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Comme le nombre d'œufs, grâce à la renommée,
De bouche en bouche alloit croissant,
Avant la fin de la journée

Ils se montoient à plus d'un cent.

VII. Le Chien qui porte à son cou le dîné de son maître.

Nous n'avons pas les yeux à l'épreuve des Belles,
Ni les mains à celle de l'or:

Peu de gens gardent un trésor
Avec des soins assez fidèles.

Certain chien, qui portoit la pitance au logis,
S'étoit fait un collier du diné de son maître.
Il étoit tempérant, plus qu'il n'eût voulu l'être
Quand il voyoit un mets exquis;

Mais enfin il l'étoit: et, tous tant que uous sommes,
Nous nous laissons tenter à l'approche des biens.
Chose étrange! on apprend la tempérance aux chiens,
Et l'on ne peut l'apprendre aux hommes !
Ce chien ei donc étant de la sorte atourné (1),
Un mâtin passe, et veut lui prendre le dîné.
Il n'en eut pas toute la joie

Qu'il espéroit d'abord: le chien mit bas la proie
Pour la défendre mieux n'en étant plus chargé.

Grand combat. D'autres chiens arrivent:
Ils étoient de ceux-là qui vivent
Sur le public, et craignent peu les coups.
Notre chien se voyant trop foible contre eux tous,
Et que la chair couroit un danger manifeste,
Voulut avoir sa part: et, lui sage, il leur dit:
Point de courroux, messieurs; mon lopin (2) me suffit:
Faites votre profit du reste.

(1) Arrangé, ajusté.

(2) Morceau de viande,

A ces mots, le premier, il vous happe un morceau;
Et chacun de tirer, le mâtin, la canaille,

A qui mieux mieux; ils firent tous ripaille (3);
Chacun d'eux eut part au gâteau.

Je crois voir en ceci l'image d'une ville
Où l'on met les deniers à la merci des gens.

Echevins, prévôt des marchands,

Tout fait sa main: le plus habile

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Donne aux autres l'exemple; et c'est un passe-temps,
De leur voir nettoyer un monceau de pistoles.
Si quelque scrupuleux, par des raisons frivoles,
Veut défendre l'argent, et dit le moindre mot,
On lui fait voir qu'il est un sot.
Il n'a pas de peine à se rendre:
C'est bientôt le premier à prendre.

(3) Grande chère. Il est populaire.

VIII. Le Rieur et les Poissons..

ON cherche les rieurs, et moi je les évite ;
Cet art veut, sur tout autre, un suprême mérite;
Dieu ne créa que pour les sots

Les méchants diseurs de bons mots..
J'en vais peut-être en une fable
Introduire un: peut-être aussi

Que quelqu'un trouvera que j'aurai réussi..

Un rieur étoit à la table

D'un financier, et n'avoit en son coin. Que de petits poissons: tous les gros étoient loin. Il prend donc les menus, puis leur parle à l'oreille; Et puis il feint, à la pareille, D'écouter leur réponse. On demeura surpris : Cela suspendit les esprits.

Le rieur alors, d'un ton sage,

Dit qu'il craignoit qu'un sien (1) ami,
Pour les grandes Indes parti,

N'eût depuis un an fait naufrage.

Il s'en informoit donc à ce menu fretin (2):

Mais tous lui répondoient qu'ils n'étoient pas d'un âge
A savoir au vrai son destin:

Les gros en sauroient davantage.

N'en puis-je donc, messieurs, un gros interroger?
De dire si la compagnie

Prit goût à la plaisanterie,

J'en doute: mais enfin il les sut engager

A lui servir d'un monstre assez vieux pour lui dire
Tous les noms des chercheurs (3) de mondes inconnus
Qui n'en étoient pas revenus,

Et que depuis cent ans sous l'abîme (4) avoient vus
Les anciens du vaste empire.

(1) Un des ses amis. Un (3) Les voyageurs.

sien ami est vieux.

(4) La mer.

(2) Petit poisson.

IX. Le Rat et l'Huître.

UN rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle,
Des lares (1) paternels un jour se trouva soû.
Il laisse là le champ, le grain et la javelle,
Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu'il fut hors de la case:

1

Que le monde, dit-il, est grand et spacieux!
Voilà les Apennins (2), et voici le Caucase (3)!
La moindre taupinée étoit mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours le voyageur arrive
En un certain canton où Thétis (4) sur la rive

Maison.

(3) Grande montagne

(2) Hautes montagnes en Asie. Italie.

en.

(4) La mer. Thétis en est la déesse.

Avoit laissé mainte huître: et notre rat d'abord
Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord.
Certes, dit-il, mon père étoit un pauvre sire!
Il n'osoit voyager, craintif au dernier point.
Pour moi j'ai déjà vu le maritime empire :
J'ai passé les déserts, mais nous n'y bûmes point.
D'un certain magister le rat tenoit ces choses,
Et les disoit à travers champs;

N'étant

pas de ces rats qui, les livres rongeants (5),
Se fout savants jusques aux dents (6).
Parmi tant d'huîtres toutes closes

Une s'étoit ouverte; et, bâillant au soleil,
Par un doux zéphyr réjouie,

Humoit l'air, respiroit, étoit épanouie,

Blanche, grasse, et d'un goût, à la voir, nonpareil.
D'aussi loin que le rat voit cette huître qui bâille
Qu'aperçois-je? dit-il; c'est quelque victuaille!
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd'hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus maître rat, plein de belle espérance,
Approche de l'écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs; car l'huître tout d'un coup
Se referme. Et voilà ce que fait l'ignorance.

Cette fable contient plus d'un enseignement.
Nous y voyons premièrement

Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience
Sont, aux moindres objets, frappés d'étonnement:
Et puis, nous y pouvons apprendre

Que tel est pris qui croyoit prendre.

(5) Le participe présent ac- (6) S'instruisent autant qu'ils compagné d'un régime est tou- peuvent.

jours indéclinable.

rongeant les livres.

Il falloit

X. L'Ours, et l'Amateur des jardins.

CERTAIN ours montagnard, ours à demi léché,
Confiné par le sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellerophon (1), vivoit seul et caché.
Il fût devenu fou: la raison d'ordinaire
N'habite pas long-temps chez les gens séquestrés (2).
Il est bon de parler, et meilleur de se taire;
Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés,
Nul animal n'avoit affaire

Dans les lieux que l'ours habitoit ;
Si bien que, tout ours qu'il étoit,

Il vint à s'ennuyer de cette triste vie.
Pendant qu'il se livroit à la mélancolie,
Non loin de là certain vieillard
S'ennuyoit aussi de sa part.

Il aimoit les jardins, étoit prêtre de Flore (3),
Il l'étoit de Pomone (4) encore.

Ces deux emplois sont beaux; mais je voudrois parmi
Quelque doux et discret ami.

Les jardins parlent peu, si ce n'est dans mon livre:
De façon que, lassé de vivre

Avec des gens muets, notre homme, un beau matin,
Va chercher compagnie, et se met en campagne.
L'ours, porté d'un même dessein,
Venoit de quitter sa montagne.
Tous deux, par un cas surprenant,
Se rencontrent en un tournant.

L'homme eut peur: mais comment esquiver? et que
Se tirer en Gascon (5) d'une semblable affaire
Est le mieux: il sut donc dissimuler sa peur.

(1) Prince valeureux qui, après avoir fait beaucoup d'exploits, se retira dans un désert pour rompre tout commerce avec les hommes.

faire?

(2) Séparés des autres. (3) Déesse des fleurs. (4) Déesse des fruits. (5) Adroitement avec effronterie.

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