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VI

GUET-APENS TENDU PAR UN ÉVÊQUE A UN PASTEUR

PROSCRIT

(Extrait de l'Histoire des Eglises réformées de Pons, par Crottet, p. 166 et suiv.)

« Le récit suivant que nous devons à M. Fortet, curé de Pons, et que nous extrayons mot à mot d'un registre de baptêmes et de mariages de la paroisse de SaintMartin, déposé à la mairie, dans lequel il l'avait inséré, sans prévoir que ce recueil pourrait sortir un jour de la sacristie, nous fait connaître un infâme guet-apens dressé par le chef du diocèse, pour surprendre le malheureux ministre.

« Vers le mois de mai 1754, dit-il, vint s'établir à « Pons avec sa femme un homme qui se nomma Syn<< tier et qui paraissait être de quelque considération. « M. Syntier parut d'abord un zélé protestant; il ne << voulait avoir aucune communication avec les catho

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liques, pas même pour les marchandises dont il avait « besoin. Les protestants de Pons lui donnèrent toute << leur confiance. Sa femme vint à accoucher au com«<mencement de novembre; n'ayant point apporté son << enfant à l'église, le curé soussigné alla avec le sieur Paroissier, son vicaire, chez le sieur Syntier. Il ne « s'y trouva point, la dame qui commençait à se le«< ver se présenta et dit que son enfant était baptisé par «< ces Messieurs. Le curé fit sa déclaration au greffe, et

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« en conséquence le procureur fiscal envoya dire au «sieur Syntier de porter son enfant à l'église. Le len<< demain le sieur Syntier opposa au curé une lettre, de « M. l'évêque. Elle était du 18 novembre 1754, conçue << en ces termes : J'ai des raisons essentielles, Mon« sieur, pour souhaiter que l'on ne presse pas le sieur « de Syntier votre paroissien, de porter son enfant à « l'église pour y recevoir le baptême. Je vous prie donc «de ne faire aucune démarche d'ici à trois semaines. « Si l'enfant venait d'ici-là en danger, j'ai des per«sonnes de confiance qui y veillent et qui auront soin « de faire anticiper le temps pour éviter les accidents. « J'ai l'honneur, etc. Sur cette lettre le curé resta tran«quille. Peu de jours après, M. Syntier fit baptiser son <«< enfant par un ministre. Il pria ce ministre à dîner « pour le lendemain. Mais les protestants commen«<çaient à soupçonner M. Syntier. Ils lui voyaient faire « de fréquents voyages à Saintes. Le ministre refusa « de diner chez lui. Dans la nuit, M. Syntier avait en«voyé avertir les cavaliers de la maréchaussée de Saint« Genis par une espèce de soldat qu'on disait son beau« frère, et qui demeurait chez lui depuis environ deux « mois. Les cavaliers arrivèrent de grand matin à l'auberge du petit Saint-Jean, près de la croix de « Saint-Vivien. Un instant après, le ministre passa à «< cheval accompagné de deux personnes. Les cavaliers « montèrent promptement à cheval et coururent après «<le ministre. Ils l'atteignirent au carrefour qui conduit « à Chardon. Ceux qui accompagnaient le ministre se «mirent en défense; ils tirèrent sur les cavaliers, et « ceux-ci en tuèrent un qui était gentilhomme d'auprès

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<< de Sainte-Foy; ils en prirent un autre, mais dès le «commencement du combat le ministre se sauva au

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galop, et il ne fut pas possible de le reprendre. Les <<< cavaliers chargèrent le mort sur son cheval et garrot«tèrent l'autre qui était diacre; ils les passèrent par << Coudenne et le champ de foire pour les conduire à «Saintes. M. Syntier et son beau-frère allèrent pour le <<< reconnaître. Les cavaliers firent semblant de les éloigner, mais les protestants ne prirent point le change; ils prirent Syntier comme un espion et ils « lui auraient fait un mauvais parti. Sur-le-champ «M. Syntier se retira avec son beau-frère, et ils ne parurent plus à Pons. Quelques jours après, Madame Syntier s'en alla aussi escortée par les cavaliers de la «< maréchaussée. On a dit qu'ils se retirèrent à la Ro«< chelle et qu'ils y firent baptiser leur enfant.

<< Pour mieux donner le change aux Huguenots, quel«ques jours avant cette scène les cavaliers étaient ve«nus chez M. Syntier, ils y avaient paru faire une re«< cherche exacte pour trouver l'enfant et le porter à l'église, mais il ne s'y trouva pas. On savait sans << doute le temps de la visite. On avait mis l'enfant dans le voisinage et les cavaliers n'y cherchèrent point. »>

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Signé au registre: FORTET.

a Curé de Saint-Martin de Pons. »

« Cet odieux attentat ne découragea ni le pasteur, ni le troupeau. Au commencement de 1755, Louis Gibert reparut à Pons et rassembla les membres épargnés de cette ancienne Eglise au bois de Merlet, paroisse de Tanzac. Cette réunion fut fatale à quelques-uns des

assistants, qui furent saisis et conduits dans la prison de la Rochelle. M. Thomas de Riollet, l'un d'eux, qui remplissait les fonctions d'ancien, composa pendant sa captivité un petit écrit destiné à encourager ses frères de Pons que cet événement pouvait abattre, et à les engager à continuer à se réunir pour servir le Seigneur : «Ne délaissons point nos mutuelles assemblées, leur « écrivait-il de sa prison, comme quelques uns qui «< craignent soit les prisons, soit les amendes, les ban«nissements et les autres mortifications que l'on peut « nous faire ressentir dans ce monde... Ne faisons pas «< comme ceux qui vont avec le Seigneur jusqu'à la «< croix, et qui l'abandonnent; au contraire, quand nous « avons quelques chagrins, recourons à lui qui nous appelle avec un si grand amour, en disant: Vous << tous qui êtes fatigués, venez à moi et je vous soula

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« Voici quelques détails qui ne se trouvent point compris dans le récit de M. le curé Fortet et que nous ont donnés à diverses reprises les membres les plus âgés de nos églises.

« Louis Gibert était à Arvert lorsqu'on le pria de se rendre à Pons; il coucha dans la maison d'un ancien de l'église de Gemozac, nommé Bugeaud. Le gentilhomme qui l'accompagnait était le comte de Grace, qui s'employait activement au rétablissement des églises. En quittant Pons, ce dernier avait forcé Louis Gibert dont il appréciait l'utile ministère, à changer son cheval contre le sien. Ils ne cherchèrent point à résister aux cavaliers envoyés à leur poursuite. Ils refusèrent seulement de suspendre leur course, sur la som

mation qui leur en fut faite par eux, et c'est alors que les balles des cavaliers vinrent frapper l'infortuné gentilhomme qui montait le cheval qui leur avait été désigné comme celui du ministre. »

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