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où la confusion est si grande, les contradictions si manifestes, qu'il faut bien renoncer à cette chimère du sentiment, et chercher une autre voie pour discerner la vraie religion. La raison se présente, on la prend pour guide; on s'imagine pouvoir, à son aide, s'assurer de la vérité, et cette dernière erreur est pire que la première car, impuissante à rien établir, la raison individuelle ébranle toutes les croyances, obscurcit toutes les notions, et toujours détruisant s'avance de ruine en ruine, jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse dans un doute universel.

C'est pourtant à ce système d'examen et de discussion que s'arrêtent nécessairement les déistes et les sectaires. Le sentiment exclus comme règle de foi, il ne leur reste que le raisonnement; triste ressource dont nous allons démontrer l'insuffisance, en prouvant que la voie de raisonnement ou de discussion n'est pas le moyen général offert aux hommes pour discerner la vraie religion. Recueillons toutes nos forces pour attaquer l'orgueil dans son dernier retranchement.

pèchent d'être attentif à la voix de Dieu, devoient renoncer à l'étude, et ne pas même connoître les premières lettres de l'alphabet (Vid. Osiander, cent. XVI, lib. 2, Stokman Lexic. voce abecedarii.)-Quelque absurde que paroisse une pareille doctrine, en admettant le principe de l'inspiration particulière Storck étoit conséquent : et Jean-Jacques aussi est conséquent, lorsqu'après avoir dit, c'est le sentiment intérieur qui doit me conduire, il ajoute : « Puis» que plus les hommes savent, plus ils se trompent, le seul moyen » d'éviter l'erreur est l'ignorance. Ne jugez point, vous ne vous ab» userez jamais. C'est la leçon de la nature aussi bien que de la rai» son » (Émile, tom. II, pag. 156. Édit. de La naye). C'est grand' pitié que de n'écouter que soi, car on finit par s'imposer silence à soi-même; et désespérant de la vérité et de la vie, on cherche le repos dans le néant.

CHAPITRE XIX.

Que la voie de raisonnement ou de discussion n'est pas le moyen général offert aux hommes pour discerner la vraie religion.

CE que nous avons de plus grand et tout ensemble de plus intime, c'est notre raison, notre entendement, cette sublime faculté de connoître qui nous rend semblables à Dieu, puisque par elle nous devenons participans de son être ou de sa vérité. Élevés ainsi audessus de la création matérielle, au-dessus des mondes qui roulent dans l'espace, au-dessus de tous les êtres qui ont reçu la vie et n'ont pas reçu l'intelligence, nous ne saurions concevoir une trop haute idée de nous-mêmes. Par notre pensée, nous touchons de toutes parts à l'infini. Nul temps ne peut la borner, nulle étendue la circonscrire, et Dieu seul est assez vaste pour la contenir dans son immensité.

Ce n'est donc point parce qu'il se glorifie de sa raison que l'homme s'égare, mais parce qu'il sè méprend sur sa nature, en s'attribuant ce qui n'est pas à lui. Dans son orgueil, il confond la capacité de connoître avec la puissance de produire; il oublie que nos intelligence, purement passive à l'origine, naît et se développe à l'aide des vérités qu'on lui donne, et qu'elle ne possède que ce qu'elle a reçu. Doué du

pouvoir de combiner ces vérités primitives et d'en tirer des conséquences, pouvoir borné comme toute action d'un être fini, il cherche en soi la certitude ou la dernière raison des choses; et ne l'y trouvant pas, il commence à douter. Les vérités se retirent, la nuit se fait; au milieu de cette nuit, il cesse de se reconnoître lui-même seul et fier de sa solitude, il essaie de créer; il remue d'obscurs souvenirs, et croit peupler d'êtres réels son entendement désert, parce qu'il évoque des fantômes : mais bientôt détrompé, las de ce vain labeur, il ferme les yeux et s'assoupit dans des ténèbres éternelles.

Hors de Dieu tout est contingent, hors de lui rien n'existe que par sa volonté; lui seul est nécessairement: lui seul donc possède en lui-même la certitude. Il est certain de son être, parce qu'il se connoît; il est certain de l'existence des autres êtres, parce qu'il connoît ses volontés, et toute la certitude que nous en pouvons avoir vient de lui, et repose sur son témoignage. C'est toujours là qu'il faut remonte, à un témoignage, à une autorité première, infaillible, sans quoi l'on ne peut pas même raisonner; car tout raisonnement présuppose quelque vérité antérieure, un principe d'où l'on part et qu'on ne prouve pas, et qui dès lors ne peut être certain qu'en supposant l'infaillibilité de la raison ou de l'autorité qui l'atteste. Il n'importe d'ailleurs que l'on comprenne clairement ce principe, cette vérité. Vouloir tout comprendre, c'est vouloir tout nier. Et, en effet, que comprenonsnous? Il n'y a pas une loi de la nature qui ne ren

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ferme l'infini, par conséquent pas un phénomène que l'homme puisse pleinement expliquer et pleinement comprendre.

Comment donc parviendroit-il à découvrir avec certitude la vraie religion par le raisonnement? Connoître la religion, c'est connoître Dieu, c'est connoître l'homme, leur nature et les rapports qui en dérivent, ou les lois de l'intelligence et l'on veut qu'il s'en aille à la recherche de ces lois dans les solitudes d'un esprit d'où l'on aura banni toute idée reçue de confiance sur le témoignage des autres hommes ou de la société. Est-ce ainsi que l'homme a vécu? Est-ce ainsi qu'il se conserve? A-t-il, avant de les admettre, discuté ses premières notions, qu'il ne pouvoit comparer à rien? Qu'on nous explique par quelle industrie il auroit suppléé à l'enseignement primitif, à la parole qui lui révéla sa propre existence, alors que sa pensée, sa volonté, tout dormoit en lui. Obligée d'agir avant d'être, ou de se créer elle-même, la raison, qui n'existe que par la vérité, puisqu'elle n'est que la vérité connue de nous, seroit demeurée éternellement inerte, éternellement ténébreuse; jamais la lumière ne se fût levée sur le monde intellectuel. Et quand les esprits, emportés par le désir de l'indépendance, veulent vivre dans cet état contre nature; quand ils refusent de croire et prétendent tout soumettre à l'examen particulier, cette brillante lumière peu à peu pâlit et s'éteint. Représentez-vous un homme à qui l'on vient dire « Oublie tout ce que » tu as appris de tes semblables, oublie tout ce que

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» tu sais. Rejette de ton esprit jusqu'à la dernière » idée, fais le vide, et puis cherche dans ce vide » la vérité. » N'est-ce pas comme si l'on disoit à l'âme : « Meurs, et puis cherche dans le néant une » vie qui n'appartienne qu'à toi?» Se peut-il imaginer de contradiction plus évidente? Car sans vérité point d'action, point de volonté, point de vie; et si la raison retient une vérité, une seule, ce sera nécessairement une vérité crue sans être démontrée, une vérité de foi, et dès lors celles qu'on en déduira n'auront d'autre fondement et d'autre certitude que cette foi elle-même.

Supportera-t-on que l'homme naît avec certaines vérités empreintes dans son entendement, lesquelles, fécondées ensuite par la raison, deviennent le principe de ses connoissances postérieures? Ce seroit reproduire, sous une autre forme, l'hypothèse des sentimens innés; hypothèse absurde et complètement réfutée par l'expérience. La modification qu'on y apporteroit, en réduisant le nombre des vérités de sentiment, et accordant à la raison le privilége d'en déduire les autres vérités nécessaires, ne feroit qu'y ajouter des embarras nouveaux et de nouvelles contradictions: car ce système mixte, sans lever aucune difficulté, seroit sujet à toutes celles que présente chacun des deux autres. On demanderoit toujours au sentiment de se manifester d'une manière uniforme, générale, invincible, et à la raison de fournir la preuve de son infaillibilité.

Mais prenons l'homme tel qu'il est, formé par la

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