- Avec un sens analogue, employé dans le style noble: Elle aime don Rodrigue, et le tient de ma main, "Et par moi don Rodrigue a vaincu son dédain. (Le Cid, 1, 2.) UN ÉPOUX DE LEUR MAIN, un époux qui est leur créature : Choisissez de vous-même, et je ferme les yeux. Je me donne en aveugle à qui qu'elles me donnent. (Oth., m, 3.) A LA MAIN. Corneille dit, d'une manière très-particulière, MON TRÉPAS A LA MAIN, pour signifier, tenant ma mort dans ses mains : M'enlever mes enfants, c'est m'arracher le cœur; Et Jupiter tout prêt à m'écraser du foudre, Mon trépas à la main, ne pourroit m'y résoudre. (Médée, m, 3.) Il dit encore, SA VENGEANCE A LA MAIN, pour signifier tenant sa vengeance dans ses mains : Sa vengeance à la main, elle n'a qu'à résoudre, Un mot du haut des cieux fait descendre le foudre. (Ibid., II, 1.) MAISON. ÊTRE DANS LA MAISON DU ROI, être en prison: A la fin du siècle, l'abus de cette locution la fit ranger parmi les manières de parler affectées : Connoissez-vous leurs biens, leurs emplois, leurs familles? Mme JOSSE. Leurs familles? Eh fi! Perdez-vous la raison? Les voudrois-je souffrir s'ils n'étoient de maison? (BOURSAULT, Les Mots à la mode, m.) MAITRE A, suivi d'un infinitif, qui excelle à : (Le Ment., 1, 5.) Vous seriez un grand maître à faire des romans. Le P. Petau est un homme docte et en réputation de grand antiquaire, et qui donne son témoignage après avoir examiné les raisons et connu l'auteur du Gersénisme, l'abbé Caietan, pour un fourbe et maître à faire des suppositions en faveur de son ordre. (Leul. au P. Boulard, 23 avr. 1652.) LE GRAND MAITRE, pour désigner Dieu : Qu'il falloit porter ma reconnoissance plus loin et appliquer toute l'ardeur du génie à quelque nouvel essai de ses forces qui n'eût point d'autre but que le service de ce grand maître et l'utilité du prochain. (Imit., Ep. au pape Alexand. VII.) LE GRAND MAITRE, en parlant du souverain : Madame, en quelque rang que vous ayez pu naître, C'est beaucoup que d'avoir l'oreille du grand maître. Le grand maître a parlé; voudrez-vous l'en dédire, Vous qu'on voit après lui le premier de l'empire? MAITRESSE, employé dans le style noble : (Oth., 11, 2.) (Ibid., 11, 3.) (Sert., 11, 2) Si vos Romains ainsi choisissent des maîtresses, A vos derniers tribuns il faudra des princesses. Voltaire trouve que ces vers, qui font partie de la déclaration d'amour la plus fière et la plus héroïque peut-être qu'une princesse ait jamais faite au théâtre, « sentent un peu trop le dialogue de la comédie; » et il avance que « le mot de maîtresse n'a jamais été employé par Racine dans ses bonnes pièces. » Cependant dans la première scène de Mithridate, on lit: Tu sais combien de fois ses jalouses tendresses Dans cette même tragédie, à la cinquième scène du quatrième acte, Mithridate dit aussi : J'ai besoin d'un vengeur et non d'une maîtresse. Dans Bajazet (a. 1, s. 3), on trouve: Parmi tant de beautés qui briguent leur tendresse, Et dans Britannicus (a. III, sc. 4) : Elle aura le pouvoir d'épouse et de maîtresse. Vingt autres exemples pourraient être rapportés pour prouver que ce mot n'a pas été proscrit par Racine. Corneille n'a pas fait scrupule d'employer plusieurs fois de cette sorte le mot maîtresse; ainsi dans Polyeucte: M'en croirez-vous, seigneur? ne la revoyez point; (a. II, sc. 1.) Dans la première moitié du dix-huitième siècle, le mot mai tresse, même en prose, s'appliquait encore sans inconvenance à une demoiselle honnête qu'on recherchait en mariage: Je me garderai bien de lui dire que vous croyez faire votre cour à votre maitresse en la quittant, et lui faire voir par là que vous êtes capable d'aimer. D'AGUESSEAU, Lett. inéd., à M. L. Racine, 9 mars 1722.) FAIRE MAITRESSE, prendre une maîtresse : Et déjà vous avez fait maîtresse? DORANTE Si je n'en avois fait, j'aurois bien peu d'adresse, Si l'on me dédaigne, je laisse La cruelle avec son dédain, (Le Ment., 1, 5.) (D'URFÉ, Astrée, 1, 1.) MAITRESSE, adj., avec un nom de chose, capitale, fondamentale : Cet heureux poëme n'a si extraordinairement réussi que parce qu'on y voit les deux maîtresses conditions (permettez-moi cette épithète) que demande ce grand maître aux excellentes tragédies. (Le Cid, avertissem.) On trouve dans le même sens : Telles gens veulent estre jugez en gros, par la maîtresse fin de nos actions. (MONTAIGNE, Ess., 11, 36.) — La maîtresse pensée (d'un rondeau de Chapelle sur les Métamorphoses de Benserade) paroît empruntée du Roman bourgeois de Furetière. (Ménagiana, 11, 375.) - Ces deux maîtresses parties (le cœur et le cerveau) influent dans tout le corps. (Boss., Connaiss. de Dieu, c. 11.) - Soit que l'âme ait le cerveau entier immédiatement sous sa puissance, soit qu'elle y ait quelque maîtresse pièce par où elle continue les autres parties, comme un pilote conduit tout le vaisseau par le gouvernail, il est certain que le cerveau est son siége principal, et que c'est de là qu'elle préside à tous les mouvements du corps. (Id., ibid., c. 11.) — La capacité principale et la qualité maîtresse du président était pour les négociations. (STE-BEUVE, Causer., 15 mai 1854.) MAL, adv. ESPOIR MAL CONÇU : Quel espoir mal conçu te rapproche de moi? (La Pl. Roy., v, 7.) Corneille se sert très-souvent de mal devant un adjectif : Cette réflexion, mal propre pour un père, Mais nous devons aux dieux demain un sacrifice, Si nos prêtres, avant que de sacrifier, Et nous parlons peut-être avec trop d'imprudence (L'Illus. com., v, 5.) (Hor., v, 3.) (Cin., 11, 2.) (Tite et Bér., 1, 3.) (Perth., iv, 3.) Le dix-septième siècle affectionnait l'emploi de l'adverbe mal, et s'en servait dans beaucoup de cas, comme dans plusieurs des exemples précédents, où l'on mettrait plus généralement aujourd'hui point, ou un autre mot semblable: Car à quoi que pour vous le respect me convie, (T. CORN., Les illust. Ennem., 11, 2.) MALGRÉ, séparé du mot auquel il se rapporte : Malgré de vos rigueurs l'impétueuse loi... MALHEUR. AVOIR TANT DE MALHEUR QUE (un subj.): Mais, dieux! que vois-je? O ciel! je suis perdu, MANDEMENT, ordre : Au milieu de la nuit, et du temps du sommeil, (La Tois. d'or, 111, 3.) (L'Ill. com., iv, 7.) Mandement s'employait souvent pour ordre en général : Les vieilles cohortes des Caninefates et des Bataves dont la garnison étoit à Mayence, mais qui avoient pris leur marche pour aller à Rome, au mandement de Vitellius, ayant été ratteintes par un courrier de Civilis, rebroussèrent chemin. (MÉZER., Hist. de Fr. avant Clovis, 11, , 6.) Croit que, pour m'inspirer sur chaque événement, (BOIL., Épîtres, vI.) MANQUE, pour manquement, action de manquer à ce qu'on doit à quelqu'un : De quel manque, après tout, as-tu lieu de te plaindre? As-tu reçu de moi ni froideurs, ni mépris? MANQUE DE FOI, avec le pluriel : Un coup d'œil en triomphe, et dès que je vous vois, (L'Illus. com., v, 3.) (Pulch., v, 6) On trouve manque avec le pluriel dans un sens analogue : Et aurés doresnavant autant occasion de vous louer d'eux, que jusques icy vous avés eu de raisons et juste sujet de vous plaindre des manques que vous avés reçus. Lett. miss. de Henri IV, t. iv, p. 254, à la reine d'Anglet., 25 nov. 1594.) AVOIR MANQUE DE, en parlant de choses morales, manquer Nous ne relevons que pour mémoire cet emploi assez remarquable d'une locution usuelle. MANQUER. Manquer de foi a quelqu'un : Grâces aux dieux, Cinna, ma frayeur étoit vaine, (Cin., 111, 4.) MANQUER DE RESPECT, avec un nom de chose pour sujet : Un retour si soudain manque un peu de respect. (Nicom., 11, 1.) MANQUER A, suivi d'un infinitif, comme manquer de : Que Philandre, malgré le secret qu'il lui fait demander par Mélite dans ces fausses lettres, ne manquera pas les montrer à Tircis. (Exam. de Mél.) Ces grilles qui éloignent l'acteur du spectateur, et lui cachent toujours plus de la moitié de sa personne, ne manquent jamais à rendre son action fort languissante. (Exam. de Méd.) - Les peintres qui cherchent à faire voir leur art dans les nudités ne manquent jamais à nous représenter Andromède nue au pied du rocher où elle est attachée, quoiqu'Ovide n'en parle point. (Exam. d'Androm.) On trouve anciennement, et jusque très-avant dans le dix-huitième siècle, de nombreux exemples de manquer à, suivi d'un infinitif, employé avec des nuances de signification faciles à distinguer, comme dans ces phrases : Prendre bien de la peine à écrire, et ne rien dire de sérieux, c'est cultiver soigneusement son champ, et manquer à le remplir de bonne semence. (LA MOTHE LE VAYER, De l'Éloq. franç., x.) —Je manquai à tout découvrir aux femmes qui me suivirent, par un éclat de rire qui m'échappa. (MS DE COURC., Mém.) — Je ne suis jamais revenu au logis que je ne me sois tenu prêt à la colère de mes maîtres, aux réprimandes, aux injures, aux coups de pied au cul, aux bastonnades, aux étrivières; et ce qui a manqué à m'arriver, j'en ai rendu grâce à mon bon destin (MOL., Les Fourb. de Scapin, 11, 8.) Le ciel me sera témoin que j'ai fait pour toi tout ce que j'ai pu, et que, si tu manques à être racheté, il n'en faut accuser que le peu d'amitié d'un père. (Id., ibid., 11, 11.) - J'aime mieux paraître indiscret à une personne infiniment éclairée qui peut me redresser, que de manquer à suivre ma conscience sur une matière qui me paraît capitale pour la religion. (FÉN., Mém. sur la const. Unigen.) — Comme il ne se rebutoit point, il ne manquoit jamais à venir à bout des choses dont il se mêloit. (Id., Les Vies des anc. philos., Anacharsis.) Elle est femme, jeune et jolie: (J.-J. Rouss., Le Devin, 1v.) |