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Cependant donnez-moi quelque heure de silence:
Ne vous rebutez point de mon peu d'éloquence;
Souffrez-en les défauts, et songez seulement
Au fruit qu'on peut tirer de cet événement.

Céphale (11) aimoit Procris (12); il étoit aimé d'elle:
Chacun se proposoit leur hymen pour modèle.
Ce qu'amour fait sentir de piquant et de doux
Combloit abondamment les vœux de ces époux.
Ils ne s'aimoient que trop! leurs soins et leur tendresse
Approchoient des transports d'amant et de maîtresse.
Le ciel même envia cette felicité :

Céphale eut à combattre une divinité.

à

Il étoit jeune et beau; l'Aurore en fut charmée,
N'étant pas ces biens chez elle accoutumée.
Nos belles cacheroient un pareil sentiment:
Chez les divinités on en use autrement.
Celle-ci déclara son amour à Céphale.
Il eut beau lui parler de la foi conjugale:
Les jeunes déités qui n'ont qu'un vieil époux (13)
Ne se soumettent point à ces lois comme nous.
La déesse enleva ce héros si fidèle.

De modérer ses feux il pria l'immortelle :
Elle le fit; l'amour devint simple amitié.
Retournez, dit l'Aurore, avec votre moitié;
Je ne troublerai plus votre ardeur ni la sienne:
Recevez seulement ces marques de la mienne,
(C'étoit un javelot toujours sûr de ses coups.)
Un jour cette Procris qui ne vit que pour vous
Fera le désespoir de votre âme charmée,
Et vous aurez regret de l'avoir tant aimée.
Tout oracle est douteux, et porte un double sens ;
Celui-ci mit d'abord notre époux en suspens.
J'aurai regret aux vœux que j'ai formés pour elle!

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Et comment? n'est-ce point qu'elle m'est infidèle ?
Ah! fiuissent mes jours plutôt que de le voir!
Eprouvons toutefois ce que peut son devoir.
Des mages aussitôt consultant la science,
D'un feint adolescent il prend la ressemblance,
Sen va trouver Procris, élève jusqu'aux cieux
Ses beautés, qu'il soutient être dignes des dieux;
Joint les pleurs aux soupirs, comme un amant sait faire
Et ne put s'éclaircir par cet art ordinaire.

Il fallut recourir à ce qui porte coup,

Aux présens: il offrit, donna, promit beaucoup,
Promit tant, que Procris lui parut incertaine.
Toute chose à son prix. Voilà Céphale en peine;
Il renonce aux cités, s'en va daus les forêts:
Conte aux vents, conte aux bois, ses déplaisirs secrets ;
S'imagine en chassant dissiper son martyre.
C'étoit pendant ces mois où le chaud qu'on respire
Oblige d'implorer l'haleine des zéphyrs.

Doux vents, s'écrioit-il, prêtez-moi des soupirs!
Venez, légers démons par qui nos champs fleurissent!
Aure (14), fais-les venir, je sais qu'ils t'obéissent:
Ton emploi dans ces lieux est de tout ranimer.
On l'entendit: on crut qu'il venoit de nommer
Quelque objet de ses vœux, autre que son épouse.
Elle en est avertie; et la voilà jalouse.
Maint voisin charitable entretient ses ennuis,
Je ne le puis plus voir, dit-elle, que les nuits;
Il aime donc cette Aure, et me quitte pour elle?—
Nous vous plaignons: il l'aime, et sans cesse il l'appelle.
Les échos de ces lieux n'ont plus d'autres emplois
Que celui d'enseigner le nom d'Aure à nos bois;
Dans tous les environs le nom d'Aure résonne.
Profitez d'un avis qu'en pas-ant on vous donne:
L'intérêt qu'on y prend est de vous obliger.

(14) Vent frais en été, selon Coste.

Elle en profite, hélas! et ne fait qu'y songer,
Les amants sont toujours de légère croyance:
S'ils pouvoient conserver un rayon de prudence,
(Je demande un grand point, la prudence en amours!}
Ils seroient aux rapports insensibles et sourds.
Notre épouse ne fut l'une ni l'autre chose.
Elle se lève un jour; et lorsque tout repose,
Que de l'Aube au teint frais la charmante douceur
Force tout au sommeil, hormis quelque chasseur,
Elle cherche Céphale: un bois l'offre à sa vue.
Il invoquoit déjà cette Aure prétendue:
Viens me voir, disoit-il, chère déesse, accours;
Je n'en puis plus, je meurs: fais que par ton secours
La peine que je sens se trouve soulagée.
L'épouse se prétend par ces mots outragée :
Elle croit y trouver, non le sens qu'ils cachoient,
Mais celui seulement que ses soupçons cherchoient.
O triste jalousie! ô passion amère!

Fille d'uu fol amour, que l'erreur a pour mère !
Ce qu'on voit par tes yeux cause assez d'embarras.
Sans voir encor par eux ce que l'on ne voit pas !
Procris s'étoit cachée en la même retraite
Qu'un faon de biche avoit pour demeure secrète.
Il en sort; et le bruit trompe aussitôt l'époux.
Céphale prend le dard toujours sûr de ses coups.
Le lance en cet endroit et perce sa jalouse:
Malheureux assassin d'une si chère épouse !
Un cri lui fait d'abord soupçonner quelque erreur:
Il accourt, voit sa faule; et, tout plein de fureur,
Du même javelot il veut s'ôter la vie.

L'Aurore et les Destins arrêtent cette envie.
Cet office lui fut plus cruel qu'indulgent:
L'infortuné mari, sans cesse s'affligeant,

Eût accru par ses pleurs le nombre des fontaines,
Si la déesse enfin, pour terminer ses peines,
N'eût obtenu du Sort que l'on tranchât ses jours:
Triste fin d'un hymen bien divers en son cours!

Fuyons ce nœud, mes sœurs, je ne puis trop le dire:
Jugez par le meilleur quel peut être le pire.

S'il ne nous est permis d'aimer que sous ses lois,
N'aimons point. Ce dessein fut pris par toutes trois :
Toutes trois, pour chasser de si tristes pensées,
A revoir leur travail se montrent empressées.
Clymène, en un tissu riche, pénible et grand,
Avoit presque achevé le fameux différend
D'entre le dieu des eaux et Pallas la savante (15).
On voyoit en lointain une ville naissante.
L'honneur de la nommer, entre eux deux contesté,
Dépendoit du présent de chaque déité.
Neptune fit le sien d'un symbole de guerre:
Un coup de son trident fit sortir de la terre
Un animal fougueux, un coursier plein d'ardeur.
Chacun de ce présent admiroit le grandeur.
Minerve l'effaça, donnant à la contrée
L'olivier, qui de paix est la marque assurée.
Elle emporta le prix, et nomma la cité:
Athène offrit ses vœux à cette déité.
Pour les lui présenter on choisit cent pucelles,
Toutes sachant broder, aussi sages que belles,
Les premières portoient force présents divers;
Tout le reste entouroit la déesse aux yeux pers (16)
Avec un doux souris elle acceptoit l'hommage.
Clymène ayant enfin reployé son ouvrage,
La jeune Iris commence en ces mots son récit :

Rarement pour les pleurs mon talent réussit;
Je suivrai toutefois la matière imposée.
Télamon pour Cloris avoit l'âme embrasée :
Cloris pour Télamon brûloit de son côté.
La naissance, l'esprit, les grâces, la beauté,

Tout se trouvoit en eux, hormis ce que les hommes
Font marcher avant tout dans ce siècle où nous sommes:
Ce sont les biens, c'est l'or, mérite universel.

(15) Neptune et Pallas se disputèrent l'honneur de donner le nom à la ville d'Athènes.

(16) De couleur entre le vert et bleu. Cet adjectif ne s'emploie guère plus qu'en parlant des yeux de Minerve.

Ces amants, quoique épris d'un désir mutuel,
N'osoient au blond Hymen sacrifier eucore,
Faute de ce métal que tout le monde adore.
Amour s'en passeroit; l'autre état ne le peut :
Soit raison, soit abus, le sort ainsi le veut.
Cette loi, qui corrompt les douceurs de la vie,
Fut par le jeune amaut d'une autre erreur suivie.
Le démon des combats vint troubler l'univers :
Un pays contesté par des peuples divers
Engagea Telamon dans un dur exercice;
Il quitta pour un temps l'amoureuse milice.
Cloris y consentit, mais non pas sans douleur.
Il voulut mériter son estime et sou cœur.
Pendant que ses exploits terminent la querelle,
Un parent de Cloris meurt, et laisse à la belle
D'amples possessions et d'immenses trésors:
Il habitoit les lieux où Mars régnoit alors.
La belle s'y transporte: et partout révérée,
Partout des deux partis Cloris considérée
Voit de ses propres yeux les champs où Telamon
Venoit de consacrer un trophée à son nom.
Lui de sa part accourt et tout couvert de gloire,
Il offre à ses amours les fruits de sa victoire.
Leur rencontre se fit non loin de l'élément
Qui doit être évité de tout heureux amant.
Dès ce jour l'âge d'or les eût joints sans mystère:
L'âge de fer en tout a coutume d'en faire.
Cloris ne voulut done couronner tous ces biens
Qu'au sein de sa patrie, et de l'aveu des siens.
Tout chemin, hors la mer, alongeant leur souffrance,
Ils commettent aux flots cette douce espérance.
Zephyre les suivoit: quand, presque en arrivant,
Un pirate survient, prend le dessus du vent,
Les attaque, les bat. En vain, par sa vaillance,
Télamon jusqu'au bout porte la résistance :
Après un long combat son parti fut défait,
Lui pris: et ses efforts n'eurent pour tout effet
Qu'un esclavage indigne. O dieux! qui l'eût pu croire!
Le sort, sans respecter ni son saug, ni sa gloire,
Ni son bonheur prochain, ni les vœux de Cloris

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