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chemin des cœurs; aussi les succès que Fénelon et ses coopérateurs obtinrent dans les missions du Poitou, doivent être attribués en grande partie à la sainteté de leurs mœurs et de leur conduite, qui effaçaient les préventions contre la religion qu'ils prêchaient; puis à la manière simple et exacte dont ils présentaient cette religion à une multitude trop peu instruite pour saisir les points difficiles d'une controverse au-dessus de son intelligence.

Dans ses conférences avec les protestants, Fénelon fit l'usage le plus heureux de son Traité du Ministère des Pasteurs, dont nous avons déjà parlé, et qui n'était pas encore imprimé.

Cependant sa modestie ne lui permettait pas de se faire illusion sur la sincérité d'un grand nombre de conversions précipitées. Bien loin de s'attribuer la gloire, à l'exemple de quelques autres missionnaires, d'avoir converti des provinces entières, il savait que la crainte, la méfiance et des considérations purement humaines inspiraient souvent des abjurations apparentes, et il était convaincu que les paroles de vérité et de charité qu'il portait dans ces provinces, où l'erreur avait triomphé si longtemps, ne produiraient des fruits réellement salutaires et satisfaisants que pour une nouvelle génération.

La Providence a justifié les espérances de Fénelon; car ces mêmes provinces, qui montraient alors un attachement si opiniâtre à la religion pro

testante, sont précisément celles qui, à la fin du dernier siècle, ont manifesté le plus de zèle pour la religion catholique, et soutenu, les armes à la main, les autels relevés par Fénelon, et que la révolution voulait renverser.

Dans sa correspondance avec le ministre (le marquis de Seignelay, fils de Colbert), Fénelon rend compte de l'état de ces provinces, de ses travaux, des moyens qu'il croit nécessaires pour obtenir des succès, et surtout pour que ces succès soient durables. I recommande de soutenir les bons commencements par des prédicateurs doux et qui joignent au talent d'instruire celui de s'attirer la confiance des peuples; dans ce cas, ajoute-t-il, ils seront bientôt véritablement catholiques.

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« Il ne faut, dit-il ailleurs, que des prédica« teurs qui expliquent simplement, tous les dimanches, le texte de l'Évangile avec une autorité << douce et insinuante. Les jésuites commencent « bien, mais le plus grand besoin est d'avoir des curés édifiants qui sachent instruire. Les peuples << nourris dans l'hérésie ne se gagnent que par la « parole. Un curé qui saura expliquer l'Évangile « affectueusement, et entrer dans la confiance des familles, fera tout ce qu'il voudra... Les peuples « nous disent: Vous qui n'êtes ici qu'en passant; « c'est ce qui les empêche de s'attacher entière«ment à nous. La religion, avec le pasteur qui

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<< l'enseignera, prendra insensiblement racine << dans tous les cœurs... >>

Quand Fénelon crut avoir terminé ses travaux en Poitou, il écrivit à Bossuet pour le prier de demander son rappel. Cette lettre eut l'effet qu'il en attendait; il reçut la permission de revenir à Paris; il rendit compte directement à Louis XIV de l'état où il avait laissé la religion dans les provinces qu'il venait de parcourir, n'entretint le roi que du zèle de ses coopérateurs, du bien qu'ils avaient fait, de celui qui restait à faire, des moyens qui étaient à la disposition du gouvernement pour l'affermissement de ce grand ouvrage, et garda le plus profond silence sur lui-même.

Après avoir rempli ce devoir envers le roi, Fénelon rentra dans sa retraite, et reprit ses modestes fonctions de supérieur des NouvellesCatholiques. Pendant plus de deux ans, il ne se montra pas à la cour.

Deux fois il fut sur le point d'être nommé évêque, d'abord à Poitiers, puis coadjuteur de La Rochelle, et deux fois la malveillance empêcha sa nomination. Mais Fénelon était si peu occupé de ses intérêts personnels, qu'il n'apprit que par hasard qu'on avait songé à l'élever à ces hautes dignités. On attribue généralement cette espèce de disgrâce à M. de Harlai, archevêque de Paris, qui ne pouvait pardonner à Fénelon ses liaisons intimes avec Bossuet, et l'indifférence avec laquelle

il avait accueilli ses offres de service et d'amitié.

Ce fut en 1687 et 1688, au retour de ses missions du Poitou, que Fénelon, cédant au væœu unanime de ses amis et de personnes éclairées, consentit enfin à laisser imprimer son Traité de l'éducation des filles et celui du Ministère des Pasteurs.

La réputation qu'il s'était faite dans ses missions du Poitou avait déjà attiré sur lui tous les regards, et la publication de ces deux ouvrages ajouta de nouveaux titres à cette réputation qui s'étendait avec tant d'éclat et de rapidité.

Telles étaient les occupations de Fénelon; il se regardait et tout le monde le regardait comme destiné à passer le reste de sa vie dans l'exercice des fonctions utiles, mais peu ambitionnées, qui semblaient suffire à ses vœux et à son désintéressement.

Mais un événement imprévu transporta tout à coup Fénelon au milieu de la cour, et l'éleva à une place à laquelle paraissaient attachées les destinées de la France et le sort de plusieurs générations.

CHAPITRE II.

Éducation de M. le duc de Bourgogne. - Portrait de M. de Beauvilliers.- Il est nommé gouverneur du prince.-Il fait agréer l'abbé de Fénelon pour précepteur. - Fénelon choisit l'abbé de Langeron pour lecteur, et les abbés Fleury et de Beaumont pour sousprécepteurs du jeune prince. - Caractère de M. le duc de Bourgogne. Éducation morale, littéraire et religieuse du duc de Bourgogne. Fables de Fénelon. — Dialogue des morts.-Jugement de Bossuet sur l'éducation du duc de Bourgogne.

C'est ici que Fénelon va se montrer dans tout l'éclat de ce caractère qui lui a mérité l'estime et l'amour de ses contemporains, et qui a laissé des souvenirs si doux dans la mémoire de la postérité.

Louis XIV mettait sa grandeur à s'environner de grands hommes. Il avait donné Montausier et Bossuet pour instituteurs au Dauphin son fils; il devait faire un choix aussi heureux pour son petit-fils. Quand il vit approcher l'époque où l'éducation de son petit-fils, le duc de Bourgogne (1),

(1) Le duc de Bourgogne était le fils aîné du Dauphin, fils de Louis XIV. Les autres enfants du Dauphin étaient le duc d'Anjou, qui fut roi d'Espagne sous le nom de Philippe V, d'où des

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