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DES ÉTRANGERS

AMATEURS

DE LA LANGUE FRANÇOISE,

OUVRAGE

UTILE AUX FRANÇOIS EUX-MÊMES.

INTRODUCTION.

DEUX obstacles surtout arrêtent l'étranger qui désire être initié dans notre langue d'abord, cette foule innombrable de noms où le sexe n'indiquant pas le genre, dans l'absence totale de la raison, chacun s'abandonne au caprice de son propre idiome, et calque sur la langue qu'il sait la langue qu'il veut savoir. Ainsi, l'italien dira le peur et la carrosse ; l'allemand, le lune et la soleil; l'anglois, le chandelle et la chandelier; le provençal, de l'huile fin et de bonnes anchois. Je dois mettre ici au rang des étrangers les François qui sont étrangers à la langue françoise.

La seconde difficulté concerne la prononcia

tion, et naît évidemment de l'absurdité de notre orthographe. Des signes de sons qui ne signalent aucun son, les mêmes signes exprimant des sons divers, des signes composés indiquant des sons simples tel est notre système orthographique tel est le chemin trompeur où s'égare l'étranger dans l'émission des sons de notre langue.

:

Le premier obstacle est invincible; il est inhérent au génie de notre langue. Le genre indépendant du sexe, proclamé par toutes les bouches, consigné dans tous les écrits, couvrant ses irrégularités des beautés de Fénélon et de Racine, fort de l'usage universel, brave les vaines réclamations d'une philosophie tardive. Quand le génie et le goût ont enfanté leurs chef-d'œuvres la syntaxe d'une langue est fixée, et la gram

maire doit borner ses soins à diminuer les difficultés qu'il n'est pas en son pouvoir d'effacer.

Le second obstacle est de nature à être levé; l'orthographe d'une langue n'est pas de son essence, comme la syntaxe. Faite pour réfléchir les sons, elle est une glace fidèle, lorsque les écrivains d'une nation se sont abandonnés à la nature; infidèle, lorsque ébloui par le faux éclat d'un savoir déplacé, détournant les signes de leur véritable institution, on a modélé l'écriture de la langue dérivée sur la prononciation de la langue primitive.

Le retour aux principes est désiré par tous

les bons esprits. Mais quelle autorité fera triompher la raison? quel pouvoir fera rentrer dans ses limites l'érudition, toujours prête à les franchir? quelle voix imposera silence au préjugé? Cette heureuse révolution peut être opérée par le concert de la force, à qui rien ne résiste, et des lumières, à qui rien n'échappe. Que le Gouvernement dise à la classe de l'Institut national chargée du dépôt de la langue françoise :·

« Je demande que les sons de la langue soient tous appréciés et reconnus;

Que chaque son simple ait un signe simple « qui lui soit exclusivement affecté ;

«< En un mot, que la langue écrite soit l'image « fidèle de la langue parlée.

Et je promets que l'orthographe sanctionnée «par l'Académie françoise sera sur-le-champ adoptée

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« Dans tous les actes émanés des autorités cons

«< tituées,

« Dans tous les journaux soumis à l'inspection « de la police,

<< Dans toutes les écoles nationales,

«< Dans tous les établissements payés des de<< niers publics. »

La raison et l'exemple auroient bientôt achevé une révolution commencée sous des auspices aussi imposants.

O Bonaparte, jette un regard sur ces lignes,

elles t'appellent à la gloire, non à celle du guerrier, tes exploits ont lassé la renommée; non à celle de l'homme d'état, la France te bénit, et l'univers t'admire; d'ailleurs, ces deux sortes de gloire ne sont ni sans mélange ni sans partage. Toujours près du laurier croît le triste cyprès; presque toujours où triomphe la politique, la raison pleure sa défaite: avant toi se sont fait redouter le vainqueur des Gaules et le destructeur de Carthage; avant toi se sont fait aimer Solon et Numa. La gloire que je t'offre est pure, et n'appartiendra qu'à toi seul. Ose ordonner la réforme de notre orthographe, et le mensonge abécédaire, qui prépare à tous les mensonges, ne déformera plus les jeunes esprits, et l'immense famille dont tu es le chef, parlera partout le même langage, et les monuments immortels du génie et du goût de nos écrivains, se présenteront d'eux-mêmes à l'étranger reconnoissant. Élevé au faîte du pouvoir par ta valeur ta sagesse et notre amour, déploie ta force pour la propagation des idées justes, mets ta gloire dans le triomphe de la vérité.

Cependant les deux obstacles dont j'ai parlé subsistent, et entravent l'étude d'une langue qui sera la langue universelle, lorsque l'accès en sera devenu facile.

L'obstacle qu'oppose le caprice des genres

durera autant que la langue elle-même, et je me propose de l'aplanir,

En rapportant tous les mots à onze désinences fondamentales, qui, par la force de l'analogie, donnent lieu, les unes à des règles très-générales; les autres, à des règles universelles. Et comme la sècheresse et le dégoût accompagnent trop souvent la marche didactique, j'ai orné mes préceptes de tout ce que la poésie offre de plus piquant en images, en sentiments, en pensées. C'est le plaisir qui instruit.

L'obstacle qu'oppose notre déraison orthographique durera jusqu'à ce que le Gouvernement. nous rappelle aux principes. Mais le bien s'opère lentement, et, impatient d'être utile,

Je vais essayer de lever l'obstacle d'une orthographe mensongère par une écriture exactement calculée sur les sons de la langue, image parfaite de la prononciation, et, j'ose le prédire avant-- courrière de cette orthographe qu'ont invoquée Dumarsais, Duclos, Dalembert, et dont les seuls ennemis sont la paresse, que le moindre travail effarouche, et la mauvaise foi, qui se refuse à l'évidence.

C'est sur des vers de ma composition que j'ai fait plusieurs de mes essais prosodiques. J'ai noté cent-cinquante distiques moraux que j'ai traduits, la plupart, de divers poètes latins, et les

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