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Fut pris par un pêcheur au bord d'une rivière.'
Tout fait nombre, dit l'homme, en voyant son butin:
Voilà commencement de chère et de festin:

Mettons-le en notre gibecière.

Le pauvre carpillon lui dit en sa manière :
Que ferez-vous de moi? je ne saurois fournir
Au plus qu'une demi-bouchée.
Laissez-moi carpe devenir:

Je serai par vous repêchée;

Quelque gros partisan (2) m'achetera bien cher.
Au lieu qu'il vous en faut chercher

Peut-être encore cent de ma taille

Pour faire un plat! quel plat! croyez-moi, rien qui vaille.
Rien qui vaille! eh bien! soit, repartit le pêcheur:
Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,
Vous irez dans la poêle; et, vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire.

Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras (3). L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.

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UN animal cornu blessa de quelques coups
Le lion, qui, plein de courroux,
Pour ne plus tomber en la peine,
Banuit des lieux de son domaine

Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, béliers, laureaux, aussitôt délogèrent;
Daims et cerfs de climat changèrent :
Chacun à s'en aller fut prompt.
Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,

Craignit que quelque inquisiteur (1)
N'allât interprêter à cornes leur longueur,
Ne les soutint en tout à des cornes pareilles.
Adieu, voisin grillon, dit-il, je pars d'ici :
Mes oreilles enfin seroient cornes aussi;

Et quand je les aurois plus courtes qu'une autruche (2),
Je craindrois même encore. Le grillon repartit:

Cornes cela ! Vous me prenez pour cruche!
Ce sont oreilles que Dieu. fit.

On les fera passer pour cornes,

Dit l'animal craintif, et cornes de licornes (3).
J'aurai beau protester; mon dire et mes raisons
Iront aux petites maisons (4).

(1) Délateur qui fait métier de noircir les actions des autres. (2) Gros oiseau qui a les oreilles très-courtes.

(3) Animal sauvage qui, se

lon quelques relations, a une corne au milieu du front.

(4) Lieu ou l'on renferme les fous à Paris.

V. Le Renard ayant la queue coupée.

UN vieux renard, mais des plus fins, Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins, Sentant sou-renard d'une lieue (1) Fut enfin au piége attrapé,

Par grand hasard en étant échappé, Non pas franc, car pour gage il y laissa sa queue; S'étant, dis-je, sauvé sans queue et tout honteux, Pour avoir des pareils (comme il étoit habile), Un jour que les renards tenoient conseil entre eux ; Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile, Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ? Que nous sert cette queue? Il faut qu'on se la coupe; Si l'on me croit, chacun s'y résoudra.

(1) Ayant l'air d'être un des renards les plus fins et les plusrusés.

Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe ;
Mais tournez-vous, de grâce; et l'on vous répondra.
A ces mots il se fit une telle huée (2),

Que le pauvre écourté (3) ne put être entendu.
Prétendre ôter la queue eût été temps perdu;
La mode en fut continuée.

(2) Cris de dérision qu'une assemblée de gens fait contre quelqu'un.

(3) Sans queue.

VI. La Vieille et les deux Servantes.

Il étoit une vieille ayant deux chambrières :
Elles filoient si bien, que les sœurs filandières (1)
Ne faisoient que brouiller au prix de celles-ci.
La vieille n'avoit point de plus pressant souci
Que de distribuer aux servantes leur tâche.
Dès que Thétis (2) chassoit Phébus (3) aux crins do-
rés (4),

Tourets entroient en jeux, fuseaux étoient tirés,
Deçà, delà, vous en aurez:

Point de cesse, point de relâche.

Dès que l'aurore, dis-je, en son char remontoit,
Un misérable coq à point nommé chantoit :
Aussitôt notre vieille, encore plus misérable,
S'affubloit d'un jupon crasseux et détestable,
Allumoit une lampe, et couroit droit au lit
Où, de tout leur pouvoir, de tout leur appétit,

Dormoient les deux pauvres servantes.
L'une entr'ouvroit un œil, l'autre étendoit un bras;
Et toutes deux très-mal contentes,

Disoient entre leurs dents: Maudit coq! tu mourras!

(1) Les trois parques, occu

pées à filer la vie des hommes. (2) Déesse de la mer.

(3) Le soleil.

(4) Dès que le jour commençoit à paroître. છે

Comme elles l'avoient dit la bête fut grippée:
Le réveille-matin (5) eut la gorge coupée.

Ce meurtre n'amenda nullement leur marché :
Notre couple, au contraire, à peine étoit couché,
Que la vieille, craignant de laisser passer l'heure,
Couroit comme un lutin par toute sa demeure.

C'est ainsi que, le plus souvent,
Quand on pense sortir d'une mauvaise affaire,
On s'enfonce encor plus avant :
Témoin ce couple et son salaire.
La vieille, au lieu du coq, les fit tomber
De Charibde en Scylla (6).

(5) Le coq qui chante au point du jour.

(6) D'un mal dans un autre. Charibde et Scylla sont deux.

par là

écueils également dangereux dans le détroit qui sépare la Siçile de l'Italie.

VII. Le Satyre et le Passant.

Au fond d'un antre sauvage
Un satyre et ses enfants

Alloient manger leur potage

Et prendre l'écuelle aux dents (1)..

On les eût vus sur la mousse,
Lui, sa femme, et maint petit:
Ils n'avoient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.

Pour se sauver de la pluie,
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie;
Il n'étoit pas attendu.

(1) Prendre la première bouchész

Son hôte n'eut pas la peine
De le semondre (2) deux fois.
D'abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts:

Puis sur le mets qu'on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.
Le satyre s'en étonne:

Notre hôte! à quoi bou ceci ?

L'un réfroidit mon potage,
L'autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin :

Ne plaise aux dieux que je couche
Avec vous sous même toit!
Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid (3)!

(2) Vieux mot qui signifie inviter, convier à quelque action publique. On s'en sert encore à l'infinitif dans ces phrases, semondre à des obsè

ques, semondre le parlement.

(3) Loue et blâme une même chose, parle pour et contre une personne.

VIII. Le Cheval et le Loup.

UN certain loup, daus la saison
Que (1) les tiédes zéphirs ont l'herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maison
Pour s'en aller chercher leur vie :
Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver,
Aperçut un cheval qu'on avoit mis au vert (2).
Je laisse à penser quelle joie.

(1) Dans la saison que n'est

pas exact; il faut où.

(2) Mis dans un pré pour y manger de l'herbe.

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