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le desclara luy-mesme de sa robbe, quand il guerit ceste pauvre femme; car il ne dit pas : J'ay senty une vertu sortie de ma robbe; mais: Jay apperceu une vertu sortir de moy (Luc. 8), et tout dé mesme n'auroit-il pas dit: Qui est-ce qui a tousché ma robbe? mais plutost: Qui est-ce qui m'a tousché?

Comme donc il advoüa que touscher sa robbe par devotion, c'est le touscher luy-mesme; aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire à ceux qui touschent sa robbe. Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre Seigneur qui est la vertu, non inherente à la croix, mais bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle-mesme, car estant vertu de Dieu et Dieu mesme, elle est invariable, tousjours une, et esgale; mais elle n'est pas tousjours esgale en l'exercice, et selon les effects, car en quelques endroicts, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles, et plus grandes et plus frequentes, que non pas aux autres. Que ce traitteur donc cesse de dire que nous attribuons à la croix la vertu qui est propre à Dieu; car la vertu propre à Dieu luy est essentielle, la vertu de la croix luy est assistante. Dieu est agissant en sa vertu propre, la croix n'opere qu'en la vertu de Dieu; Dieu est le premier autheur, et mouvant, la croix n'est que son instrument et outil. Et tout cé qui se dit de la croix de Nostre Seigneur se lit de sa robbe avec une esgale asseurance, puisque la mesme Eglise qui nous enseigne ce qui se lit de sa robbe nous presche ce qui se dit de la croix.

CHAPITRE V.

Preuve quatriesme, par autres passages de l'Escriture.

E que j'ay deduict jusques icy monstre assez combien est honnoCrable le bois que Nostre Seigneur porta, comme un autre Isaac, sur le mont destiné pour estre immole sur iceluy en divin Agneau qui lave les pechez du monde : mais voicy des raysons particulieres inesvitables.

Le sepulchre du Sauveur n'a rien eu plus que la croix: il receut le corps mort, que la croix porta vivant et mourant; mais il ne fut point l'exaltation de Nostre Seigneur, ny instrument de nostre redemption; et neantmoins voylà le prophete Isaye qui proteste que ce sepulchre sera glorieux : Et erit sepulchrum ejus gloriosum (Is. 11). C'est un texte tres-expres, et sainct Hierosme, en l'Epistre à Marcelle, rapporte ce traict d'Isaye à l'honneur que les chrestiens rendent à ce sepulchre, y accourant de toutes parts en pelerinage. Davantage, Dieu est par tout, mais là où il comparoist avec quelque particulier effect, il laisse tousjours quelque saincteté, veneration, et dignité. Voyez-vous pas comme il rendit venerable le mont sur lequel il apparut à Moyse, en un buisson ardent? Oste tes souliers, dit-il; car la terre où tu es est saincte (Exod. 3). Jacob ayant veu Dieu et les anges en Bethel, combien tient-il ce lieu pour honnorable (Gen. 28)? L'ange qui apparut à Josué, és campaignes de Jericho, luy commanda de tenir ce lieu-là pour sainct et d'y marcher pieds nuds, par reverence (Jos. 5). Le mont de Sinaï le Temple de Salomon, l'Arche de l'allyance et cent autres lieux,

S. François.

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esquels la majesté de Dieu s'est monstrée, sont tousjours demeurez venerables en l'ancienne loy. Comme devons-nous donc philosopher du sainct bois, sur lequel Dieu a comparu tout embrasé de charité en holocauste, pour nostre nature humaine? La presence d'un bon ange sanctifie une campagne; et pourquoy la presence de JesusChrist, seul Ange du grand conseil, n'aura-t-elle sanctifié le sainct bois de la croix? Mais l'Arche de l'allyance sert d'un tres-magnifique tesmoignage à la croix; car si l'un des bois, pour estre l'escabeau ou marche-pied de Dieu, a esté adorable, que doit estre celuy qui a esté le lict, le siege, et le throsne de ce mesme Dieu? Or, que l'Arche de l'allyance fust adorable, l'Escriture le monstre : Adorez, dit le Psalmiste, l'escabeau des pieds d'iceluy; car il est sainct (Psal. 98). On ne peut gauchir à ce coup, il porte droict dans l'oetl du traitteur, pour le luy crever, s'il ne void que si cest ancien bois, seulement enduict d'or, seulement marche-pied, seulement assisté de Dieu, est adorable; le precieux bois de la croíx, teinct au sang du mesme Dieu, son throsne, et pour un tems cloüé avec iceluy, doit estre beaucoup plus venerable.

Or, que l'escabeau des pieds de Dieu ne soit autre que l'Arche, l'Escriture le tesmoigne ouvertement (1. Paral. 28); et qu'il le faille adorer, c'est-à-dire venerer, il s'ensuit expressement du dire de David, où le vray mot d'adoration est expressement rapporté à l'escabeau des pieds de Dieu, comme sçavent ceux qui ont cognoissance de la langue hebraïque. Et de fait, Dieu avoit rendu si honnorable ceste saincte Arche, qu'il n'en falloit approcher que de bien loing; et Oza, la touschant indignement, en est incontinent chastié à mort (II. Reg. 6). Bref; il n'estoit permis qu'aux prestres et levites de touscher et manyer ce bois, tant on le tenoit en respect.

Helysée garda soigneusement le manteau d'Hely, et le tint pour honnorable instrument de miracle (iv. Reg. 2). Pourquoy n'honnorerons-nous le bois, duquel Nostre Seigneur s'affeubla au jour de son exaltation, et de la nostre? Que direz-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph (Hebr. 11)? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Esther baysa le bout de la baguette d'or de son espoux (Esth. 5); et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien?

Je sçay la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de sainct Paul; mais aussi scay-je que celle-là de la Vulgate est la plus asseurée et naïfve, mesme estant rapportée et confrontée avec ce qui est dit d'Esther: aussi est-elle suivie par saint Chrysostome.

Qui ne sçayt que la croix a esté le sceptre de Jesus-Christ? dont il est escrit en Isaye: Duquel la principauté est sur son espaule (Is. 9); car tout ainsi que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim, fils d'Elcias, pour le mettre en possession de son pontiScat (s. 22), Nostre Seigneur aussi print sa croix sur son espaule, lorsque chassant le prince du monde, prenant possession de son pontificat et de sa royauté, il attira toutes choses à soy, comme interprete sainct Cyprien au livre second contre les Juifs, et sainct Hierosme au Commentaire, et Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le tems de Constantin le Grand, au livre de Mysteriis pro

fanarum religionum, cap. 22; et plusieurs autres des anciens quoyque Calvin, sur ce passage, sans authorité ny rayson, sé mocque de ceste interpretation, l'appellant frivole. Et voylà un lieu en l'Escriture touschant la croix, oultre ceux que le traitteur a alleguez, quand il a bien osé dire qu'oultre cela il n'en lisoit rien.

Le bois de la croix a eu des qualitez qui le rendent bien venerable: c'est qu'il a esté le siege de la royauté de Nostre Seigneur, comme dit le Psalmiste: Dites és nations que le Seigneur a regné par le bois (Psal. 95). Ainsi que lisent les Septante, sainct Augustin et sainct Justin le martyr, et sainct Cyprien, qui remarque l'escriteau qui fut mis sur le bout de la croix, en hebrieu, grec et latin, desclara qu'alors se verifioit le mystere predict par David. Dont les Juifs, en hayne des chrestiens, avoient raclé le mot à ligno, comme dit Justin.

La croix a esté l'autel du sacrifice de nostre Redempteur, comme va descrivant sainct Paul en l'Epistre aux Hebrieux (Hebr. 9), dont il dit aux Colossiens: Que Nostre Seigneur a tout pacifié par le sang de sa croix (Coloss. 1). C'est son exaltation; c'est le temple de ses trophées, auquel il affigea, comme une riche despoüille, cedule du decret qui nous estoit contraire.

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Mais quand il n'y auroit autre chose que ce qu'elle est la vraye enseigne, le vray ordre, et vrayes armoiries de nostre Roy, seroitce pas assez pour la rendre venerable? Les coquilles, toisons et jarretiers sont en honneur, quand il playst aux princes de les prendre pour enseigne de leur Ordre : combien serà plus digne de respect la croix du Roy des roys qu'il a prinse pour son Enseigne? Dequoy voicy la preuve tirée de l'Escriture, que le traiteur a laissée par ignorance. N'est-ce pas chose bien remarquable que Nostre Seigneur a voulu prendre un de ses noms de la croix, võulant qu'il luy demeurast perpetuel, voir apres sa resurrection? et comme la croix est appellée Croix de Jesus, qu'aussi Jesus fut nommé Jesus crucifié? Et : Cherchez-vous Jesus de Nazareth crucifié (Marc. 16)? Nous preschons Jesus crucifié (1. Cor. 1). Jay estimé ne rien sçavoir, sinon le seul Jesus, et iceluy crucifié (1. Cor. 2). Sainct Cyrille Hierosolimitain a remarqué tres-expressement ce discours sur le milieu de sa Catechese 13.

Vous ne disiez mot de cecy, petit traitteur! estes-vous aveugle, ou si vous faites le fin? Il y a bien à dire entre tesmoigner que Jesus-Christ a esté crucifié, et dire qu'il s'appelle Crucifié. Où treuverez-vous qu'autre que ce Seigneur ayt prins ce nom? comme il est appellé Galileen de son pays, Nazareen de sa ville, il est appellé Crucifié de sa croix. Quelle ineptie d'apparier les autres instrumens de sa passion à celuy-cy; car où treuvera-t-on que le Sauveur soit appellé fouetté, lyé et garrotte? et vous voyez qu'il prend à nom Crucifié, ou Crucifix. Là où la distinction, si mal par vous menagée, de la croix supplice, et de la croix instrument de supplice, ne vous sçauroit sauver; car la crucifixion ne se fait pas par l'affixion au supplice, mais à la croix, au gibet. Si donc Nostre Seigneur a tant honnoré la croix qu'il a voulu prendre un surnom d'icelle, qui est-ce qui la mesprisera?

Pour vray, le traiteur seroit bien desesperé s'il vouloit meshuy

se servir de cest argument, tant chanté parmy les reformateurs, qu'il faut rejetter la croix comme gibet de nostre bon Pere, et qué le fils doit avoir en horreur l'instrument de la mort de son pere. S'il alleguoit jamais ceste ineptie :

1o On l'enferroit par son dire propre, quand il loüe infiniment la mort, la passion et les souffrances de Nostre Seigneur, et à rayson: mais si les propres douleurs et afflictions sont aymables et loüables, pourquoy rejettera-t-on les instrumens d'icelles, s'il n'y a autre mal en eux que d'avoir esté instrumens.

Le Fils ne peut avoir en horreur le gibet de son Pere, s'il a en honneur la mort et souffrance d'iceluy; pourquoi rejetteroit-il les outils de ce qu'il honnore?

2o On luy diroit que la croix n'a pas esté seulement l'instrument des bourreaux pour crucifier Nostre Seigneur; mais aussi a esté celuy de Nostre Seigneur, pour faire son grand sacrifice : ç'a esté son sceptre, son throsne et son espée.

On luy opposeroit que la croix peut estre considerée, ou comme moyen de l'action des crucifieurs, ou comme moyen de la passion du Crucifix comme instrument de l'action, elle n'est du tout point venerable, car ceste action estoit un tres-grand peché; comme instrument de la passion, elle est extresmement honnorable, car ceste passion a esté une tres-admirable et parfaicte vertu. Or, Nostre Seigneur prenant à soy cest instrument, et en estant le dernier possesseur, il luy a levé toute l'ignominie, la lavant en son propre sang: dont il l'appelle sa Croix, et se surnomme Crucifix. Ainsi l'espée de Goliath estoit horrible aux Israëlites, pendant qu'elle estoit au flanc de ce geant (1. Reg. 17); laquelle par apres fut amie et prisable és mains du roy David. Ainsi la verge d'Aaron ne fleurit point avant qu'estre destinée à la tribu de Levy, et que le nom sacerdotal d'Aaron y fust inscrit (Num. 17); et la croix, qui auparavant estoit une verge seiche et infructueuse, soudain qu'elle fut dediée au Fils de Dieu, et que son nom y fut attaché, elle fleurit et fleurira à jamais, à la veüe de tous les rebelles. Ce palais est honnorable, puisque le roy y a logé, et l'a retenu par l'escriteau de son sainct et venerable nom. Je vous prie enfin de vous ressouvenir de l'honneur que sainct Jean portoit aux souliers mesmes de Nostre Seigneur (Luc. 3): il les prisoit tant, qu'il s'estimoit indigne de les touscher; qu'eust-il fait s'il eust rencontré la croix? Le parfaict honneur s'estend jusques aux moindres appartenances de celuy que l'on ayme.

CHAPITRE VI.

Preuve cinquiesme: Par le sous-terrement et conservation de la Croix.

J'AY

'AY monstré cy-devant combien la croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirées à droict fil des sainctes Escritures, où, comme vous avez veu, n'ay pas eu beaucoup de peyne à respondre aux argumens de ma partie; puisqu'ayant fait toutes ses propositions negatives, protes

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tant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutesfois produict qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tresimpertinent. Maintenant donc nous entrons en une seconde maniere de preuver la vertu et l'honneur de la croix, c'est à savoir, par le tesmoignage de ceux par l'entremise desquels, et l'Escriture, et tout le Christianisme est venu jusques à nous, c'est-à-dire, des anciens Peres et premiers chrestiens, avec lesquels le traitteur fait semblant d'avoir eu grand commerce, tant il discourt à playsir de ce qu'ils ont dit. C'est donc icy une preuve tirée du fait de nos devanciers, laquelle nous presuppose que la vraye croix de Nostre Seigneur (car c'est celle-là de laquelle nous parlons) leur soit venue à cognoissance. Ce qu'aussi le traitteur tasche de nyer le plus pertinemment qu'il luy est possible.

Il semble, dit-il, que Dieu a voulu prevenir l'idolastrie, laquelle neantmoins Satan a introduicte au monde; car comme il n'a point » voulu que le sepulchre de Moyse ayt esté cogneu, aussi n'y a-t-il » point de tesmoignage que Dieu ayt voulu que la croix de son Fils » soit venue à cognoissance entre les hommes.» Voylà ses propres parolles. Un menteur, s'il ne veut estre du tout sot, doit avoir la memoire bonne. Ce traitteur, oublyant ce qu'il a dit icy, parle ailleurs en ceste sorte: Nous ne nyons pas que pour autoriser la ⚫ predication de l'Evangile, rejettée alors par les payens, ayant la » Vogue presque par tout le monde, Dieu n'ayt fait des miracles au • nom de Jesus crucifié. Et c'est ce qu'Athanase desclare au com> mencement de son livre contre les idoles, qu'apres la venue de la croix, toute l'adoration des imaiges a esté ostée, et que par ceste marque toutes deceptions des diables sont chassées.»

Accordez, je vous prie, cest homme avec soy-mesme. Pour prevenir, dit-il, l'idolastrie, Dieu veut que la croix de son Fils soit cachée. Par la marque de la croix, toutes deceptions des diables sont chassées. La croix abolit l'idolastrie. La croix est cause de l'idolastrie. Qui ne void la contrarieté de ces parolles? L'une ne peut estre vraye que l'autre ne soit fausse. Mais laquelle sera vraye, sinon celle que non-seulement sainct Athanase à proferée, ains est enseignée par Jesus-Christ et les prophetes, et creuë par toute l'antiquité?

Pour vray, tous les prophetes ont predict qu'à la venue de Nostre Seigneur, par sa croix et passion, les idoles seroient abolies : Et non memorabuntur ultra; Il n'en sera plus memoire, dit Zacharie (Zach. 13). Et vous, traitteur, voulez au contraire que la croix soit une idole, et que l'idolastrie ayt esté catholique, c'est-àdire, universelle en l'Eglise de Jesus-Christ l'espace de mille ans, et que la vraye religion ayt esté cachée en une petite poignée dé personnes invisibles et incogneuës. Jesus-Christ proteste (Joan. 12), Que si un jour il est eslevě en haut, il tirera toutes choses à soy, et le prince du monde sera chassé; et vous voulez que l'eschelle de son exaltation ayt desprimé et abattu son honneur et service. Toute l'antiquité s'est servie de la croix contre le diable, et vous dites que ceste croix est le throsne de son idolastrie?

Et quant à l'exemple que vous apportez du sepulchre de Moyse, je ne sçay comme il ne vous a ouvert les yeux; car laissant à part

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