Oldalképek
PDF
ePub

l'honneur de Dieu, ny à aucun usage religieux? mais quand ce signe est employé au service de l'honneur de Dieu, d'indifferent qu'il estoit, il devient une ceremonie sacro-saincte, de laquelle Dieu se sert à plusieurs grands effects.

2o J'ay dit que ceste ceremonie estoit chrestienne, d'autant que la croix, et tout ce qui la represente est folie aux payens, et scan dale aux Juifs (1. Cor. 1), lesquels, comme a remarqué le docte Genebrard (in Psal. 77), alleguant le rabbi Kimhi, l'ont en telle abomination, que mesme ils ne la veulent pas nommer par so nom, mais l'appellent Stamen et subtegmen, estaim et trame, qui sont les filets que les tisserans croisent en faysant leur toile. Je sçay qu'en l'ancienne loy, voire en celle de nature, plusieurs choses se sont passées pour representer la mort du Messie; mais ce n'ont esté que des ombres et marques obscures et confuses, au prix de ce qui se fait maintenant. Ce n'estoient pas ceremonies ordinaires à ceste loy, mais comme des eloyses qui les esclairoient en passant. Les payens, et autres infidelles, ont quelquesfois usé de ce signe, mais par emprunt, non comme d'une ceremonie de leur religion, mais de la nostre; et de fait, le traitteur confesse que le signe de la croix est une marque de Christianisme.

3° J'ay dit que ceste ceremonie representoit la Passion; et à la verité, c'est son premier et principal usage, duquel tous les autres despendent, qui la fait differer de plusieurs autres ceremonies chrestiennes, qui servent à representer d'autres mysteres.

4o J'ay dit qu'elle representoit par l'expression de la figure de la croix, pour touscher la difference avec laquelle le signe de la croix d'un costé, et l'Eucharistie de l'autre, representent le mystere de la Passion; car l'Eucharistie le represente principalement, à rayson de la totale identité de celuy, lequel y est offert, et de celuy qui fut offert sur la croix, qui n'est qu'un mesme Jesus-Christ. Mais le signe de la croix fait le mesme, exprimant la forme et figure de la

Passion.

5o J'ay dit enfin que tout cela se faysoit par un simple mouvement, pour forclore les signes permanens, engravez et tracez en matieres subsistantes, desquelles j'ay parlé au livre precedent.

Or, l'ordinaire façon de faire le signe de la croix despend de ces observations: 1° Qu'il se fasse de la main droicte, d'autant qu'elle est estimée la plus digne, comme dit Justin le martyr. 2o Qu'on y employe ou trois doigts, pour signifier la saincte Trinité, ou cinq, pour signifier les cinq playes du Sauveur. Et bien que de soy il importe peu que l'on fasse la croix avec plus ou moins de doigts; si se doit-on ranger à la façon commune des catholiques, pour ne sembler condescendre à certains heretiques jacobites et armeniens, dont les premiers, protestant ne croire la Trinité, les seconds ne croire qu'une seule nature en Jesus-Christ, font le signe de la croix avec un seul doigt. 3° On porte premier la main en haut vers la teste, en disant: Au nom du Pere, pour monstrer que le Pere est la premiere personne de la saincte Trinité, et principe originaire des deux autres. Puis on la porte en bas vers le ventre, en disant Et du Fils, pour monstrer que le Fils procede du Pere qui l'a envoyé ça-bas au ventre de la Vierge. Et delà on traverse la main de

[ocr errors]

l'espaule, ou partie gauche, à la droicte, en disant : Et du SainctEsprit, pour monstrer que le Sainct-Esprit estant la troisiesme personne de la saincte Trinité, procede du Pere et du Fils, et est leur lien d'amour et charité, et que par sa grace nous avons l'effect de la Passion. Par où l'on fait une briefve confession de trois grands mysteres de la Trinité, de la Passion et de la remission des pechez, par laquelle nous sommes transportez de la gauche de malediction à la dextre de benediction.

[ocr errors]

b

CHAPITRE II.

Le signe de la Croix est une publique profession
de la foy chrestienne.

Nous n'ignorons pas, dit le traitteur, que quelques anciens ont parlé du signe de la croix, et de la vertu d'icelle mais » ce n'a pas esté en l'intention, ny pour la fin que l'on pretend au»jourd'huy; car ils en usoient comme d'une publique profession de leur Christianisme, soit en particulier, soit en public. Car d'au» tant que les persecutions estoient grandes et aspres, les chrestiens ne se voulant descouvrir sinon à leurs freres chrestiens, s'entrecognoissoient à ce signe, quand les autres faysoient lá croix; car c'estoit un tesmoignage qu'ils estoient de la mesme religión chrestienne. D'autre part, d'autant que les payens se mocquoient de la croix de Jesus-Christ, et disoient que c'estoit folie de croire et esperer en un qui avoit esté crucifié et mort; tout au contraire, les chrestiens, scachant que toute nostre gloire ne gist qu'en la croix de Jesus-Christ, et qu'icelle est la grande puissance et sagesse de Dieu, en salut à tous les croyans, ont voulu monstrer qu'ils n'avoient point honte d'icelle et faysoient > ouvertement ce signe, pour dire qu'ils estoient des chevaliers » croisez, c'est-à-dire, des disciples de Jesus-Christ.

[ocr errors]

D

[ocr errors]

A cela se doit rapporter ce que Chrysostome dit en l'homelie 2, ⚫ sur l'epistre aux Romains: Si tu oyois quelqu'un disant: Adorestu un crucifié? n'en aye point de honte, et n'en baisse point les › yeux vers terre, et glorifie-t'en, et t'en resjouys-toy mesme; advoüe ceste confession, et à yeux francs, et å fasce eslevée. Et sainct Augustin, au huictiesme sermon des parolles de l'Apostre, chap. 3: Les sages de ce monde, dit-il, nous assaillent touschant ⚫ la croix du Christ, et disent: Quel entendement avez-vous d'adorer un Dieu crucifié? Nous leur respondons: Nous n'avons pas vostre entendement, nous n'avons point honte de Jesus-Christ, ny de sa croix, nous la fischons sur le front, auquel lieu est le * siege de pudeur, nous la mettons là, voire là; à sçavoir, en la partie plus noble, afin que cecy soit fisché, dont on n'ayt point » de honte. »

[ocr errors]

Le traitteur a escrit cela tout d'une haleyne. Puis ailleurs, respondant à onze passages des anciens, alleguez aux placards, il dit ainsi : « Le quatorziesme est prins du troisiesme traitté sur sainct » Jean, en ces mots : Si nous sommes chrestiens, nous apparte» nons à Jesus-Christ, nous portons au front la marque d'iceluy,

>> dont nous ne rougissons point, si nous la portons aussi au cœur; » la marque d'iceluy est l'humilité d'iceluy. A ce tesmoignage, » nous joindrons, pour la briefveté, tous les autres suivans, qui » sont jusques au nombre de dix, pour ce qu'ils se rapportent >> presque tous à ce qui est dit, que les chrestiens se signoient au front. Nous recognoissons donc qu'anciennement ceste coustume › de se signer au front a esté introduicte; par qui et comment il ne » conste pas. » Et plus bas : Il a esté desclaré cy-dessus qu'enten» doient les anciens par ce signe, à sçavoir, le tesmoignage exte>> rieur de la foy chrestienne.▸

Voyla certes bien assez de confession de mon adversaire, pour me lever l'occasion de rien preuver touschant ce poinct mais d'autant qu'il a escrit ces veritez à contre-cœur, il les a estirées et amaigries tant qu'il a peu.

1° Quelques anciens, dit-il, ont parlé du signe de la croix. Je luy demande qu'il me nomme ceux qui n'en ont pas parlé car tous, ou bien peu s'en faut, en ont parlé falloit-il donc dire quelques, comme s'il ne parloit que de deux ou trois?

2. Il dit qu'ils n'en ont pas parlé en l'intention qu'on pretend aujourd'huy: mais s'il entend de l'intention des catholiques, je luy feray voir le contraire, clair comme le soleil; s'il entend de l'intention que les ministres huguenots imposent aux catholiques, comme seroit ce que dit le traitteur, d'attribuer au seul signe ce qui est propre au Crucifié, je confesse que les anciens n'y ont pas pensé; c'est une imposture trop malicieuse.

3o Il dit que les anciens faysoient ce signe pour ne se descouvrir sinon à leurs freres chrestiens. Pour vray, je ne le puis croire; car quelle commodité y avoit-il à faire le signe de la croix pour se tenir couvert aux ennemys, puisqu'au contraire, ainsi qu'il confesse un peu apres, les payens se mocquoient de la croix, et en faysoient leurs ordinaires reproches aux chrestiens, et que les chrestiens monstroient n'avoir point honte d'icelle, faysant ouvertement ce signe? Accordez un peu ces deux raysons du traitteur les chrestiens faysoient la croix pour ne se descouvrir sinon à leurs freres chrestiens; les chrestiens faysoient la croix ouvertement, pour monstrer qu'ils n'avoient point honte d'icelle. Certes, Tertullien, Justin le martyr, et Minutius Felix, tesmoignent assez que le signe de la croix n'estoit pas une si secrette profession de foy, que tous les payens ne le cogneussent bien.

4° Il dit qu'anciennement la coustume de se signer a esté introduicte. Notez qu'il parle du tems de sainct Augustin, auquel Calvin dit estre tout notoire et sans doubte qu'il ne s'estoit fait aucun changement de doctrine, ny à Rome, ny aux autres villes. Et le traitteur mesme confesse que ç'a esté seulement du tems de sainct Gregoire que les yeux des chrestiens ont commencé à ne voir plus gueres clair au service de Dieu; dont je discours ainsi : Nul changement ne s'estoit fait en la doctrine du tems de sainct Augustin; or du tems de sainct Augustin on faysoit generalement le signe dé la croix la doctrine donc de faire le signe de la croix est pure et apostolique.

5o Il dit fort gentiment qu'on ne sçayt par qui, ny comment ceste

coustume de se signer a esté anciennement introduicte. Là où je luy resplique avec sainct Augustin, que ce que l'Eglise universelle tient, et n'a point esté institué par les conciles, mais a tousjours esté observé, est tres-bien creu n'avoir esté baillé, sinon par l'authorité apostolique; et avec sainct Leon, qu'il ne faut pas doubter que tout ce qui est receu en l'Eglise pour coustume de devotion ne provienne de là tradition apostolique, et de la doctrine du Sainct-Esprit.

Voylà la regle avec laquelle les anciens jugeoient des coustumes ecclesiastiques, selon laquelle le signe de la croix (qui a tousjours esté observé en l'Eglise et ne sçayt-on par qui ny comment il a esté institué) doit estre rapporté à l'institution apostolique.

CHAPITRE III.

Du frequent et divers usage du signe de la Croix
en l'ancienne loy.

On peut fayre la croix, ou pour tesmoigner que l'on croit au Crucifix, et lors c'est faire profession de la foy; ou bien monstrer que l'on espere et qu'on met sa confiance en ce mesme Sauveur, et fors c'est invoquer Dieu à son ayde, en vertu de la Passion de son Fils. Le traitteur veut faire croire que l'antiquité n'employoit le signe de la croix, sinon pour le premier effect; mais au contraire elle ne l'employoit presque jamais pour ceste seule intention, mais son plus ordinaire usage estoit d'estre employée à demander ayde à Dieu.

Sainct Hierosme escrivant à son Eustochium: «A toute œuvre, , dit-il, à tout aller et revenir, que ta main fasse le signe de la » croix. »

Sainct Ephrem Soit que tu dormes, ou que tu voyages, que » tu t'esveilles, ou que tu fasses quelque ouvrage, ou que tu manges, ⚫ ou que tu boíves, ou que tu navigues en mer, ou que tu passes les » rivieres, couvre-toy de ceste cuirasse, pare et environne tous tes » membres du signe salutaire, et les maux ne te joindront point. >> (De vera pænit., c. 3.)

Tertullien « A tout acheminement et mouvement, à toute entrée » et sortie, en nous vestant, en nous chaussant, aux bains, à table, » quand on apporte la lumiere, entrant en la chambre, nous asseant, » et par tout où la conversation nous exerce, nous touschons nostre » front du signe de la croix. » (De cor. militis.)

«Fais ce signe, dit sainct Cyrille, mangeant, beuvant, assis, de» bout, partant, promenant, en somme en toutes tes affaires.» Et ailleurs: « N'ayons donc point honte de confesser le Crucifix : mais ⚫ imprimons asseurement le signe de la croix avec les doigts sur » nostre front, et que la croix se fasse en toute autre chose, man» geant, beuvant, entrant, sortant, avant le sommeil, s'asseant, » se levant, allant et chosmant. C'est icy une grande deffense, la» quelle, à cause des pauvres, est donnée gratis, et sans peyne pour les foibles, ceste grace estant de Dieu, le signe des fidelles, et la crainte des diables » (Catech. 4 et 13). Sainct Chrysostome: « La ⚫ croix reluict par tout és lieux qui sont et ne sont habitez » (Quod

» Christus sit Deus). Sainct Ambroise: «Nous devons faire toute » nostre œuvre au signe du Sauveur. (Serm. 43.)

Or sus ce tant libre et universel usage de ce sainct signe peut-il estre reduict à la seule profession de foy? En toute œuvre, se levant le matin, se couchant le soir, la nuict en l'obscurité, et és lieux non habitez, à quel propos feroit-on ceste profession de foy où personne ne la void? Mais il y a plus: ces Peres, qui recommandent tant l'usage de ce signe, n'apportent jamais pour rayson la seule profession de foy, mais encore la deffense et protection que nous en pouvons recevoir, comme d'une cuirasse et corcelet à l'espreuve, ainsi que sainct Ephrem l'appelle. Or, quoyque les anciens ayent rendu si general le signe de la croix, pour toutes les rencontres et actions de nostre vie, comme une briefve et vive orayson exterieure, par laquelle on invoque Dieu; si est-ce que je diray seulement comme elle a esté employée aux benedictions, consecrations, sacremens, aux exorcismes, tentations, et aux miracles.

CHAPITRE IV.

Toutes ceremonies bonnes et legitimes peuvent estre employées à la benediction des choses.

JESUS-CHRIST priant pour le Lazare (Joan. 11), pour sa clarification (Joan. 17), et pour la multiplication des pains (Matth. 14), leva les yeux au ciel, et David (Psal. 120 et 122) pour dire qu'il a prié, il dit qu'il a levé les yeux au ciel. Le Sauveur mesme pria son Pere les genouilx en terre (Luc. 22), comme ont fait les saincts tressouvent (III. Reg. 8; 11. Paral. 6; Dan. 6; Mich. 6), dont sainct Paul voulant dire qu'il a prié Dieu, dit seulement qu'il a fleschy les genoüilx en terre (Ephes. 3), tant ceste ceremonie appartient à l'orayson C'a esté une solemnelle observation aux Juifs et Chrestiens de prier par l'eslevation des mains (11. Paral. 6; Exod. 9; ш. Reg. 8; Is. 9; i. Tim. 2, etc.): mais c'est une ceremonie si naturelle, que presque toutes nations l'ont employée comme pour recognoissance que le ciel est le domicile de la gloire de Dieu, tesmoin celuy qui disoit (Vir. Æneid.) :

Et duplices tendens ad sidera palmas;

Et ailleurs :

Corripio e stratis corpus, tendoque supinas
Ad cœlum cum voce manus, et munera libo.

Dont le Psalmiste met pour une mesme chose, prier et lever les mains: « O Seigneur, j'ay crié vers toy tout le jour, j'ay estendu >> mes mains vers toy (Psal. 87): l'eslevation de mes mains soit » sacrifice du soir (Psal. 140): levez parmy la nuict les mains vers » les choses sainctes (Psal. 133). » Ainsi Moyse disoit à Pharaon : "Estant sorty de la ville, j'estendray mes mains au Seigneur, et » les tonnerres cesseront (Exod. 9). » Ainsi on leve la main quand on jure (Gen. 14); car jurer n'est autre chose, sinon appeller Dieu à

« ElőzőTovább »