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phémie pour Gaston ne l'a pas empêchée de se promettre à Bayard, qu'il doit être fort peu intéressant dans la pièce.

L'auteur a cherché ses effets ailleurs, dans le pardon que demande Bayard à son général, et dans le péril où les met tous deux la conspiration des deux Italiens. D'abord, pour ce qui est de la démarche de Bayard, on le voit avec plaisir, il est vrai, reconnaitre son tort et jeter son épée aux pieds de Gaston; mais quand il s'écrie avec faste en s'adressant aux che valiers français :

Contemplez de Bayard l'abaissement auguste,

on ne voit plus un guerrier vertueux, un brave homme sentant qu'il a fait une véritable faute, et mettant dans la réparation la candeur et lasimplicité de sa belle âme : on ne voit qu'un déclamateur qui oublie que la vertu ne dit jamais contemplez-moi, qu'elle ne dit point d'elle-même qu'elle est auguste, parce qu'il est de son caractère de croire qu'il n'y a rien de plus simple que de faire son devoir. De plus, il n'est pas très-extraordinaire que Bayard, qui a eu tort, fasse des excuses à son général, à un prince qu'il a très-gratuitement offensé. Si le général, si le prince avait eu tort envers Bayard, et lui eût ainsi demandé pardon, c'est alors que la scène eût été vraiment théâtrale, que le prince eût été auguste et ne l'aurait pas dit; mais tout le monde l'aurait dit pour lui.

Quant à la conspiration, elle peut donner lieu à des reproches non moins fondés Il est question de faire jouer une mine sous les murs de Bresse, lorsque l'armée française y sera, de faire sauter le palais d'Avogare lorsque Gaston et ses principaux chefs sont prêts à s'y retirer, de tuer Gaston et Bayard en trahison dans le désordre de la mêlée. Tous ces différens projets se croisent et se confondent, selon les différens incidens qui surviennent dans la pièce ; en sorte que tout est livré au hasard, au lieu d'être le résultat d'un plan dont le spectateur puisse suivre le développement. Il est tout aussi difficile de se prêter à la situation d'Euphémie placée au quatrième acte, entre le poignard de son père et l'épée de son amant, et qui les défend tour à tour l'un contre l'autre. Il est trop évident que, si Avogare, qui va être découvert, a pris son parti, comme il doit le prendre, de poignarder Gaston qui ne se défie de rien, il peut porter le coup en présence de sa fille, qui ne doit pas avoir assez de force pour empêcher ce coup de désespoir. Et puis, lorsque Avogare est découvert, comment son ami Altémore ne devient-il pas suspect? Comment ce chef italien n'est-il pas du moins observé après tous les avis donnés aux Français ? Comment laisset-on à sa merci Bayard blessé ? Comment le vertueux Urbin, qui dès le premier acte regarde Avogare et Altémore comme deux traitres, et le leur dit en face, ne se croit-il pas obligé d'en avertir Gaston? Comment enfin, à l'instant de l'explosion, qui doit être le signal de la mort de Bayard, Altémore, accompagné d'une troupe de soldats, maître de la vie de Bayard étendu sur un lit, ne porte-t-il pas un coup qu'il semblait si impatient de porter, et s'amuse-t-il à le braver et à l'insulter pour donner à Gaston le temps de venir à son secours? Comme tous ces ressorts sont forcés, tous ces moyens improbables! Je ne parle pas de la députation de cet Urbin qu'on nous donne pour un homme d'honneur, pour la gloire de 'Italie, et qui vient proposer à Bayard de trahir la France et de se donner à ses ennemis. Une pareille proposition à Bayard! Il y a des hommes d'un caractère trop connu pour que l'on ose leur proposer un crime infame, et certainement Bayard est de ce nombre. Ce n'était pas auprès de lui qu'on devait hasarder cette démarche, et ce n'était pas Urbin qui devait s'en charger.

et

Quoique les fautes soient nombreuses et graves, l'intérêt de curiosité qui naît de la foule des incidens, l'esprit guerrier qui règne dans la pièce, la pompe militaire qu'on y déploie, les noms chers et fameux de Nemours

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He Bayard, quelques traits d'élévation et de, force dignes de ces grands ms, et cet art même, qui est quelque chose, d'attacher sur le théâtre - des situations que la réflexion, condamne, ont fait réussir la pièce, mme bien d'autres qui ne soutiennent ni l'examen ni la lecture, mais Con ne voit pas sans quelque plaisir.

Gabrielle de Vergy est la seule pièce où Debelloy ait essayé de traiter les ssions: la nature ne le portait pas à ce genre. Il entend assez bien l'art es-secondaire d'obtenir des effets aux dépens de la justesse des moyens, ais il connaît fort peu les mouvemens du cœur. Le sujet de Gabrielle ne e paraît pas heureux en lui-même : la situation de cette femme est néessairement monotone, parce que son malheur est irrémédiable, et qu'il y a rien à espérer ni pour elle ni pour Coucy, et la pièce est du genre e celles qui attristent beaucoup plus qu'elles n'intéressent; ce qui n'est as la même chose, il s'en faut de beaucoup. Quant aux vraisemblances ue l'auteur est accoutumé à sacrifier, je ne lui reprocherai point la démarche de Coucy, quoique très-contraire au caractère qu'il lui donne, ui est celui d'une vertu héroïque, capable de sacrifier l'amour au devoir : il pense ainsi, pourquoi, déguisé sous l'habit d'un écuyer, et prenant e moment de l'absence de Fayel, vient-il chez une femme dont il cause es malheurs, et qu'il expose aux plus affreux dangers de la part d'un mari aloux dont il connait la violence? Quels sont les motifs d'une imprudence i blâmable sous tous les rapports? Lui-même n'en saurait alléguer. Il dit Monlac qu'il est envoyé par Rhétel, le père de Gabrielle; qu'il est chargé de soins importans; mais on n'en apprend pas davantage, et ce silence prouve l'embarras de l'auteur. Cependant on peut excuser cette Caute, il fallait que Coucy arrivât: on est bien aise de le voir, et l'on pardonne au poëte de ne pas motiver sa venue. Mais ce qui ne peut avoir d'excuse, c'est de supposer que Coucy puisse rester pendant deux actes dans le château de Fayel, et même entretenir long-temps Gabrielle dans son appartement, sans que les gardes, qui par ordre du maître le cherchent partout, puissent le découvrir, et sans qu'on nous dise où il a pu se cacher, et comment il a échappé aux recherches si actives et si vigilantes de la jalousie. Ce qui peut déplaire encore davantage, c'est d'établir entre les deux amans, lorsqu'ils doivent tout craindre de Fayel, une conversation longue et tranquille, pleine de sentimens exaltés qui refroidissent le spectateur en lui faisant oublier le péril, comme ils l'oublient eux-mêmes. A l'égard du cinquième acte, qui révolta la première fois que la pièce fut jouée, et auquel on s'est accoutumé depuis, ce ne sera jamais à mes yeux qu'une atrocité gratuite et dégoûtante. La tragédie peut aller jusqu'à l'horreur, je le sais ; mais il faut alors que les forfaits horribles tiennent à un grand objet, à un grand caractère. Je consens que, pour régner, Cléopâtre égorge un de ses fils et veuille empoisonner l'autre ; que Ma homet, avec des desseins encore plus grands, immole le père par la main du fils. Mais, quand un mari jaloux a tué son rival, il a fait tout ce qu'il pouvait faire : si ce n'est assez, qu'il tue encore sa femme; mais s'il apporte à cette femme le cœur de son amant avec un mystérieux appareil, le mien se soulève de dégoût, et je ne vois là qu'une férocité brutale et basse, qu'il ne faut pas plus montrer aux hommes, qu'on ne leur montrerait un monstre qui aurait la fantaisie de boire du sang humain, comme on le racontait de quelques scélérats extraordinaires avant que cette monstruosité fût devenue de nos jours, comme tant d'autres, une habitude révolutionnaire. Ce n'est pas que je doute qu'un pareil spectacle, et celui d'un homme sur la roue, et celui de la question, et autres belles inventions du même genre, ne puissent être du goût de ceux qui vont chercher au théâtre des convulsions et des attaques de nerfs, au lieu des impressions supportables de Corneille, de Racine, de Voltaire, qui n'ont jamais fait

évanouir personne. Le peuple allait bien chercher ses plaisirs à la Grère et chacun a le droit de choisir les siens. Je ne crois pas que ce soit là k but de la tragédie; mais puisqu'il y a des gens que cela divertit, je ne m'y oppose pas, et ne veux pas troubler leurs jouissances.

Au reste, la conduite de cette pièce n'est pas sans art dans quelques parties, ni l'exécution sans beautés. Il y a de l'énergie et de la passion dan quelques endroits du rôle de Fayel, et quelques mouvemens de sensibilité dans Gabrielle; mais le plus souvent le dialogue etle style sont le contraire de la vérité, et l'esprit alambiqué que le poëte a coutume de donner à ses personnages, le langage pénible et recherché qu'il leur prête, est encore moins tolérable dans un sujet de passion que dans les autres qu'il a traités. Il faut bien dire un mot de Pierre-le-Cruel, puisque, remis au théâtre depuis la mort de l'auteur, il a été accueilli avec indulgence; mais il est impossible de ne pas avouer qu'il avait mérité le sort qu'il eut dans sa nouveauté. C'est, sans excepter Tilus, ce que l'auteur a fait de plus mauvais, et l'on n'y reconnait même pas les idées dramatiques qu'il parait avoir suivies dans les pièces dont je viens de parler. C'est le comble de la déraison de scène en scène, et souvent le comble du ridicule dans le style. C'est entre Du Guesclin, Edouard, Henri de Transtamare, et un chef maure nommé Altaire, une espèce de défi à qui montrera le plus de cette grandeur exagérée et romanesque que l'auteur prend pour de l'héroïsme, et qui n'est qu'une exaltation de tête absolument contraire au bon sens, aux convenances, aux mœurs, aux circonstances; c'est un étalage de morale et de philosophie qui ressemble plus à une école de rhétorique qu'à une action qui se passe entre des guerriers du quatorzième siècle. Pierre-le-Cruel est non-seulement une espèce de bète féroce, mais l'être le plus vil, le plus abject, le plus indigne de la scène qu'on ait jamais imaginé. On ne peut pardonner au prince Noir d'être le protecteur et l'ami ‹ d'un pareil monstre. Tout le monde le foule aux pieds, et il le mérite; mais l'auteur ne s'est pas aperçu que cette méchanceté impuissante qui veut toujours faire le mal, et qui est toujours repoussée avec dédain, avilit jusqu'au dégoût un personnage de tragédie; qu'il n'y en a point qui ne doive avoir une sorte de bienséance théâtrale, et qu'il faut de la mesure jusque dans le mépris que peut inspirer un de ces rôles méprisables que la tragédie permet quelquefois d'employer.

Ecartons son premier et son dernier ouvrage, également indignes des regards de la postérité, et ne cherchons les titres de Debelloy auprès d'elle que dans les quatre tragédies qui peuvent rester; et toutes défectueuses qu'elles sont, il en résultera que leur auteur était né avec du talent et de l'imagination, mais qu'il avait plus de ressources dans l'esprit que de feu poétique et de verve théâtrale; qu'il avait de l'élévation dans l'âme, ettrèspeu de sensibilité dans le cœur. Il écrivait ses pièces comme il les avait conçues, avec effort et recherche; et comme ses combinaisons sont ingénieusement pénibles, le langage de ses personnages est bizarement contourné. La facilité, l'harmonie, la grâce, l'élégance, lui sont presque partout étrangères. Il s'exprime le plus souvent en rhéteur, rarement en poëte, en homme éloquent, C'est, après Lamotte, l'écrivain qui a le mieux fait voir tout ce qu'on peut faire avec de l'esprit, et tout ce que l'esprit ne peut pas remplacer.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU TOME TROISIÈME.

DU TOME TROISIÈME

DIX-HUITIEME SIECLE.

AVERTISSEMENT.

DISCOURS prononcé à l'ouverture du Lycée, le 31 dé

cembre 1794

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CHAP. I.er De l'Épopée et de la Henriade. .

SECT. I.ere Commencement de Voltaire.

générale de la Henriade.

pages 1:

Ibid.

1.

Ibid.

Idee

Ibid.

SECT. II. Des beautés poétiques de la Hen-
riade, prouvées contre ses détrac-

teurs

SECT. III. Des critiques relatives à l'ordon

nance, aux caractères, aux épi-
sodes, et à la morale de la Henriade.

CHAP. II. Des poëmes héroïques et héroï-comi-
ques, didactiques, philosophiques,
descriptifs, érotiques, mytholo-
giques, etc..

SECT. I.ere Le poëme de Fontenoy. Le poëme
de la Loi naturelle. La Pucelle. La

guerre

de Genève.

SECT. II. Des poëmes de la Religion et de la
Grâce. D'un autre poëme de la Reli-
gion, et de quelques autres poésies du
Cardinal de Bernis

SECT. III. L'Art d'aimer. Narcisse dans l'ile de

Vénus. Le jugement de Paris. Vert-
Vert, et autres poésies de Gresset.

SECT. IV. La Peinture, les Fastes, la Décla-
mation théâtrale.

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SECT. V. Les Saisons, l'Agriculture.

SECT. VI. Les Mois..

CHAP. III. De la Tragédie.

8.

46.

61.

Ibid.

70.

78.

go.

ΙΟΣ

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113

165 Ibid.

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THÉÂTRE DE VOLTAIRE.

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Observations sur le style de Rome sau-
vée.

428.

431.

449.

SECT. XIII. L'Orphelin de la Chine. Observations sur le style de l'Orphelin de la Chine.

451.

468.

SECT. XIV. Tancrède..

472.

Observations sur le style de Tancrède.

SECT. XV. Olympie et autres pièces de la vieil

lesse de l'auteur.

489.

491.

CHAP. IV. Des tragiques d'un ordre inférieur

50g.

SECT. I.ere Théâtre de Crébillon.

Ibid.

SECT. II. Lagrange-Chancel, Lamotte, Piron,
Lefranc de Pompignan.

565.

SECT. III. Lanoue, Guymond de Latouche,

Châteaubrun, Lemière.

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SECT. IV. Saurin et Debelloy

FIN DE LA TABLE.

58g. 601.

..

3

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