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QUINZIÈME LEÇON.

Si nous avons fait quelques progrès depuis l'ouverture du cours de philosophie.

LORSQUE j'ai été chargé de faire un cours de philosophie, le premier sentiment que j'ai dû éprouver, et qui ne m'a pas abandonné un seul instant, a été celui de l'extrême disproportion qui se trouvait, entre mes faibles moyens, et la difficulté de la tâche qui m'était imposée. J'avais assez lu l'histoire de la philosophie pour savoir, combien peu l'on compte de ces vérités qu'on appelle philosophiques, combien peu ont été unanimement reçues et adoptées. Je savais, que tout est plein de vaines disputes et de controverses; que les opinions sont opposées aux opinions, les doctrines aux doctrines, les écoles aux écoles. Je savais, que les idées accueillies avec le plus de faveur ou de respect par les anciens, sont dédaignées, ou méprisées par les modernes ; et que de nos jours, ce qui est vrai au-delà du Rhin est absurde, ou inintelligible en-deçà. Je savais, que les questions les

plus simples ont été enveloppées de ténèbres; qu'on a cherché à obscurcir, jusqu'à cette lumière naturelle qui est le partage de tous les hommes, et sans laquelle ils ne pourraient, ni se conduire, ni veiller à leur conservation.

Et ne croyez pas, qu'on soit plus d'accord sur la manière de chercher la vérité, que sur la vérité elle-même.

Ce qu'une méthode prend pour principe, l'autre le réserve pour sa dernière conséquence par où l'une commence, l'autre finit. Toutes se vantent de nous conduire par le chemin le plus court, le plus facile, et le plus sûr: toutes s'accusent réciproquement d'égarer la raison, et de la corrompre.

-Si vous prenez la synthèse pour guide, chacun de vos pas sera marqué par des chutes, ou par des écarts. Vous ne trouverez sur votre route, qu'une longue suite d'erreurs qui vous paraîtront autant de vérités sublimes; et vous remplirez votre esprit, d'un savoir pire que l'ignorance. L'analyse seule, peut vous former une raison qui ne s'égare jamais: Voilà ce qu'on dit d'un côté.

:

D'un autre côté, on vous crie tout est perdu si vous vous abandonnez à l'analyse : avec elle, vous vous condamnez à marcher tou

pas

jours terre à terre. Voulez-vous avancer d'un rapide? livrez-vous avec confiance à la synthèse. On ne la voit pas s'appesantir sur quelques faits isolés. Un coup d'œil lui suffit, pour saisir l'ensemble des êtres, et de leurs rapports. L'analyse pourra, tout au plus, vous préserver de l'erreur. A la synthèse appartient, d'initier le génie aux mystères les plus cachés de la nature.

Ce n'est pas tout: celui-ci ne reconnaît de bon procédé que l'induction: celui-là pense que hors des syllogismes, il n'y a ni vérité, ni certitude: un autre vante la méthode des géomètres, et veut qu'elle règne despotiquement sur la ruine de toutes les autres.

Tant de divergence dans les opinions, tant d'opiniâtreté, tant d'intolérance, puisqu'il faut le dire, ne peuvent que rendre suspecte toute philosophie. Comment des créatures pétries du même limon, et qui toutes ont reçu de la nature des facultés semblables, peuventelles se montrer divisées à ce point? Quand les yeux du corps rendent tous les hommes

unanimes sur les couleurs, comment se fait-il que les yeux de l'esprit ne puissent les accorder sur les idées? Comment le même objet peut-il présenter aux uns les traits si purs de la vérité, aux autres, le visage hideux du mensonge?

La sagesse nous fait donc un devoir de suspendre long-temps notre jugement, avant de nous ranger sous la bannière d'aucun philosophe. Elle nous commande de nous méfier de tous, quand tous se disent les organes de la vérité quand les partis les plus opposés se vantent tous de la posséder exclusivement.

Non qu'il faille précipiter le blâme et la censure. Des divisions si éclatantes supposent un trop grand intérêt dans ce qui les a fait naître et de trop grandes difficultés à surmonter, pour ne pas exciter quelque sentiment de reconnaissance; et d'ailleurs, qui pourrait ne pas admirer le génie d'un Aristote, d'un Descartes, et de leurs pareils, malgré les erreurs auxquelles ils peuvent s'être laissés entraîner? qui pourrait, en parlant de ces erreurs, ne pas mettre dans son langage, une extrême réserve, et une sorte de respect? et ne montrerait-on pas soimême une présomption insupportable, si l'on croyait avoir vu, seul, ce qui a échappé à de si grands esprits?

Si donc, au milieu de tant d'assurances contraires, de tant de systèmes qui se heurtent, et qui se renversent les uns sur les autres, il m'est défendu de penser que je vous aie enseigné quelqu'une de ces vérités qui restent, j'ai dû vous

apprendre du moins, à distinguer jusqu'à un certain point, le vrai, du faux; à n'être pas dupes d'un sophisme captieux; à ne pas confondre une simple assertion, avec une preuve; à ne pas donner aveuglément votre confiance à celui-là même qui la mériterait le plus, parce qu'il ne vous aurait transmis ordinairement que des idées justes.

Voyons si en effet, nous sommes en état de lire les philosophes avec un esprit de discernement. Pour nous en bien assurer, je devrais mettre en regard quelqu'un de ces morceaux dictés par la raison la plus pure, et qu'on rencontre trop rarement, avec tant d'autres dont l'ignorance, les préjugés, et les mauvaises méthodes surchargent inutilement les dépôts de nos connaissances. Je devrais comparer écrivain à écrivain; opposer un siècle à un autre siècle ; rapprocher un paradoxe brillant, d'une vérité simplement énoncée. Les contrastes dont vous seriez frappés, vous feraient sentir plus vi– vement en quoi consistent le beau et le vrai, soit dans les choses, soit dans la manière de les présenter; mais comme le temps d'une leçon ne nous suffirait pas, je me tairai sur les beautés, qu'on aperçoit plus facilement, pour relever des choses qu'on pourrait confondre avec elles :

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