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Bacchus entre, et sa cour, confus et long cortége:
Où sont, dit-il, ces sœurs à la main sacrilége?
Que Pallas les défende, et vienne en leur faveur
Opposer son égide (17) à ma juste fureur:
Rien ne m'empêchera de punir leur offense.
Voyez: et qu'on se rie auprès de ma puissance!
Il n'eut pas dit, qu'on vit trois monstres au plancher,
Ailés, noirs et velus (1), en un coin s'attacher.

On cherche les trois sœurs; on n'en voit nulle trace.
Leurs métiers sont brisés; on élève en leur place
Uue chapelle au dieu, père du vrai nectar.
Pallas a beau se plaindre, elle a beau prendre part
Au destin de ces sœurs par elle protégées ;
Quand quelque dieu, voyant ses bontés négligées,
Nous fait sentir son ire (19), un autre n'y peut rien:
L'Olympe s'entretient en paix par ce moyen.

Profitons, s'il se peut, d'un si fameux exemple. Chommons: c'est faire assez qu'aller de temple en temple

Rendre à chaque immortel les vœux qui lui sont dus: Les jours donnés aux dieux ne sont jamais perdus.

(17) Le bouclier de Pallas. (18) Des chauve-souris.

(19) Vieux mot qui signife courroux, colère.

LA MATRONE D'ÉPHÈSE,

S'il est un conte usé, commun et rebattu,
C'est celui qu'en ces vers j'accommode à ma guise.
Et pourquoi donc le choisis-tu?

Qui t'engage à cette entreprise?
N'a-t-elle point déjà produit assez d'écrits?
Quelle grâce aura ta matrone (1),

Au prix de celle de Pétrone (2)? Comment la rendras-tu nouvelle à nos esprits? Sans repondre aux censeurs, car c'est chose infinie, Voyous si dans mes vers je l'aurai rajeunie.

Dans Ephèse (3) il fut autrefois

Une dame en sagesse et vertu saus égale,
Et, selon la commune voix,
Ayant su raffiner sur l'amour conjugale.
Il n'étoit bruit que d'elle et de sa chasteté;
On l'alloit voir par rareté;

C'étoit l'honneur du sexe: heureuse sa patrie!
Chaque mère à sa bru l'alléguoit pour patron;
Chaque époux la prônoit à sa femme chérie:
D'elle descendent ceux de la Prudoterie (4),
Antique et célèbre maison.

(1) C'est ainsi qu'on nommoit les dames romaines.

(2) Auteur latin qui a fait le conte de la matrone d'Ephèse.

(3) Ville de l'Ionie, dans

l'Asie Mineure, vis-à-vis l'ile de Samos.

(4) Plaisanterie pour dire que d'elle descendent toutes les fausses prudes.

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Ce seroit un détail frivole.

Il mourut; et son testament

N'étoit plein que de legs qui l'auroient consolée,
Si les biens réparoient la perte d'un mari
Amoureux autant que chéri.

Mainte veuve pourtant fait la déchevelée,
'Qui n'abandonne pas le soin du demeurant,
Et du bien qu'elle aura fait le compte en pleurant.
Celle-ci, par ses cris, mettoit tout en alarme,
Celle-ci faisoit un vacarme,

Un bruit, et des regrets à percer tous les cœurs;
Bien qu'on sache qu'en ces malheurs,
De quelque désespoir qu'une âme soit atteinte,
La douleur est toujours moins forte que la plainte :
Toujours un peu de faste entre parmi les pleurs.
Chacun fit son devoir de dire à l'affligée

Que tout a sa mesure,

et que

de tels regrets

Pourroient pécher par leur excès:

Chacun rendit par là sa douleur rengrégée (5).
Enfin ne voulant plus jouir de la clarté
Que son époux avoit perdue,

Elle entre dans sa tombe, en ferme volonté
D'accompagner cette ombre aux enfers descendue.
Et voyez ce que peut l'excessive amitié:
(Ce mouvement aussi va jusqu'à la folie),
Une esclave en ce lieu la suivit par pitié,
Prête à mourir de compagnie:

Prête, je m'entends bien; c'est-à-dire, en un mot,
N'ayant examiné qu'à demi ce complot,
Et, jusques à l'effet, courageuse et hardie.
L'esclave avec la dame avoit été nourrie;
Toutes deux s'entr'aimoient; et cette passion
Etoit crûe avec l'âge au cœur des deux femelles :
Le monde entier à peine eût fourni deux modèles
D'une telle inclination.

(5) Augmenter, accroître. Ce mot de peu d'usage ne se dit que du mal.

Comme l'esclave avoit plus de sens que la dame,
Elle laissa passer les premiers mouvements;
Puis tâcha, mais en vain, de remettre cette âme
Dans l'ordinaire train des communs sentiments.
Aux consolations la veuve inaccessible

S'appliquoit seulement à tout moyen possible
De suivre le défunt aux noirs et tristes lieux.
Le fer auroit été le plus court et le mieux;
Mais la dame vouloit paître (6) encore ses yeux
Du trésor qu'enfermoit la bière,
Froide dépouille, et pourtant chère:
C'étoit là le seul aliment

Qu'elle prit en ce monument.

La faim donc fut celle des portes

Qu'entre d'autres de tant de sortes

Notre veuve choisit pour sortir d'ici bas.
Un jour se passe, et deux, sans autre nourriture
Que ses profonds soupirs, que ses fréquents hélas,
Qu'un inutile et long murmure

Contre les dieux, le sort, et toute la nature.
Enfin sa douleur n'omit rien,

Si la douleur doit s'exprimer si bien.
Encore un autre mort faisoit sa résidence
Non loin de ce tombeau, mais bien différemment,
Car il n'avoit pour monument
Que le dessous d'une potence:
Pour exemple aux voleurs on l'avoit là laissé.
Un soldat bien récompensé

Le gardoit avec vigilance.

Il étoit dit par ordonnance

Que si d'autres voleurs, un parent, un ami,
L'enlevoient, le soldat, nonchalant, endormi,
Rempliroit aussitôt sa place.

Défendoit

C'étoit trop de sévérité :

Mais la publique utilité

que l'on fît au garde aucune grâce.

Pendant la nuit il vit aux fentes du tombeau

(6) Selon l'usage actuel on ne dit pas puître ses yeux: on doit dire repaître..

Briller quelque clarté, spectacle assez nouveau.
Curieux, il y court, entend de loin la dame
Remplissant l'air de ses clameurs.

Il entre, est étonné, demande à cette femme
Pourquoi ces cris, pourquoi ces pleurs,
Pourquoi cette triste musique,

Pourquoi cette maison noire et mélancolique,
Occupée à ses pleurs, à peine elle entendit
Toutes ces demandes frivoles.

Le mort pour elle y répondit:
Cet objet, sans autres paroles,
Disoit assez par quel malheur

La dame s'enterroit ainsi toute vivante.
Nous avons fait serment, ajouta la suivante,
De nous laisser mourir de faim et de doule’ų.
Encor que le soldat fût mauvais orateur,
Il leur fit concevoir ce que c'est que la vie.
La dame cette fois eut de l'attention:
Et déjà l'autre passion

Se trouvoit un peu ralentie:

Le temps avoit agi. Si la foi du serment,
Poursuivit le soldat, vous défend l'aliment,
Voyez-moi manger seulement,

Vous n'en mourrez pas moins. Un tel tempérament
Ne déplut pas aux deux femelles.
Conclusion, qu'il obtint d'elles

Une permission d'apporter son soupé :
Ce qu'il fit. Et l'esclave eut le cœur fort tenté
De renoncer dès-lors à la cruelle envie

De tenir au mort compagnie.

Madame, ce dit-elle, un penser m'est venu:
Qu'importe à votre époux que vous cessiez de vivre?
Croyez vous que lui-même il fut homme à vous suivre
Si par votre trépas vous l'aviez prévenu?

Non, madame; il voudroit achever sa carrière
La nôtre sera longue encor si nous voulons.
Se faut-il, à vingt ans, enfermer dans la bière?
Nous aurons tout loisir d'habiter ces maisons.

On ne meurt que trop tôt: qui nous presse? attendons.
Quant à moi, je voudrois ne mourir que ridée.

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