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en tout point de la plus saine philosophie. On y remarqua surtout l'intervention constante du Ciel ou de la Raison suprême dans les relations des princes avec les populations, ou des gouvernants avec les gouvernés; et cette intervention est toujours en faveur de ces derniers, c'est-à-dire du peuple. L'exercice de la souveraineté, qui dans nos sociétés modernes n'est le plus souvent que l'exploitation du plus grand nombre au profit de quelques-uns, n'est, dans le Chou-king, que l'accomplissement religieux d'un mandat céleste au profit de tous, qu'une noble et grande mission. confiée au plus dévoué et au plus digne,et qui était retirée dès l'instant que le mandataire manquait à son mandat. Nulle part peut-être les droits et les devoirs respectifs des rois et des peuples, des gouvernants et des gouvernés, n'ont été enseignés d'une manière aussi élevée, aussi digne, aussi conforme à la raison. C'est bien là qu'est constamment mise en pratique cette grande maxime de la démocratie moderne vox populi, vox Dei, «la voix du peuple est la voix de Dieu. » Cette maxime se manifeste partout, mais on la trouve ainsi formulée à la fin du chapitre Kao-yaomo, § 7 (p. 56 des Livres sacrés de l'Orient ) :

« Ce que le Ciel voit et entend n'est que ce que le << peuple voit et entend. Ce que le peuple juge digne de « récompense et de punition est ce que le Ciel veut pu« nir et récompenser. Il y a une communication intime << entre le Ciel et le peuple. Que ceux qui gouvernent les << peuples soient donc attentifs et réservés. » On la trouve aussi formulée de cette manière dans le Ta-hio ou la Grande Étude, ch. x, § 5 (p. 58 du présent volume) :

« Obtiens l'affection du peuple, et tu obtiendras l'em« pire;

« Perds l'affection du peuple, et tu perdras l'empire. >> On ferait plusieurs volumes si l'on voulait recueillir tous les axiomes semblables qui sont exprimés dans les livres chinois, depuis les plus anciens jusqu'aux plus modernes; et, nous devons le dire, on ne trouverait pas dans tous les écrivains politiques et moraux de la Chine, bien plus nombreux que partout ailleurs, un seul apôtre de la tyrannie et de l'oppression, un seul écrivain qui ait eu l'audace, pour ne pas dire l'impiété, de nier les droits de tous aux dons de Dieu, c'est-à-dire aux avantages qui résultent de la réunion de l'homme en société, et de les revendiquer au profit d'un seul ou d'un petit nombre. Le pouvoir le plus absolu que les écrivains politiques et les moralistes chinois aient reconnu aux chefs du gouvernement n'a jamais été qu'un pouvoir délégué par le Ciel ou la Raison suprême absolue, ne pouvant s'exercer que dans l'intérêt de tous, pour le bien de tous, et jamais dans l'intérêt d'un seul et pour le bien d'un seul. Des limites morales infranchissables sont posées à ce pouvoir absolu; et s'il lui arrivait de les dépasser, d'enfreindre ces lois morales, d'abuser de son mandat, alors, comme l'a dit un célèbre philosophe chinois du douzième siècle de notre ère, TCHOU-HI, dans son Commentaire sur le premier des Quatre Livres classiques de la Chine (voyez p. 58), enseigné dans toutes les écoles et les colléges de l'empire, le peuple serait degagé de tout respect et de toute obéissance envers ce même pouvoir, qui serait détruit immé

diatement, pour faire place à un autre pouvoir légitime, c'est-à-dire s'exerçant uniquement dans les intérêts de tous.

Ces doctrines sont enseignées dans le Chou-king ou le Livre sacré par excellence des Chinois, ainsi que dans les Quatre Livres classiques du grand philosophe KHOUNGTSEU et de ses disciples, dont nous donnons dans ce volume une traduction complète et aussi littérale que possible. Ces livres, révérés à l'égal des livres les plus révérés dans d'autres parties du monde, et qui ont reçu la sanction de générations et de populations immenses, forment la base du droit public; ils ont été expliqués et commentés par les philosophes et les moralistes les plus célèbres, et ils sont continuellement dans les mains de tous ceux qui, tout en voulant orner leur intelligence, désirent encore posséder la connaissance de ces grandes vérités morales qui font seules la prospérité et la félicité des sociétés humaines.

KHOUNG-FOU-TSEU [que les missionnaires européens, en le faisant connaître et admirer à l'Europe, nommèrent Confucius, en latinisant son nom] fut, non pas le premier, mais le plus grand législateur de la Chine. C'est lui qu¡ recueillit et mit en ordre, dans la seconde moitié du sixième siècle avant notre ère, tous les documents religieux, philosophiques, politiques et moraux qui existaient de son temps, et en forma un corps de doctrines, sous le titre de Y-king, ou Livre sacré des permutations; Chou-king, ou Livre sacré par excellence; Chi-king, ou Livre des Vers; Li-ki, ou Livre des Rites. Les Sse-chou, ou Quatre Livres

classiques, sont ses dits et ses maximes recueillis par ses disciples. Si l'on peut juger de la valeur d'un homme et de la puissance de ses doctrines par l'influence qu'elles ont exercée sur les populations, on peut, avec les Chinois, appeler KHOUNG-TSEC le plus grand Instituteur du genre humain que les siècles aient jamais produit!

En effet, il suffit de lire les ouvrages de ce philosophe, composés par lui ou recueillis par ses disciples, pour être de l'avis des Chinois. Jamais la raison humaine n'a été plus dignement représentée. On est vraiment étonné de retrouver dans les écrits de KHOUNG-TSEU l'expression d'une si haute et si vertueuse intelligence, en même temps que celle d'une civilisation aussi avancée. C'est surtout dans le Lûn-yù ou les Entretiens philosophiques que se manifeste la belle âme de KHOUNG-TSEU. Où trouver, en effet, des maximes plus belles, des idées plus nobles et plus élevées que dans les livres dont nous publions la traduction? On ne doit pas être surpris si les missionnaires européens, qui les premiers firent connaître ces écrits à l'Europe, conçurent pour leur auteur un enthousiasme égal à celui des Chinois.

Ses doctrines étaient simples et fondées sur la nature de l'homme. Aussi disait-il à ses disciples: « Ma doctrine est simple et facile à pénétrer 1.» Sur quoi l'un d'eux ajoutait : «La doctrine de notre maître consiste uniquement « à posséder la droiture du cœur et à aimer son prochain « comme soi-même 2. »

1 Lûn-yù, chap. iv, § 15.

2 Id., § 16.

Cette doctrine, il ne la donnait pas comme nouvelle, mais comme un dépôt traditionnel des sages de l'antiquité, qu'il s'était imposé la mission de transmettre à la postérité 1. Cette mission, il l'accomplit avec courage, avec dignité, avec persévérance, mais non sans éprouver de profonds découragements et de mortelles tristesses. Il faut donc que partout ceux qui se dévouent au bonheur de l'humanité s'attendent à boire le calice d'amertume, le plus souvent jusqu'à la lie, comme s'ils devaient expier par toutes les souffrances humaines les dons supérieurs dont leur âme avait été douée pour accomplir leur mission divine!

Cette mission d'Instituteur du genre humain, le philosophe chinois l'accomplit, disons-nous, dans toute son étendue, et bien autrement qu'aucun philosophe de l'antiquité classique. Sa philosophie ne consistait pas en spéculations plus ou moins vaines, mais c'était une philosophie surtout pratique, qui s'étendait à toutes les conditions de la vie, à tous les rapports de l'existence sociale. Le grand but de cette philosophie, le but pour ainsi dire unique, était l'amélioration constante de soi-même et des autres hommes; de soi-même d'abord, ensuite des autres. L'amélioration ou le perfectionnement de soi-même est d'une nécessité absolue pour arriver à l'amélioration et au perfectionnement des autres. Plus la personne est en évidence, plus elle occupe un rang élevé, plus ses devoirs d'amélioration de soi-même sont grands; aussi Khoung

1 Lûn-yù, chap. VII, § 1, 19.

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