A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE, Qui avoit demandé à M. de La Fontaine une fable qui fut nommée LE CHAT ET LA SOURIS. POUR plaire au jeune prince à qui la Renommée Dois-je représenter dans ces vers une belle, Prendrai-je pour sujet les jeux de la Fortune? Introduirai-je un roi qu'entre ses favoris Qui n'est point empêché d'un monde d'ennemis Et qui des plus puissants, quand il lui plaît, se joue Comme le chat de la souris ? Mais insensiblement, dans le tour que j'ai pris, FABLE V. Le vieux Chat et la jeune Souris. UNE jeune souris, de peu d'expérience, Crut fléchir un vieux chat, implorant sa clémence, Et payant de raisons le Raminagrobis. Laissez-moi vivre; une souris De ma taille et de ma dépense L'hôte, l'hôtesse, et tout leur monde? D'un grain de blé je me nourris: Une noix me rend toute ronde. A présent je suis maigre; attendez quelque temps: Réservez ce repas à messieurs vos enfants. Ainsi parloit au chat la souris attrapée. Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours? Meurs, et va-t'en tout de ce pas La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir : FABLE VI. Le Cerf malade. Ex pays plein de cerfs un cerf tomba malade. Incontinent maint camarade Permettez qu'en forme commune La parque m'expédie, et finissez vos pleurs. De ce triste devoir tout au long s'acquittèrent, Ce ne fut pas sans boire un coup, D'un mal il tomba dans un pire, A jeûner et mourir de faim. Il en coûte à qui vous réclame, FABLE VII. La Chauve-Souris, le Buisson, et le Canard. Le buisson, le canard, et la chauve-souris, E Voyant tous trois qu'en leur pays Ils faisoient petite fortune, Vont trafiquer au loin, et font bourse commune. Des registres exacts de mise et de recette. En passant par certains endroits Alla tout emballée au fond des magasins Notre trio poussa maint regret inutile; Ou plutôt il n'en poussa point: Le plus petit marchand est savant sur ce point : que, par malheur, nos gens avoient soufferte, Ne put se réparer : le cas fut découvert. |