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Voyez ces animaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres.

Etes-vous satisfait? Moi! dit-il; pourquoi non ?
N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres?
Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché:
Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché (15;
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre,
L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'alloit plaindre.
Tant s'en faut (2); de sa forme il se loua très-fort:
Glosa (3) sur l'éléphant, dit qu'on pourroit encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ;

Que c'étoit une masse informe et sans beauté.
L'éléphant étant écouté,

Tout sage qu'il étoit, dit des choses pareilles:
Il jugea qu'à son appétit (4)

Dame baleine étoit trop grosse.
Dame fourmi trouva le ciron (5) trop petit,
Se croyant, pour elle, un colosse.
renvoya s'étant censurés tous,

Jupin les

Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous
Notre espèce excella; car tout ce que nous sommes,
Lynx (6) envers nos pareils, et taupes (7) envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes:
On se voit d'un autre ceil qu'on ne voit son prochain.
Le fabricateur souverain (8)

Nous créa besaciers (9) tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui:
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.

(1) Imparfaitement formé. (2) Au contraire.

(3) Critiqua, trouva à redire. (4) A son goût, suivant son idée.

(5) Insecte presque imperceptible qui s'engendre entre cuir et chair.

(6) Animal sauvage, qui est renommé pour avoir la vue trèsperçante.

(7) Petit animal qui vit sous terre et auquel on refusoit la faculté de voir.

(8) Le Créateur.

(9). Gens portant une besace, qui est une espèce de sac ouvert par le milieu, et fermé par les deux bouts, en sorte qu'il forme deux poches.

VIII. L'Hirondelle et les petits Oiseaux.

UNE hirondelle en ses voyages

Avoit beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu
Peut avoir beaucoup retenu.
Celle-ci prévoyoit jusqu'aux moindres orages,
Et, devant qu'ils fussent éclos,

Les annonçoit aux matelots.

Il arriva qu'au temps que la chanvre (1) se sème
Elle vit un manant (2) en couvrir maints (3) sillons.
Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux oisillons (4);
Je vous plains; car pour moi, dans ce péril extrême,
Je saurai m'éloigner ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ?
Un jour viendra, qui n'est pas loin,
Que ce qu'elle répand sera votre ruine.
De là naîtront engins (5) à vous envelopper,
Et lacets pour vous attraper,
Enfin mainte et mainte machine
Qui causera dans la saison
Votre mort ou votre prison :
Gare la cage ou le chaudron!
C'est pourquoi, leur dit l'hirondelle,
Mangez ce grain; et croyez-moi.
Les oiseaux se moquèrent d'elle:
Ils trouvoient aux champs trop de quoi,
Quand la chenevière (6) fut verte,
L'hirondelle leur dit: Arrachez brin à brin (7)
Ce qu'a produit ce maudit grain;
soyez sûrs de votre perte.

Ou

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(5) Vieux mot qui signifie industrie, et instruments dans les méchaniques, et ici filets à prendre les oiseaux.

(6) Champ semé de chanvre, (7) L'un après l'autre.

Prophète de malheur ! babillarde! dit-on,
Le bel emploi que tu nous donnes *
Il nous faudroit mille pèrsonnes
Pour éplucher tout ce canton.
La chanvre étant tout à fait crûe,
L'hirondelle ajouta: Ceci ne va pas bien;
Mauvaise graine est tôt venue.

Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien,
Dès que vous verrez que la terre
Sera couverte (8), et qu'à leurs blés
Les gens n'étant plus occupés
Feront aux oisillons la guerre,
Quand reginglettes (9) et réseaux
Attraperont petits oiseaux,

Ne volez plus de place en place,
Demeurez au logis; ou changez de climat,
Imitez le canard, la grue et la bécasse.
Mais vous n'êtes pas en état

De passer, comme nous, les déserts et les ondes,
Ni d'aller chercher d'autres mondes:

C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr;
C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur.
Les oisillons, las de l'entendre,

Se mirent à jaser aussi confusément

Que faisoient les Troyens quand la pauvre Cassandre (10) Ouvroit la bouche seulement.

Il en prit aux uns comme aux autres :

Maint oisillon se vit esclave retenu.

Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu.

(8) Ensemencée.

(9) Mot provincial qui signife trebuchet, ou quelque autre espèce de piége pour attraper les oiseaux,

10) Prophétesse, fille de Priam, dont on méprisa les prophéties pendant la guerre de Troie,

IX. Le Rat de ville et le Rat des champs.

AUTREFOIS le rat de ville
Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans (1).

Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.

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X. Le Loup et l'Agneau. 1

La raison du plus fort est toujours la meilleure.
Nous l'allons montrer tout à l'heure.

Un agneau se désaltéroit

Dans le courant d'une onde p

pure.

Un loup survient à jeun, qui cherchoit aventure,
Et que la faim en ces lieux attiroit.

Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?
Dit cet animal plein de rage;
Tu seras châtié de ta témérité.

Sire, répond l'agneau, que votre majesté
Ne se mette pas en colère;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,

Plus de vingt pas au-dessous d'elle ;
Et que, par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.

Tu la troubles! reprit cette belle cruelle;
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurois-je fait si je n'étois pas né?
Reprit l'agneau; je tette encor ma mère.-
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.-

Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens
Car vous ne m'épargnez guère,

Vous, vos bergers et vos chiens.
On me l'a dit: il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond, des forêts,

Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

XI. L'Homme et son Image.

POUR M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULT.

UN homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux,
Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde:
Il accusoit toujours les miroirs d'être faux,
Vivant plus que content dans son erreur profonde.

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