en ce monde et qui est étranger en ce monde, qui trafique en la terre afin d'amasser dans le ciel ; fidèles, vous m'entendez, c'est du peuple des élus que je parle, de la nation des justes et des gens de bien : que ne doivent-ils pas au Sauveur? Tous les particuliers de ce peuple, depuis l'origine du monde jusqu'à la consommation des siècles (voyez quelle grande étendue!), ne crient-ils pas jour et nuit et de toutes leurs forces à notre brave Libérateur : C'est vous qui avez brisé nos fers, c'est vous qui avez ouvert nos prisons; votre mort nous a délivrés et de l'oppression et de la tyrannie; votre sang nous a rachetés de la damnation éternelle. Par vous nous vivons, par vous nous respirons, par vous nous espérons, par vous nous régnons. Car la munificence de notre prince passe à un tel excès de bonté, qu'il fait des monarques de tous ses sujets; il ne veut voir en sa Cour que des têtes couronnées.

Ecoutez, écoutez le bel hymne des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, qui représentent, à mon avis, toute l'universalité des fidèles de l'Ancien et du Nouveau Testament; douze pour les douze premiers patriarches, les pères de la synagogue; et douze pour les douze apôtres, princes et fondateurs de l'Eglise. Ils sont rois, ils sont couronnés, et chantent avec une joie incroyable les louanges de l'Agneau sans tache immolé pour l'amour de nous. « 0 Agneau immolé, disent-ils, vous nous avez rachetés en votre sang; vous nous avez faits rois et sacrificateurs à notre Dieu, et nous régnerons sur la terre!» Et regnabimus super terram *. O Dieu éternel! chrétiens, quelle est la merveille de cette Cour? Toutes les grandeurs humaines oseroient-elles paroître devant une 1 Tract. LI in Joan., n. 4. - Apoc., v, 10.

telle magnificence? Cet ancien admirateur de la vieille Rome (a) s'étonnoit d'avoir vu dans cette ville maîtresse autant de rois, disoit-il, que de sénateurs. Mes frères, notre Dieu tout-puissant nous appelle à un bien autre spectacle, dont nous ferons nous-mêmes partie. Dans cette Cour vraiment royale, dans cette nation élue, dans cette cité triomphante que Jésus a érigée par sa mort, je veux dire dans la sainte Eglise, je ne dis pas que nous y voyions autant de rois que de sénateurs, mais je dis que nous y devons être autant de rois que de citoyens. Qui a jamais ouï parler d'une telle chose? C'est tout un peuple de rois que Jésus a ramassés par son sang, que Jésus sauve, que Jésus couronne, qu'il fait régner en régnant sur eux, parce que «servir notre Dieu, c'est régner: »> Servire Deo, regnare est 1. O royauté auguste du roi Sauveur, qui partage sa couronne avec les peuples qu'il a rachetés! ô mort vraiment glorieuse! ô sang utilement répandu! ô noble et magnifique conquête !

Quelques louanges que nous donnions aux victorieux, il ne laisse pas d'être véritable que les guerres et les conquêtes produisent toujours beaucoup plus de larmes qu'elles ne font naître de lauriers. Considérez, je vous prie, fidèles, les Césars et les Alexandres, et tous ces autres ravageurs de provinces que nous appelons conquérans : Dieu ne les envoie sur la terre que dans sa fureur. Ces braves, ces triomphateurs, avec tous leurs magnifiques éloges, ils ne sont ici-bas que pour troubler la paix du monde par leur ambition démesurée. Ont-ils jamais fait une guerre si juste, où ils n'aient opprimé une infinité d'innocens? Leurs victoires sont le deuil et le désespoir des veuves et des orphelins. Ils triomphent de la ruine des nations et de la désolation publique. Ah! qu'il n'est pas ainsi de mon prince! C'est un capitaine Sauveur, qui sauve les peuples parce qu'il les dompte, et il les dompte en mourant pour eux. Il n'emploie ni le fer ni le feu pour les subjuguer : il combat par amour; il combat par bienfaits, par des attraits toutpuissans, par des charmes invincibles.

1 S. Leo, Epist. ad Demetr., cap. IV.

(a) Cynéas, ambassadeur de Pyrrhus. Voy. Plutarch., Vit. Parall. in Pyrrh., et Flor., Rerum Roman., lib. I, cap. XVIII (Edit. de Déforis).

Et c'est ce qu'explique divinement un excellent passage du psaume XLIV, que je tâcherai de vous exposer. Renouvelez, s'il vous plaît, vos attentions. Le prophète en ce lieu considère NotreSeigneur comme un prince victorieux; et voyant en esprit qu'il devoit assujettir sous ses lois un si grand nombre de peuples rebelles, il l'invite à prendre ses armes. « Mettez votre épée, lui ditil, ô mon brave et valeureux capitaine : » Accingere gladio tuo super femur tuum 1. Et incontinent, comme s'il eût voulu corriger son premier discours par une seconde réflexion (ce sont les mouvemens ordinaires de l'expression prophétique): « Non, non, ce n'est pas ainsi, ô mon prince, ce n'est pas par les armes qu'il vous faut établir votre empire. » Comment donc ? « Allez, lui dit-il, allez, ô le plus beau des hommes, avec cette admirable beauté, avec cette bonne grace qui vous est si naturelle, specie tuâ et pulchritudine tuâ ; avancez, combattez et régnez; » intende, prosperè procede et regna. Puis il continue ainsi son discours : « Que les flèches du Puissant sont perçantes! tous les peuples tomberont à ses pieds. Ses coups portent tout droit au cœur des ennemis de mon roi: » Sagittæ Potentis acutæ *. Après quoi il élève les yeux à la majesté de son trône et à la vaste étendue de son empire: Sedes tua, Deus, in sæculum sæculi: « Votre trône, ô grand Dieu, est établi ès siècles des siècles, » et le reste. Et que veut dire ce règne? Quelle est cette victorieuse beauté ? Que signifient ces coups, et ces flèches, et ces peuples blessés au cœur? C'est ce qu'il nous faut expliquer avec l'assistance divine par une doctrine toute chrétienne, toute prise des Livres sacrés et des Ecritures apostoliques.

Mais, fidèles, je vous avertis que vos esprits ne soient point occupés d'une vaine idée de beauté corporelle, qui certes ne méritoit pas d'entretenir si longtemps la méditation du prophète. Suivez, suivez plutôt ce tendre et affectueux mouvement de l'admirable saint Augustin: « Pour moi, dit ce grand personnage, quelque part où je voie mon Sauveur, sa beauté me semble charmante. Il est beau dans le ciel, aussi est-il beau dans la terre, beau dans le sein de son Père, beau entre les bras de sa mère. Il est beau dans 1 Psal. XLIV, 4. - Ibid., 5. - 3 Ibid. Psal. CXIX, 4. 5 Psal. XLIV, 7.

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