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<< mes. » Ici le philosophe chinois exalte tellement la puissance de l'homme parvenu à la perfection, qu'il l'assimile à celle du ciel et de la terre (chap. XXVI et XXVII). C'est un caractère propre à la philosophie de l'Orient 1, et que l'on ne retrouve point dans la philosophie de l'antiquité classique, d'attribuer à l'homme parvenu à la perfection philosophique des pouvoirs surnaturels qui le placent au rang des puissances surhumaines.

Tseu-sse, dans le vingt-neuvième chapitre de son livre, est amené, par la méthode de déduction, à établir que les lois qui doivent régir un empire ne peuvent pas être proposées par des sages qui ne seraient pas revêtus de la dignité souveraine, parce qu'autrement, quoique excellentes, elles n'obtiendraient pas du peuple le respect nécessaire à leur sanction, et ne seraient point observées. Il en conclut que cette haute mission est réservée au souverain, qui doit établir ses lois selon les lois du ciel et de la terre, et d'après les inspirations des intelligences supérieures. Mais voyez à quel rare et sublime condition il accorde le droit de donner des institutions aux hommes et de leur commander! « Il n'y a dans l'univers (chap. XXXI) que « l'homme souverainement saint qui, par la faculté de «< connaître à fond et de comprendre parfaitement les lois « primitives des êtres vivants, soit digne de posséder l'au<«<torité souveraine et de commander aux hommes; qui, « par sa faculté d'avoir une âme grande, magnanime, affa

1 Voyez aussi notre traduction des Essais de Colebrooke sur la Philosophie des Hindous. 1 vol. in-8o.

<< ble et douce, soit capable de posséder le pouvoir de ré<< pandre des bienfaits avec protusion; qui, par sa faculté << d'avoir une âme élevée, ferme, imperturbable et con<< stante, soit capable de faire régner la justice et l'équité; «< qui, par sa faculté d'être toujours honnête, simple, « grave, droit et juste, soit capable de s'attirer le respect «< et la vénération; qui, par sa faculté d'être revêtu des << ornements de l'esprit et des talents que donne une étude << assidue, et de ces lumières que procure une exacte in«vestigation des choses les plus cachées, des principes << les plus subtils, soit capable de discerner avec exactitude << le vrai du faux, le bien du mal. >>>

Il ajoute : « Que cet homme souverainement saint ap« paraisse avec ses vertus, ses facultés puissantes, et les << peuples ne manqueront pas de lui témoigner leur véné<«<ration; qu'il parle, et les peuples ne manqueront pas « d'avoir foi en ses paroles; qu'il agisse, et les peuples ne « manqueront pas d'être dans la joie... Partout où les <«< vaisseaux et les chars peuvent parvenir, où les forces de « l'industrie humaine peuvent faire pénétrer, dans tous <<< les lieux que le ciel couvre de son dais immense, sur << tous les points que la terre enserre, que le soleil et la « lune éclairent de leurs rayons, que la rosée et les nua«ges du matin fertilisent, tous les êtres humains qui vi<< vent et qui respirent ne peuvent manquer de l'aimer et « de le révérer. »

Mais ce n'est pas tout d'être souverainement saint, pour donner des lois aux peuples et pour les gouverner: il faut encore être souverainement parfait (chap. XXXII), pour

pouvoir distinguer et fixer les devoirs des hommes entre eux. La loi de l'homme souverainement parfait ne peut être connue que par l'homme souverainement saint; la vertu de l'homme souverainement saint ne peut être pratiquée que par l'homme souverainement parfait : il faut donc être l'un et l'autre pour être digne de posséder l'autorité souveraine.

3o Le LUN-YU, ou les ENTRETIENS PHILOSOPHIQUES. La lecture de ces Entretiens philosophiques de KHOUNG-TSEU et de ses disciples rappelle, sous quelques rapports, les dialogues de Platon, dans lesquels Socrate, son maître, occupe le premier plan, mais avec toute la différence des lieux et des civilisations. Il y a assurément beaucoup moins d'art, si toutefois il y a de l'art, dans les entretiens du philosophe chinois, recueillis par quelques-uns de ses disciples, que dans les dialogues poétiques du philosophe grec. On pourrait plutôt comparer les dits de KнOUNGTSEU à ceux de Socrate, recueillis par son autre disciple Xénophon. Quoi qu'il en soit, l'impression que l'on éprouve à la lecture des Entretiens du philosophe chinois avec ses disciples n'en est pas moins grande et moins profonde, quoiqu'un peu monotone peut-être. Mais cette monotonie même a quelque chose de la sérénité et de la majesté d'un enseignement moral qui fait passer successivement sous les yeux les divers côtés de la nature humaine en la contemplant d'une région supérieure. Et après cette lecture on peut se dire comme le philosophe chinois: « Celui qui se livre à l'étude du vrai et « du bien, qui s'y applique avec persévérance et sans re

« lâche, n'en éprouve-t-il pas une grande satisfaction1? » On peut dire que c'est dans ces Entretiens philosophiques que se révèle à nous toute la belle âme de KHOUNG-TSEU, sa passion pour la vertu, son ardent amour de l'humanité et du bonheur des hommes. Aucun sentiment de vanité ou d'orgueil, de menace ou de crainte, ne ternit la pureté et l'autorité de ses paroles : « Je ne naquis point doué de « la science, dit-il; je suis un homme qui a aimé les «< anciens et qui a fait tous ses efforts pour acquérir leurs «< connaissances 2. >>

« Il était complétement exempt de quatre choses, << disent ses disciples: il était sans amour-propre, sans «< préjugés, sans égoïsme et sans obstination 3. » L'étude, c'est-à-dire la recherche du bien, du vrai, de la vertu, était pour lui le plus grand moyen de perfectionnement. « J'ai passé, disait-il, des journées entières sans nourri« ture, et des nuits entières sans sommeil, pour me « livrer à la méditation, et cela sans utilité réelle : l'étude « est bien préférable. »

Il ajoutait : « L'homme supérieur ne s'occupe que de « la droite voie, et non du boire et du manger. Si vous «< cultivez la terre, la faim se trouve souvent au milieu << de vous; si vous étudiez, la félicité se trouve dans le « sein même de l'étude. L'homme supérieur ne s'in« quiète que de ne pas atteindre la droite voie; il ne « s'inquiète pas de la pauvreté 4. »

* Lân-gù, chap. I, § 1.

2 Id., chap. v, § 19.

3 Id., chap. 1x, § 4.

Id., chap. xv, § 30 et 31.

Avec quelle admiration il parle de l'un de ses disciples, qui, au sein de toutes les privations, ne s'en livrait pas moins avec persévérance à l'étude de la sagesse !

<< Oh ! qu'il était sage Hoeï ! Il avait un vase de bambou « pour prendre sa nourriture, une simple coupe pour « boire, et il demeurait dans l'humble réduit d'une rue « étroite et abandonnée; un autre homme que lui n'au«rait pu supporter ses privations et ses souffrances. Cela «ne changeait pas cependant la sérénité de Hoeï ! Oh ! << qu'il était sage Hoeï ! »

S'il savait honorer la pauvreté, il savait aussi flétrir énergiquement la vie matérielle, oisive et inutile. « Ceux <«< qui ne font que boire et que manger, disait-il, pendant << toute la journée, sans employer leur intelligence à « quelque objet digne d'elle, font pitié. N'y a-t-il pas le « métier de bateleur? Qu'ils le pratiquent; ils seront des «sages en comparaison 2! >>

C'est une question résolue souvent par l'affirmative, que les anciens philosophes grecs avaient eu deux doctrines, l'une publique et l'autre secrète; l'une pour le vulgaire (profanum vulgus), et l'autre pour les initiés. La même question ne peut s'élever à l'égard de KHOUNG-TSEU; car il déclare positivement qu'il n'a point de doctrine secrète. « Vous, mes disciples, tous tant que vous êtes, <«< croyez-vous que j'aie pour vous des doctrines cachées ? « Je n'ai point de doctrines cachées pour vous. Je n'ai « rien fait que je ne vous l'aie communiqué, ô mes dis

* Lùn-gô, chap. vi, § 9. 2 Id., chap. xvii, § 22.

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