On a dit de même avant et après Corneille : Il faut desormais s'asseurer d'une prompte et entiere guarison du mal qui a tant affligé nostre pauvre royaume, puisqu'il a pleu à Dieu, par sa bonté infinye, apres en avoir manifesté la cause, de faire embrasser aux principales et plus languides parties d'iceluy le vray et unique remede, provenant de l'establissement de nostre auctorité. (Leu. miss. de Henri IV, 7 avr. 1594, t. iv, p. 136.) D'une voix et languide et mourante. (T. CORN., Les Illust. ennem., iv, 1.) Ce mot est indiqué, sans exemples, dans le Glossaire manuscrit de Sainte-Palaye. Il est omis ou imparfaitement présenté par les dictionnaires modernes. LAS. LA FORTUNE LASSE, pour désigner la fortune qui était comme fatiguée de favoriser Pompée : Ce déplorable chef du parti le meilleur, LATIN. RÉDUIRE QUELQU'UN AU BOUT DE SON LATIN, bout d'expédients : Leur mécompte pourtant, quel qu'il soit, me console, LATINISME. (Pomp., 1, 1.) le mettre à (La Suiv., iv, 4.) Aucun de nos grands auteurs, peut-être, n'offre en aussi grand nombre que Corneille des phrases purement latines. La liste de ses latinités entraînerait un grand article. Il suffira, pour en donner une idée, de présenter quelques-unes des principales, sans commentaires superflus. Corneille imite très-souvent l'ablatif absolu, comme dans ces vers: Voilà son écuyer dont la pâleur exprime Moins de traits de la mort que d'horreurs de son crime, De celui que la fuite a sauvé de ma main. (Clit., 1, 9.) Tout beau, j'aurois regret, ta santé hasardée, Si tu m'allois quitter sitôt que possédée. (Ibid., v, 3, 1res éd. jusq. 1644 incl.) Et Philiste demain, cette nouvelle sue, La moitié d'une nuit passée en ma puissance (La Veuve, in, 10.) (Ibid., iv, 1.) Cela su, présumez comme on pourra causer. (La Pl. Roy., v, 1, éd. 1654.) Ainsi tous les acteurs d'une troupe comique, (L'Illus. com., v, 4.) (Méd., 111, 3.) (Ibid.) (Le Cid., IV, 5.) (Pol., 1, 9.) (Suite du Ment., 11, 3.) Je ne sais si sa flamme est pour moi foible ou forte, (Pomp., Iv, 1.) (Agés., 1, 1.) Il fait souvent aussi du participe présent un participe absolu : De quoi se mêle Rome, et d'où prend le sénat, (Nicom., 11, 3.) Ce n'est pas ici seulement un latinisme, c'est encore un reste de la syntaxe de notre vieille langue, comme dans ces deux phrases prises au hasard entre mille: Voiant toz, fit .1. sairemant. (HERBERS, Dolopathos, v. 9052.) Voiant toz, videntibus omnibus. Là l'esposa li quens lor euz veeni De son cors e d'anel de blanc argent. Lor euz veent, eorum oculis videntibus. (Gér. de Rossill., p. 390.) Le grand tragique affectionne davantage encore l'emploi du participe passif remplaçant un substantif avec de, Crassus mort, pour dire la mort de Crassus, les Romains défaits, pour dire la défaite des Romains, etc.: Après la mort du comte, et les Maures défaits, (Cid, v, 1.) (Cin., v, 2.) (Nicom., 1, 5.) Pour gagner mon amour il faut servir ma haine. A ce prix est le sceptre, à ce prix une reine, Quiconque ose m'aimer, ou se veut faire roi. (Perth., 11, 1.) Moi-même au fond du cœur, de même horreur frappé, Je veux fuir le remords de son trône occupé. (OEd., v, 1.) Que j'appris Crassus mort, et les Romains défaits. (Sur., m, 1.) A peine d'Artabase eus-je signé la paix, Il est bon de se reposer après la bataille gagnée. (Lett. au P. Boulard, 10 juin 1656.) Il emploie encore le participe passif de plusieurs autres manières également imitées du latin : Que vous m'étourdissez ! N'est-ce point assez dit que votre âme est éprise? C'est-à-dire jusqu'à souffrir que ta lâcheté cachée. Après votre beauté sans raison négligée, Il me punit bien moins qu'il ne vous a vengée. Mais, quand j'aurai vengé Rome des maux soufferts, A propos de ces derniers vers, Voltaire fait une remarque trèsjuste: ‹ L'esprit de notre langue, dit-il, ne permet guère ces participes; nous ne poù vons dire des maux soufferts, comme on dit des maux passés. Soufferts suppose par quelqu'un; les maux qu'elle a soufferts: il serait à souhaiter que cet exemple de Corneille eût fait une régle; la langue y gagnerait une marche plus rapide. » Quelquefois l'on rencontre aussi chez Corneille la proposition. infinitive purement latine, comme dans ce vers où Voltaire a vu à tort un solécisme : Je ne me croyais pas être ici pour l'entendre. On dirait très-bien mot à mot en latin: Non me credebam hic adesse ut hoc audirem. Le grand poëte dit encore de même : Dorise se feint être un jeune gentilhomme. (Préf. de Clit.) Inutile d'observer que l'emploi de la proposition infinitive était des plus fréquents dans l'ancienne syntaxe : Qui persuade aux peuples la religieuse créance suffire seule et sans les mœurs à contenter la divine justice. (MONTAIGNE, Ess., 111, 12.) Corneille affectionne aussi la forme optative, comme dans ce vers: En fussions-nous tous trois à jamais ignorants. (OEd., v, 5.) Il se sert du pronom relatif d'une manière toute latine : Comte, c'est un effort à dissiper la gloire Des noms les plus fameux dont se pare l'histoire, Et que le grand Auguste ayant osé tenter N'osa prendre du cœur jusqu'à l'exécuter. (Perth., 11, 5.) Il emploie plus que comme le magis quam ut des Latins, dans le sens de trop pour : Vois-tu, par tous moyens je te veux soulager; (La Pl. Roy., 1, 2.) Que d'y tarder ainsi sans que rien vous y plaise. (La Gal. du Pal., 11, 1.) L'exacte correction demanderait: Je vous juge trop sage, et je crois que vous aimez trop votre aise pour... Du reste, c'est encore un latinisme comme dans la phrase précédente: Te sapientiorem puto quam ut. Plus aimer, après plus sage, qui paraît un peu singulier et moins heureux, est également imité du latin. On le voit assez par les exemples que nous avons réunis, les latinismes de Corneille ne sont pas les latinismes lourds et gênés du seizième siècle. Ils sont toujours clairs, vifs, ils facilitent et varient la versification en enrichissant la langue. LE, pronom relatif, accordé, bien qu'il ne se rapporte pas à un substantif, mais à un adjectif ou à un verbe. Voltaire a signalé cet emploi comme une faute chez Corneille : Vous êtes satisfaite, et je ne la suis pas. (Pomp., v, 2.) << On sait aujourd'hui, dit-il, qu'il faut je ne le suis pas; ce le est neutre. Êtes vous satisfaites? nous le sommes, et non pas nous les sommes. >> Et encore: Vous en êtes instruits, et je ne la suis pas. (D. Sanc., 1, 3.) « Observez qu'il faut, « et je ne le suis pas. » S'il y avait là plusieurs reines, elle dirait, « nous ne le sommes pas, » et non, << nous ne les sommes pas. » Ce le est neutre. » C'est seulement dans la seconde partie du dix-huitième siècle qu'on a établi invariablement la règle que toutes les fois que le remplace un adjectif, masculin ou féminin, singulier ou pluriel, ou bien une proposition résumée par ellipse, il est neutre et invariable. Tout le dix-septième siècle a parlé comme Corneille : Les chaloupes mettoient nos soldats à terre auprès du marabou, où la descente avoit paru la plus aisée, et l'étoit en effet. (PELLISS., Hist. de Louis XIV, 1. 11, 1664.) -Je ne veux point qu'elle soit malade, encore moins qu'elle se la fasse. (Boss., Leul., à Me du Mans, 17 janv. 1692.)— J'ai parlé ce matin à madame de Maintenon, et lui ai même donné une lettre que je lui avois écrite sur ce sujet, la mieux tournée que j'ai pu. (RACINE, à Boil., 30 mai 1693.) — La lettre que vous m'avez écrite est parfaite, soit pour le caractère, soit pour l'orthographe; le style est simple et net; il n'y a rien d'inutile, et on ne peut en être plus contente que je la suis. (Mme DE MAINTEN., Lett. sur l'éduc., Aux dem. de la classe bleue, 1700.)— Il n'est pas même question de parler beaucoup en ces sortes d'occasions, où il ne s'agit que d'être repentante de ses péchés, comme je ne doute point que vous ne la soyez. (M DU NOYER, Euv. mêl., p. 117.)- La pauvre idiote se crut condamnée, quoi qu'elle ne la fût pas. (Id., ibid.) Je ne puis vous l'avoir dépeinte aussi prudente, aussi juste, et aussi capable de porter la couronne, qu'elle la parut à ce commencement de sa nouvelle dignité. (Me DE VILLED., Alcid., 1, 1.)— Je vois bien que j'ai encore quelque temps à souffrir de votre éloignement. Au moins, croyez bien que c'est celui de tous mes maux auquel je suis la plus sensible. (M DE COURC., Lett., XIX.) Je n'ai jamais été affligée au point où je la suis. (Id., ibid., XIV.) me VALMIRE. Mais vous seriez toujours demeurée insensible. S'il n'avoit rien aimé, je la serois pour lui. (T. CORN., Théod., 11, 1.) Contentez-vous d'aimer les personnes qui en sont aussi reconnaissantes que je la suis. (MADAME, DUCH. D'ORL., dans les Mém. de D. de Cosnac.) Me de Sévigné, on le sait, aurait trouvé ridicule d'employer le dans des cas pareils : elle se serait crue transformée en homme. |