Je ferais comme un autre, et, sans chercher si loin, Je trouverais bientôt, à nulle autre seconde. Je mettrais à l'instant, plus beau que le soleil. Et je serais heureux si, pour me consumer, Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume Peut tous les mois sans peine enfanter un volume! Eh bien! s'est-il donc si mal tiré de cette pièce sur la rime? N'a-t-il pas su joindre l'agrément à l'instruction? Était-ce une chose inutile de proscrire ces hémistiches rebattus, ces épithètes de remplissage que l'on prenait pour de la poésie, et qu'il frappa d'un ridicule salutaire? N'y a-t-il pas un grand sens dans ce contraste qu'il établit entre l'homme médiocre, toujours enchanté de ce qu'il fait, parce qu'il n'imagine rien au-delà, et l'homme supérieur, que tourmente toujours l'idée du mieux, quand il a trouvé le bien? Il plaît à tout le monde, et ne saurait se plaire. vous ayez Molière fut frappé de ce vers comme d'un trait de lumière. Voilà, dit-il au jeune poëte en lui serrant la main, une des plus belles vérités que dites. Je ne suis pas de ces esprits sublimes dont vous parlez : mais, tel que je suis, je n'ai rien fait en ma vie dont je sois véritablement content. Les détracteurs des grands écrivains auraient tort de se prévaloir contre eux de cet aveu qui leur est commun avec Molière, et de dire: Nous avons donc raison de vous censurer. Le génie aurait droit de répondre : Oui, si en me censurant vous m'éclairiez; mais vous n'en avez le plus souvent ni la volonté ni le pouvoir. Vos critiques et ma conscience sont rarement d'accord, et ce que je cherche, ce n'est pas vous qui me le montrerez. Pour revenir à cette satire, je ne me pique pas d'être plus difficile que Molière, et je la trouve très-agréable. Au reste, en rendant aux satires de Boileau la justice que je leur crois due, je ne prétends pas qu'elles soient irrépréhensibles; que dans la foule des bons vers il n'y en ait quelquesuns de faibles, ou même de mauvais; que quelques idées ne manquent de justesse. On l'a relevé sur Alexandre, qu'il veut mettre aux Petites Maisons cela est un peu fort, même dans une satire; et de plus on a observé qu'il y avait une contradiction maladroite à traiter si mal Alexandre, qu'ailleurs il met à côté de Louis XIV. Mais je pense que malgré ces taches, qui sont rares, ses satires furent très-utiles dans leur temps, et qu'elles sont encore très-estimables dans le nôtre. Il me paraît les avoir fort bien appréciées luimême dans cet endroit de son Épitre à M. de Seignelay: Sais-tu pourquoi mes vers sont lus dans les provinces, Tel est en effet le caractère de Boileau dans ses Satires, et dans ses Épîtres et dans l'Art poétique, qui sont fort au-dessus de ses Satires : c'est par-tout le poëte de la raison. M. Marmontel reconnait en lui toutes les qualités du poëte, hormis la sensibilité et les graces du naturel. A l'égard de la sensibilité, nous avons déja vu quelle valeur on peut donner à ce reproche; et puisque la nature ne l'avait pas fait sensible, on ne peut que le louer d'avoir eu la sagesse de ne pas entreprendre des ouvrages qui auraient exigé une qualité qu'il n'avait pas. Quant au naturel, s'il ne va pas chez lui jusqu'à la grace, on ne peut pas dire assurément qu'il en manque : il a toujours celui qui tient au bon sens et au goût, et qui exclut toute affectation. Voltaire a dit que Boileau avait répandu dans ses écrits plus de sel que de graces: cette appréciation me paraît plus mesurée. Il faut en venir à ces jugements d'autant plus reprochés à Boileau, qu'on pardonne moins à celui qui a si souvent raison, d'avoir tort quelquefois. C'en est un réel de n'avoir pas su, comme le dit M. Marmontel, aimer Quinault ni admirer le Tasse. Mais n'oublions pas ce que j'ai rappelé ailleurs, que ses satires sont antérieures aux opéra de Quinault, qui ne fut connu d'abord que par de mauvaises tragédies. N'oublions pas que le satirique a déclaré que les opéra de Quinault lui avaient fait une juste réputation. Je ne prétends pas détruire le reproche, mais seulement le restreindre. Ce n'était pas un éloge suffisant d'avouer que l'auteur d'Atys et d'Armide excellait à faire des vers bons à étre mis en chant, puisque ces vers se sont trouvés bons à lire et à rețenir; mais si le critique a été trop sévère, il n'a pas été absolument injuste, et il y a bien |