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RONSARD

RONSARD (Pierre), né au château de la Poissonnière dans le Vendomois, en 1524, a joui de son temps d'une immense réputation. Il fut proclamé le prince des poëtes et le poëte par excellence. Mais, dit Boileau,

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La réaction alla trop loin. Il y avait autant d'injustice à mépriser Ronsard qu'à le mettre à côté d'Homère. On ne peut lui refuser une imagination brillante et féconde, de la verve et de l'enthousiasme. Sans doute ces qualités sont déparées souvent chez lui par des absurdités inouïes: par exemple, quand il appelle les poëtes des mâchelauriers; le temps, un vilain mangeard; le soleil, l'astre perruqué de lumière, ou Apollon porte-perruque, etc. Mais, malgré ce mélange bizarre du grotesque et du sublime, ses pas restèrent empreints sur la carrière que son élan irrégulier avait parcourue. Depuis ce poëte, et à son exemple, la période poétique s'arrondit; on chercha la noblesse, on regarda le style comme un art. La disposition alternative des rimes devint une loi rigoureuse; on connut mieux la coupe des vers; on sentit l'harmonie du rhythme; les genres différents s'isolèrent, et peu à peu l'on vit se débrouiller ce chaos barbare au milieu duquel ceux qui ne connaissent de Ronsard que sa renommée s'étonnent de voir briller de si vives lueurs de talent. Ronsard a préparé Malherbe, qui le détrôna.

A l'imitation de ce qui s'était fait sous les Ptolémées, Ronsard imagina une pléiade poétique dont il occupait le centre. Auprès de lui il admettait Dorat, Jamyn, du Bellay, Belleau, Jodelle et Pontus de Tiard, ou, par variante, Baïf, Scévole de Sainte-Marthe et Muret; cette constellation nouvelle fut aussitôt consacrée par le suffrage universel. Ronsard mourut au prieuré de Saint-Cosme-lez-Tours, l'un de ses bénéfices, le 27 décembre 1585. On lui décerna des honneurs presque divins; toute la France porta son deuil. Ce poëte a laissé des hymnes, des odes, un poëme intitulé la Franciade, des églogues, des épigrammes, des sonnets.

A PIERRE LESCOT

Puisque Dieu ne m'a fait pour supporter les armes
Et mourir tout sanglant au milieu des alarmes,
En imitant les faits de mes premiers ayeux,
Je ne veux cependant demeurer ocieux;
Mais, comme je pourray, je veux laisser mémoire
Que j'allai sur Parnasse acquérir de la gloire,
Afin que mon renom, des siècles non vaincu,
Rechante à mes neveux qu'autrefois j'ai vécu,
Caressé d'Apollon et des Muses aimées,

Que j'ai plus que ma vie en mon âge estimées.
Pour elles à trente ans j'avois le chef grison,
Maigre, pâle, défait, enclos en la prison
D'une mélancholique et rhumatique estude,
Renfrogné, mal courtois, sombre, pensif et rude,
Afin qu'en me tuant, je pense recevoir
Quelque peu de renom pour un peu de sçavoir.
Je fus souventefois retancé de mon père,
Voyant que j'aimois trop les deux filles d'Homère
Et les enfants de ceux qui doctement ont scu
Enfanter en papier ce qu'ils avoient conçeu;
Et me disoit ainsi : Pauvre sot! tu t'amuses
A courtiser en vain Apollon et les Muses.
Que te sçauroit donner ce beau chantre Apollon?
Qu'une lyre, un archet, une corde, un fredon,
Qui se répand au vent ainsi qu'une fumée,
Ou comme poudre en l'air vainement consumée.
Que te sçauroient donner les Muses qui n'ont rien?
Sinon autour du chef, je ne sçais quel lien
De myrte, de lierre, ou d'une amorce vaine
Rallécher tout un jour au bord d'une fontaine,

Ou dedans un vieil antre, afin d'y reposer
Ton cerveau mal rassis, et béant composer
Des vers qui te feront, comme plein de manie,
Appeler un bon fol en toute compagnie?

Laisse ce froid mestier, qui jamais en avant
N'a poussé l'artizan, tant y fust-il sçavant,
Mais avec sa fureur qu'il appelle divine,
Meurt tousjours accueilly d'une palle famine.
Homère, que tu tiens si souvent en les mains,
Qu'en ton cerveau mal sain comme dieu tu te peins,
N'eust jamais un liard: si bien que sa vielle
Et sa Muse qu'on dit qui eust la voix si belle
Ne le sçeurent nourrir, et falloit que sa fain
D'huis en huis mendiast le misérable pain.

Laisse-moy, pauvre sot, ceste science folle, Hante-moy le palais, caresse-moy Barthole, Et d'une voix dorée au milieu d'un parquet Aux dépens d'un pauvre homme exerce ton caquet; Et fumeux et sueux, d'une bouche tonnante, Devant un président, mets-moi ta langue en vente. On peut, par ce moyen, aux richesses monter, Et se faire du peuple en tous lieux bonneter. Ou bien embrasse-moy l'argenteuse science Dont le sage Hipocras eust tant d'expérience, Grand honneur de son isle; encor que son mestier Soit venu d'Apollon, il s'est fait héritier Des biens et des honneurs; et à la poésie Sa sœur n'a rien laissé qu'une lyre moisie.

Ainsi, en me tançant, mon père me disoit, Tantost que le soleil hors de l'eau conduisoit Ses coursiers galoppant par le pénible trette, Tantost quand vers le soir il plongeoit sa charrette,

Ou la nuit quand la lune avec ses noirs chevaux,
Creuse et pleine, reprend l'erre de ses travaux.
O qu'il est malaisé de forcer la nature!
Toujours quelque génie, ou l'influence dure
D'un astre, nous invite à suivre, maugré tous,
Le dessein qu'en naissant il versa dessus nous.
Pour menace ou prière, ou courtoise requeste
Que mon père me fist, il ne sceut de ma teste
Oster la poésie, et plus il me tançoit,

Plus à faire des vers ma fureur me poussoit.

Je n'avois pas douze ans qu'au profond des vallées, Dans les hautes forest des hommes recullées, Dans les antres secrets de frayeur tout couverts, Sans avoir soin de rien, je composois mes vers. Écho me répondoit, et fantastiques fées Autour de moy dansoient, à costes desgrafées. Je fus premièrement curieux du latin; Mais voyant par effet que mon cruel destin Ne m'avoit dextrement pour le latin fait naistre, Je me fis tout François, aimant certes mieux estre En ma langue ou second, ou le tiers, ou premier, Que d'estre sans honneur à Rome le dernier.

Donc suivant ma nature aux Muses inclinée, Sans contraindre ou forcer ma propre destinée, J'enrichy notre France, et pris en gré d'avoir, En servant mon pays, plus d'honneur que d'avoir.

L'ALOUETTE

Hé Dieu! que je porte d'envie
Aux plaisirs de ta douce vie,
Alouette, qui de l'amour

Dégoises dès le point du jour,
Secouant en l'air la rosée

Dont ta plume est toute arrosée !
Devant que Phœbus soit levé,
Tu enlèves ton corps lavé,
Pour l'essuyer près de la nue,
Trémoussant d'une aile menue;
Et te sourdant à petits bonds,
Tu dis en l'air de si doux sons
Composés de ta tirelire,

Qu'il n'est homme qui ne désire,
T'oyant chanter au renouveau,
Comme toi devenir oiseau.

Quand ton chant t'a bien amusée,
De l'air tu tombes en fusée,
Qu'une jeune fillette au soir,
De sa quenouille laisse cheoir
Quand au foyer elle sommeille,
Frappant son sein de son aureille,
Et son tors fuseau délié

Loin de sa main roule à son pié :
Ainsi tu roules, alouette,

Ma doucelette, mignonette,
Qui plus qu'un rossignol me plais,
Chantant en un bocage épais.
Tu vis sans offenser personne,
Ton bec innocent ne moissonne
Le froment, comme ces oiseaux
Qui font aux hommes mille maux,
Soit que le bled rongent en herbe,
Ou soit qu'ils l'égrainent en gerbe;

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