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qui croyaient avoir à redouter l'ascendant de ses vertus et de ses principes.

On avait cherché à refroidir Bossuet pour Fénelon par des éloges exagérés de l'éducation de M. le duc de Bourgogne, ou en affectant de douter des merveilles de cette éducation. Peut-être s'était-on flatté d'exciter dans le cœur du précepteur du père un sentiment secret de jalousie contre le précepteur du fils. Mais la grande âme de Bossuet avait trompé ces viles espérances. Nous avons vu qu'il avait voulu juger par lui-même cette éducation si vantée, et qu'il avait reconnu qu'elle était encore au-dessus des éloges qu'on lui en avait faits.

Sans doute l'éducation du fils de Louis XIV et celle de son petit-fils offrirent des résultats bien différents; mais ces résultats dépendent souvent des dispositions plus ou moins heureuses qu'un élève apporte aux soins de son instituteur, et il faut convenir que, sous ce rapport, Fénelon eut un avantage qui manqua à Bossuet. Aussi serait-il téméraire d'oser dépouiller l'un d'entre eux d'une partie des titres de sa gloire pour en orner celui que l'on croirait honorer par une injuste prééminence. Ce serait offenser également la mémoire de celui que l'on prétendrait élever, et de celui qu'on aurait la témérité de rabaisser. La gloire, les talents et les vertus de ces hommes supérieurs à tous les éloges, sont consacrés depuis longtemps

par le suffrage unanime de leurs contemporains et par la vénération de la postérité.

Cependant ne pourrait-on pas dire que le vaste génie de Bossuet, qui embrassait dans ses sublimes conceptions tout ce que la religion, l'histoire, la philosophie et la politique ont de plus élevé; qui avait conquis toutes les sciences, plutôt qu'il ne les avait apprises; qui paraissait toujours parler au nom du Ciel, dont il avait emprunté la magnificence, l'éclat et la foudre, avait plus de peine à descendre de cette hauteur, pour s'abaisser à la simple intelligence d'un enfant, que Fénelon, doué d'une imagination plus douce et plus riante, d'une âme plus sensible, d'un caractère plus patient et plus flexible, et qui n'avait qu'un seul intérêt, une seule pensée, une seule ambition, celle de donner à la France un roi qui fût capable de faire son bonheur?

On peut remarquer encore que le contraste de leur caractère et de leur génie se fait sentir jusque dans les deux ouvrages qu'ils écrivirent pour l'instruction de leurs élèves, et qui ont le plus contribué à immortaliser leurs auteurs. Il était difficile qu'un prince de quinze ans, à qui la nature avait refusé cette étendue et cette pénétration d'esprit qu'elle accorda depuis à son fils, pùt suivre la marche rapide ou plutôt le vol audacieux de Bossuet dans sa magnifique pensée du Discours sur l'histoire universelle, et füt capable de saisir

toutes les parties de ce vaste tableau, dont chaque trait est l'expression du génie, et suppose des connaissances et une habitude de réfléchir qui appartiennent à très-peu d'hommes.

Télémaque, au contraire, admirablement approprié à la position, aux idées, aux sentiments naturels d'un prince du même âge, est tellement empreint d'un charme ineffaçable, qu'il est encore, depuis plus d'un siècle, le premier livre qu'on donne à l'enfance et à la jeunesse, celui qu'on aime encore à relire dans un âge plus avancé et dans toutes les situations de la vie.

CHAPITRE III.

Situation de Fénelon à la cour.- Désintéressement de Fénelon.Il est nommé à l'abbaye de Saint-Valery.-L'année suivante il est nommé à l'archevêché de Cambrai.-Il se démet de son abbaye.Du quiétisme. - Molinos. - Mme Guyon et le Père Lacombe. – Mme Guyon est arrêtée. Mme de Maintenon obtient son élargissement et l'attire à Saint-Cyr. Elle se refroidit bientôt pour Mme Guyon. Conférences d'Issy. Fénelon y est associé après sa nomination à l'archevêché de Cambrai. — Il est sacré à Saint-Cyr. Mme Guyon abuse de la confiance de

Bossuet.

- Elle est de nouveau arrêtée. - Situation embarrassante de Fénelon.

Les premières années de l'éducation de M. le duc de Bourgogne furent peut-être l'époque la plus heureuse de la vie de Fénelon. Il avait dompté le caractère de ce jeune prince, et ouvert son cœur à tous les sentiments vertueux ; il avait dirigé son esprit vers les sciences utiles et agréables avec une rapidité dont l'éducation d'aucun autre prince n'avait offert d'exemple. La cour admirait avec surprise un changement qui surpassait tout ce que la flatterie aurait pu supposer.

Fénelon se livrait aux plus douces espérances, et jouissait de tout le bonheur qu'il avait su réunir autour de lui. La société de quelques amis vertueux

était sa seule distraction pendant les courts instants de liberté que lui laissaient les devoirs de sa charge. Son esprit, ses talents, le charme de sa conversation et l'heureuse séduction de ses manières lui avaient concilié tous les suffrages.

La cour de Louis XIV, devenue plus sérieuse à mesure que le monarque se montrait de jour en jour plus religieux et plus régulier dans ses mœurs, conservait toujours ce bon goût, cette noblesse et cette décence si bien assortis au caractère de l'abbé de Fénelon.

Le charme de son caractère avait entraîné Mme de Maintenon; elle lui montrait une confiance qu'elle n'avait éprouvée pour personne au même degré. Elle l'avait rencontré souvent chez M. de Beauvilliers, et cette femme, pleine de tact et d'esprit, avait su apprécier d'abord tout le mérite de Fénelon. Mais ce fut la piété de Fénelon, encore plus que son esprit, qui inspira à Mme de Maintenon un véritable attachement pour lui. Dans une de ses lettres à Mme de Saint-Géran, on trouve ce passage: « J'ai vu encore aujourd'hui l'abbé de « Fénelon. Il a bien de l'esprit, il a encore plus « de piété : c'est justement ce qu'il me faut. »

Elle était alors occupée à donner à la maison de Saint-Cyr des règlements conformes à l'esprit de religion et aux vues de sagesse qu'elle s'était proposées dans cet établissement. Elle réclama pour cet objet les conseils et les instructions de tout ce que

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