FABLE II. Les deux Pigeons. DEUX pigeons s'aimoient d'amour tendre: L'un d'eux, s'ennuyant au logis L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire? L'absence est le plus grand des maux : Non pas pour vous, cruel! Au moins, que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Changent un peu votre courage. Attendez les zéphyrs: qui vous presse? un corbeau Bon soupé, bon gîte, et le reste? De notre imprudent voyageur: Mais le desir de voir et l'humeur inquiète L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point; Mes aventures à mon frère; Je le désennuîrai. Quiconque ne voit guère Je dirai : J'étois là; telle chose m’avint : A ces mots, en pleurant, ils se dirent adieu. Le lacs étoit usé; si bien que, de son aile, Le vautour s'en alloit le lier, quand des nues Crut pour ce coup que ses malheurs Mais un fripon d'enfant (cet âge est sans pitié) Qui, maudissant sa curiosité, Voilà nos gens rejoints; et je laisse à juger Amants, heureux amants, voulez-vous voyager? Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Contre le firmament et sa voûte céleste, Changé les bois, changé les lieux |