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N'ayant trait qui ne plût, pas même en ses rigueurs :
Quelle l'eût-on trouvée au fort de ses faveurs !

Le jeune et beau Daphuis, berger de noble race,
L'aima pour son malheur: jamais la moindre grâce,
Ni le moindre regard, le moindre mot enfin,
Ne lui fut accordé par ce cœur inhumain.
Las de continuer une poursuite vaine,
Il ne songea plus qu'à mourir.

Le désespoir le fit courir

A la porte de l'inhumaine.

Hélas! ce fut aux vents qu'il raconta sa peine ;
On ne daigna lui faire ouvrir

Cette maison fatale, où, parmi ses compagnes,
L'ingrate, pour le jour de sa nativité (1),
Joignoit aux fleurs de sa beauté

Les trésors des jardins et des vertes campagnes.
J'espérois, cria-t-il, expirer à vos yeux;
Mais je vous suis trop odieux,

Et ne m'étonne pas qu'ainsi que tout le reste
Vous me refusiez même un plaisir si funeste.
Mon père, après ma mort, et je l'en ai chargé,
Doit mettre à vos pieds l'héritage
Que votre cœur a négligé.

Je veux que l'on y joigne aussi le pâturage,
Tous mes troupeaux, avec mon chien ;
que du reste de mon bien

Et

Mes compagnons fondent un temple
Où votre image se conteniple,

Renouvelant de fleurs l'autel à tout moment.
J'aurai, près de ce temple, un simple monument:
On gravera sur la bordure:

Daphnis mourut d'amour: Passant, arrête-toi, "Pleure, et dis: Celui-ci succomba sous la loi "De la cruelle Alcimadure."

A ces mots, par la Parque il se sentit atteint:
Il auroit poursuivi; la douleur le préviut.

(1) Nativité pour naissance ne se dit que de notre Seigneur de la Sainte Vierge, et de Saint Jean-Baptiste.

Son ingrate sortit triomphante et parée.
On voulut, mais en vain, l'arrêter un moment
Pour donner quelques pleurs au sort de son amant:
Elle iusalta toujours au fils de Cythérée,
Menant dès ce soir même, au mépris de ses lois,
Ses compagnes danser autour de sa statue.
Le dieu tomba sur elle, et l'accabla du poids:
Une voix sortit de la nue,

Echo redit ces mots dans les airs répandus:
"Que tout aime à présent: l'insensible n'est plus."
Cependant de Daphnis l'ombre au Styx descendue
Frémit et s'étonna la voyant accourir.

Tout l'Erèbe entendit cette belle homicide
S'excuser au berger, qui ne daigna l'ouïr,

Non plus qu'Ajax Ulysse (2), et Didon son perfide (3).

(2) Homère dit qu'Ulysse adressa vainement la parole dans les enfers à Ajax qui ne daigna pas lui répondre.

(3) Virgile dit que Didon se conduisit de la même manière envers Enée qui l'avoit aban donnée.

XXVIII. Le Juge arbitre, l'Hospitalier, et le
Solitaire.

TROIS saints, également jaloux de leur salut,
Portés d'un même esprit, tendoient à même but.
Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses:
Tous chemins vont à Rome (1); ainsi nos concurrents
Crurent pouvoir choisir des sentiers différents.
L'un, touché des soucis, des longueurs, des traverses,
Qu'en apanage on voit aux procès attachés,
S'offrit de les juger sans récompense aucune,
Peu soigneux d'établir ici-bas sa fortune.

Depuis qu'il est des lois, l'homme, pour ses péchés,

(1) Proverbe qui signifie que divers moyens conduisent à la méme fin,

Se condamne à plaider la moitié de sa vie :
La moitié! les trois quarts, et bien souvent le tout
Le conciliateur crút qu'il viendroit à bout
De guérir cette folle et détestable envie.
Le second de nos saints choisit les hôpitaux.
Je le loue; et le soin de soulager les maux
Est une charité que je préfère aux autres.
Les malades d'alors, étant tels que les nôtres,
Dounoient de l'exercice au pauvre hospitalier;
Chagrins, impatients, et se plaignant sans cesse:
"Il a pour tels et tels un soin particulier.

"Ce sont ses amis; il nous laisse."
Ces plaintes n'étoient rien au prix de l'embarras
Où se trouva réduit l'appointeur (2) de débats.
Aucun n'étoit content; la sentence arbitrale
A nul des deux ne convenoit :

Jamais le juge ne tenoit

A leur gré la balance égale.

De semblables discours re: utoient l'appointeur :
Il court aux hôpitaux, va voir leur directeur.
Tous deux ne recueillant que plainte et que murmure,
Afligés, et contraints de quitter ces emplois,
Vont confier leur peine au silence des bois.
Là, sous d'âpres rochers, près d'une source pure,
Lieu respecté des vents, ignoré du soleil,
Ils trouvent l'autre saint, lui demandent conseil.
Il faut, dit leur ami, le prendre de soi-même.

Qui, mieux que vous, sait vos besoins? Apprendre à se connoître est le premier des soins Qu'impose à tous mortels la majesté suprême. Vous êtes-vous connus dans le monde habité? L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité: Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême. Troublez l'eau: vous y voyez-vous; Agitez celle-ci.-Comment nous verrions-nous ? La vase est un épais nuage

Qu'aux effets du crystal nous venons d'opposer.-
Mes frères, dit le saint, laissez-la reposer,

(2) Celui qui vouloit accommoder les procès.

Vous verrez alors votre image.

Pour vous mieux contempler, demeurez au désert.
Ainsi parla le solitaire.

Il fut cru; l'on suivit ce conseil salutaire.

Ce n'est pas qu'un emploi ne doive être souffert
Puisqu'on plaide et qu'on meurt, et qu'on devient malade,
Il faut des médecins, il faut des avocats.

Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas :
Les honneurs et le gain, tout me le persuade.
Cependant on s'oublie en ces communs besoins.
O vous, dont le public emporte tous les soins,
Magistrats, princes et ministres,

Vous que doivent troubler mille accidents sinistres,
Que le malheur abat, que le bonheur corrompt,
Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.
Si quelque bon moment à ces pensers vous donne,
Quelque flatteur vous interrompt.

Cette leçon sera la fin de ces ouvrages:
Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir!
Je la présente aux rois, je la propose aux sages:
Par où saurois-je mieux finir?

FIN DES FABLES.

૨૩

PHILÉMON ET BAUCIS.

SUJET TIRÉ DES MÉTAMORPHOSES D'OVIDE.

A MGR. LE DUC DE VENDOME.

Ni l'or ni la grandeur ne nous rendeut heureux.
Ces deux divinités n'accordent à nos vœux

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Que des biens peu certains, qu'un plaisir peu tranquille:
Des soucis dévorans c'est l'éternel asile :
Véritables vautours, que le fils de Japet (1)
Représente, enchaîné sur son triste sommet.
L'humble toit est exempt d'un tribut si funeste.
Le sage y vit en paix, et méprise le reste:
Content de ces douceurs, errant parmi les bois,
Il regarde à ses pieds les favoris des rois :
Illit au front de ceux qu'un vain luxe environne
Que la Fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne.
Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour;

Rien ne trouble sa fin: c'est le soir d'un beau jour.

Philémon et Baucis nous en offrent l'exemple:
Tous deux virent changer leur cabane en un temple.
Hyménée et l'Amour, par des désirs constants,
Avoient uni leurs cœurs dès leur plus doux printemps :

(1) Prométhée.

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