Oldalképek
PDF
ePub

manifesta de toute part. Les principaux dirent aux sacerdotes et aux prophètes accusateurs: << Cet homme ne mérite pas d'être condamné il prêche au nom de Jéhovah, selon le droit. » En même temps quelques uns des anciens parlèrent à toute l'assemblée en faveur de Jérémie, et citèrent l'exemple de Michée, qui, ayant prophétisé que Sion serait labourée comme un champ, et Jérusalem détruite de fond en comble, ne fut point trouvé coupable. D'autres rappelèrent contre le prophète l'exemple d'Urie puni par un roi de Juda, dans une semblable circonstance : enfin Ahikam, le secrétaire, résuma les débats, montra que Jérémie n'avait point dépassé le droit, et le prophète fut renvoyé absous". Mais peu de temps après il fut arrêté de nouveau, pour un motif que je dois rapporter, afin de mieux faire connaître l'esprit et les mœurs de ce siècle.

Vers l'an 594 avant notre ère, durant les jours de Tarquin l'Ancien et de Solon, le roi de Babylone assiégeait Jérusalem qui résistait avec vigueur. Mais tandis que les chefs s'occupaient à soutenir le courage des Hébreux, Jérémie qui prévoyait tous les maux qu'entraîneraient des forces disproportionnées, et qui signalait comme cause de ces maux imminens les injustices dont sa patrie était depuis long-temps

affligée, annonça que tout effort serait inutile, et qu'il fallait demander la paix * : en vain le peuple et les chefs irrités voulurent lui imposer silence, il n'écouta rien; il usait de son droit. Cependant les Chaldéens lèvent le siége pour combattre l'armée du roi d'Égypte : Jérémie, que ses affaires domestiques appelaient hors des murs, profita de cet instant de calme, et allait sortir en secret, quand aux portes de Jérusalem le capitaine de la garde le saisit: << Tu vas te rendre aux Chaldéens. Cela n'est point» mais cet officier le conduisit vers les magistrats, qui le condamnèrent et le retinrent en prison. A peine rendu à la liberté, il s'éleva de nouveau contre le projet d'une résistance qu'il jugeait funeste. Ses discours intimidèrent la foule; mais les chefs, disposés à mourir plutôt qu'à se rendre, s'adressèrent au roi :

:

* Au premier abord on croirait que Jérémie fût un traître; mais les larmes qu'il versa sur sa patrie suffiraient pour le justifier, lors même qu'on ne lírait pas dans ses écrits toute sa pensée. « Maintenant vous espérez vous sauver par les armes, disait-il aux chefs des Juifs, mais il n'est plus temps; vous avez abusé de votre pouvoir, vous avez tenus esclaves ceux qui devaient être libres, vous avez multiplié les injustices: voilà pour vous des ennemis plus redoutables que les Chaldéens. Que faut-il faire? souffrir avec patience des maux inévitables, réparer les fautes commises, vous fortifier par la justice et par l'union de tous alors cette domination étrangère se brisera d'elle même. » Après la catastrophe, il ne cessa de prêcher pour que les Hébreux ne quittassent pas le pays et pour qu'ils attendissent des circonstances favorables.

:

[ocr errors]

Qu'on nous livre cet homme; il affaiblit le courage des gens de guerre et du peuple; il ne cherche pas notre prospérité, mais notre mal. >> Le roi céda à leurs vœux: alors le prophète fut jeté dans une fosse, ensuite transporté dans la prison, d'où il ne sortit que pour exprimer encore ses pensées, et pour chanter ses poétiques lamentations sur les malheurs de son pays 113.

Les lois précédentes ne déterminent que des cas dont l'appréciation est facile pour les juges et pour le peuple. Mais dans des siècles où les yeux étaient susceptibles de se fasciner au moindre événement, où le vulgaire idolâtre aimait à crier au prodige, il pouvait arriver qu'un homme doué d'une habileté assez grande pour produire des effets jusqu'alors inconnus, abusât de son influence sur les citoyens, et l'employât contre les principes et contre la loi nationale. Moïse le prévit : « S'il s'élève au milieu de vous, s'écrie-t-il avec éloquence, un prophète ou un songeur, qui vous annonce quelque signe ou miracle, et que le signe ou miracle dont il aura parlé arrive exactement; s'il vous dit en même temps: servez d'autres dieux, que vous ne connaissiez point, et que vos pères n'ont pas connus, vous n'écouterez point ses discours. Jéhovah vous éprouve pour voir si vous l'aimez

i

de toute votre âme : vous suivrez ce Dieu seul, vous garderez ses lois, vous vous attacherez à elles de plus en plus, et vous punirez le prophète ou songeur; car il a voulu vous révolter contre celui qui vous a retirés de la maison d'esclavage; car il a cherché à vous faire sortir de la voie qui vous a été prescrite, afin que vous y marchiez 4. »

Ces précautions si étendues nous montrent sous quel aspect il faut, d'après Moïse lui-même, considérer les signes et miracles. Celui qui prêche le mensonge peut, comme l'apôtre de la vérité, faire des choses surnaturelles aux yeux de ceux qui l'écoutent : les prêtres d'Egypte possédèrent au plus haut degré ce genre de talent. La grande âme du prophète et l'utilité de sa doctrine sont le vrai miracle qui prouve sa mission. Quand il se présenta devant les Hébreux, Moïse commença par leur dire : « Je viens vous rendre à la liberté, vous arracher de l'Égypte, vous donner des lois destinées à embellir et à prolonger votre existence »; les Hébreux lui ayant répondu : « Nous le voulons »>, son génie produisit, secondairement tous les prodiges qui lui furent nécessaires et possibles, pour détruire les obstacles, pour soutenir les esprits, exciter l'enthousiasme et conduire à sa fin une aussi grande entreprise.

115

[ocr errors]

« L'Israélite, dit Maimonide, ne croit pas à la sagesse des paroles du législateur, par la seule raison qu'il a fait des miracles; car ils lui furent commandés en général par la nécessité; car on doit soupçonner qu'il employa pour les accomplir des moyens à lui propres Son principe sur cette question considérée dans ses rapports avec les intérêts politiques, se réduit donc à ces mots : un homme frappe certains esprits par des choses extraordinaires ; mais qu'exige-t-il? qu'on obéisse en aveugle à des ordres despotiques; qu'on renonce au droit commun, à la loi du peuple : c'est un imposteur. Un autre produit des effets semblables, et conclut que, pour goûter le bonheur sur la terre, il faut chérir l'égalité, la liberté, la loi : celuici est un sage habile, écoutez sa parole et méditez-la.

On ne s'étonnera point, en conséquence, qu'il soit permis aux Hébreux de disserter sur la nature des miracles et d'adopter les interprétations qui leur paraissent les mieux fondées. Par exemple, Aben-Ezra * donne, d'après Josèphe,

* Aben-Ezra, né à Tolède vers l'an 1099, s'appliqua avec succès à la philosophie, la médecine, la poésie, l'astronomie, la critique grammaticale: il jouit d'une très-grande renommée parmi les Juifs. Maimonide recommandait à son fils la lecture de ses œuvres, comme étant aussi agréable qu'instructive. Il voyagea dans une

« ElőzőTovább »