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adopte, les accompagne dans toutes leurs transformations, et ne les abandonne jamais, alors même qu'elle semble les perdre de vue.

Lorsqu'elle se fait entendre tout est vrai, tout est distinct, tout est lumineux.

La lumière! voilà surtout son caractère. Pour peu que cette lumière vacille, la langue hésite: la lumière vient-elle à manquer, la langue s'arrête.

Son nom doit rappeler l'opération de l'esprit qui rapproche les idées, qui les combine de toutes les manières, et qui n'en laisse échapper aucun rapport, afin de saisir le seul rapport qui l'intéresse, le rapport qui fait briller l'évidence, en nous donnant la certitude. Nous l'appellerons la langue du raisonnement.

Cette langue, on le pense bien, exige de longs efforts, et une habitude d'autant plus longue, que les langues vulgaires, dont elle est l'emploi le plus parfait, sont elles-mêmes plus éloignées de la perfection.

Comment, avec des langues où manque si souvent l'analogie, et qui ne sont que des débris de langues plus ou moins polies, plus ou moins barbares, le raisonnement, qui n'est au fond que l'analogie, ne présenterait-il pas des difficultés ? Comment des langues qu'on fait

servir à tant de sophismes, à tant d'équivoques, à tant de jeux de mots, pourraient-elles, sans l'attention la plus scrupuleuse et la plus soutenue, être ramenées à cette sévérité qu'exigé la raison? Comment ne pas s'égarer dans une route mal tracée et toute remplie de fausses indications? Et cependant, si l'on s'écarte de la ligne qui mène à la vérité, le sol fuit, tout appui manque, et l'on tombe nécessairement.

L'unique moyen de se former un raisonnement exact, consiste donc à corriger et à épu→ rer sans cesse la langue? Avec des expressions qui ne seraient qu'à peu près celles dont nous avons besoin, le raisonnement ne serait qu'à peu près juste ; c'est-à-dire que, ne saisissant jamais aucun rapport précis, et l'identité nous échappant toujours, nous croirions voir la vérité où elle n'est pas, et nous ne saurions pas la voir où elle est.

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Ceux qui, par une volonté ferme et par des exercices long-temps soutenus, ont enfin con→ tracté l'habitude d'une langue bien faite, ne sont pas ainsi exposés à tomber d'erreurs en erreurs, ou à flotter éternellement dans l'incertitude des opinions les plus opposées. Une sorte d'instinct leur fait démêler le vrai du faux, avec autant de promptitude que de sûreté; ils

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raisonnent naturellement bien, alors même qu'ils ne pensent pas à raisonner; et chez eux la facilité devient la compagne inséparable de la justesse. Comme le sentiment de l'analogie ́ne les abandonne jamais, ils passent sans effort d'une idée à une autre idée; les pensées et les expressions, qui sont actuellement dans leur esprit, sont liées aux pensées et aux expressions antérieures dont elles dérivent, et aux pensées et aux expressions subséquentes qu'elles vont engendrer.

Or, si nos pensées et nos expressions nous ramenaient toujours à celles qui les précèdent, et nous conduisaient toujours à celles qui les suivent, qui ne voit combien serait diminuée la difficulté d'apprendre les sciences et d'en retenir les différentes parties, puisque d'une seule vue de l'esprit, d'un seul acte d'attention, on pourrait saisir, toute entière, une longue série de déductions, une longue chaîne de vérités?

On commence peut-être à entrevoir en quoi consiste la langue du raisonnement; on le concevra mieux, si nous nous aidons de quelque exemple, qui montre cette langue en action.

J'ai près de moi, Messieurs, l'exemple que je cherche ; et, en vous le présentant, j'aurai l'avantage de vous exposer le plan du cours de

philosophie, tel qu'il a été arrêté par les hommes éclairés qui composent le conseil de l'Université royale.

Voici le texte du programme qui nous trace la route que nous devons suivre :

<< Le professeur de philosophie approfondira » les principales questions de la logique, de la » métaphysique et de la morale;

» Il s'attachera principalement à montrer l'o»rigine et les développemens successifs de nos » idées;

>> Il indiquera les causes principales de nos

>> erreurs ;

>> Il fera connaître la nature et les avantages » de la méthode philosophique *».

Tels sont les objets que l'on impose à notre méditation. Ils occupèrent les sages dès la plus. haute antiquité, et ils continueront de les occuper tout le temps que les hommes conserveront quelque sentiment de la dignité de leur naturel. La Grèce, depuis Thalès jusqu'au moment où elle perdit son existence politique, n'honora pas moins ses philosophes que ses plus illustres guerriers; et les siècles modernes pro

* Voyez la seconde note de la deuxième leçon.

noncent avec autant d'admiration que de reconnaissance les noms de ceux qui, depuis le renouvellement des lettres, ont consacré leur génie à l'étude de l'homme et au perfectionnement de la raison.

On sent l'impossibilité de développer en un moment des vérités sur lesquelles nous devons nous arrêter une année entière; et je dois à ceux de mes auditeurs qui permettront au professeur de leur donner le nom d'élèves, de leur dire que, si quelqu'un d'entre eux n'avait pas compris tout ce que nous avons exposé jusqu'ici, ou laissait échapper quelqu'une des réflexions que nous allons ajouter, il devrait bien se garder d'en accuser son intelligence. Un premier discours peut ne pas se suffire à lui-même, surtout si l'on avait eu le dessein d'exciter la curiosité plutôt que de la satisfaire.

« Le professeur approfondira les principales » questions de la logique, de la métaphysique » et de la morale ».

Approfondir une question, c'est en pénétrer toutes les parties, c'est éclairer celles qui sont les plus reculées et les plus obscures; c'est, en un mot, la traiter de manière qu'elle ne laisse rien à désirer. Or, le désir de l'esprit ne sera jamais satisfait tant qu'il restera quelques idées

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