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Que de ce pas je me fasse raison.

Le Berger dit : C'est vers cette montagne.
En lui payant de tribut (1) un Mouton
Par chaque mois, j'erre dans la campagne
Comme il me plaît ; et je suis en repos.
Dans le moment qu'ils tenoient ce propos,
Le Lion sort, et vient d'un pas agile.
Le Fanfaron aussitôt d'esquiver.
O Jupiter! montre-moi quelque asyle,
S'écria-t-il, qui me puisse sauver !

La vraie épreuve de courage

N'est que dans le danger que l'on touche du doigt: Tel le cherchoit, dit-il, qui, changeant de langage, S'enfuit aussitôt qu'il le voit.

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Fables en chansons, L. V. fab. 6.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) En lui payant de tribut. Il seroit mieux de dire, en tribut. Il y a dans Phèdre une fable très-jolie dont la morale ne s'éloigne point de celle des deux apologues qu'on vient de lire. « Deux voya geurs rencontrent un voleur qui leur demande la bourse ou la vie. L'un des deux ayant mis l'épée à la main, se fait aussitôt justice de l'assassin, tandis que son timide compagnon avoit gagné au large; mais délivré de la peur par la mort du brigand, il accourt; et d'un air menaçant: qu'il vienne maintenant, dit-il, nous attaquer encore, il verra à qui il a affaire ». La réponse du brave est la morale de la fable française.

FABLE III.

Phoebus et Borée.

(Avant La Fontaine). ORIENTAUX. Lockman, fab. 34. GRECS. Plutarque (Préceptes de Mariage, T. II des Euvres Mor. trad. de Ricard, pag. 167.- LATINS. Avien, fab. 4.

BOREE et le Soleil (1) virent un voyageur
Qui s'étoit muni, par bonheur,

Contre le mauvais temps. On entroit dans l'Automne,
Quand la précaution aux voyageurs est bonne :
Il pleut; le Soleil luit (2); et l'écharpe d'Iris
Rend ceux qui sortent avertis

Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire.
Les Latins les nommoient douteux (3) pour cette affaire.
Notre homme s'étoit donc à la pluie attendu:
Bon manteau bien doublé (4), bonne étoffe bien forte.
Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu

A tous les accidens; mais il n'a pas prévu
Que je saurai souffler de sorte,

Qu'il n'est bouton qui tienne : il faudra, si je veux,
Que le manteau s'en aille au diable.

L'ébattement (5) pourroit nous en être agréable : Vous plaît-il de l'avoir? Et bien! gageons nous deux [Dit Phœbus], sans tant de paroles,

A qui plutôt aura dégarni les épaules

Du Cavalier que nous voyons.

Commencez je vous laisse cbscurcir mes rayons.

Il n'en fallut pas plus. Notre souffleur à gage

Se gorge de vapeurs (6), s'enfle comme un ballon,
Fait un vacarme (7) de démon,

Siffle, souffle, tempête, et brise en son passage,
Maint toit qui n'en peut mais (8), fait périr maint bateau:
Le tout au sujet d'un manteau (9).
Le Cavalier eut soin d'empêcher que l'orage.
Ne se pût engoufrer dedans.

Cela le préserva: le Vent perdit son temps;
Plus il se tourmentoit, plus l'autre tenoit ferme:
Il eut beau faire agir le colet et les plis.

Sitôt qu'il fut au bout du terme

Qu'à la gageure on avoit mis,
Le Soleil dissipe la nue,

Récrée, et puis pénètre enfin le Cavalier,

Sous son balandras (10) fait qu'il sue,

Le contraint de s'en dépouiller:

Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance.

Plus fait douceur que violence (11).

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Borée et le Soleil. On ne s'étonne point de voir le soleil et le vent paroître sur le théâtre de l'apologue. La mythologie, dont les mensonges rians bercèrent notre enfance; la mythologie, en les personnifiant sous les noms de Phœbus et Borée, nous a familiarisés avec l'idée qu'ils agissent et parlent comme nous.

(2) Il pleut; le soleil luit; et l'écharpe d'Iris, etc. Ce vers est remarquable par l'aisance et le jeu pittoresque de son expression. Marot a dit :

L'arc qui est peint de cent couleurs ès-cieulx
Quand on le voit, ne démonstre pas mieux

Signe de pluie en temps sec attendue.

(Epitre à la reine de Hongrie. }

(3) Les Latins les nommoient douteux.

Incertis si mensibus, etc.

a dit le chantre des Georgiques.

(4) Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte, etc. Il y a donc un art de parler noblement des choses les plus communes peut-être même ce talent est-il plus rare que celui de soutenir par un style relevé des choses qui le sont par elles-mêmes. On n'oseroit prononcer dans lequel des deux le poète excelle davantage.

(5) L'ébattement. Vieux mot; passe-temps. On dit encore prendre ses ébats; divertissement.

(6) Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon, etc. Comme l'Hercule de la fable, le génie humain a sour terme, au-delà duquel la foiblesse de ses essais ne fait plus qu'attester un courage inutile et l'impuissance de ses efforts. La Fontaine ne s'épuise jamais: on diroit qu'il rajeunit à chaque fable. Comparez au Borée de celle-ci l'Aquilon qui déracine l'arbre de Jupiter, dans le Chêne et le Roseau (L. I. fab. 22): là comme ici, vous voyez dans la lutte des vents l'art des gradations ménagé avec une parfaite intelligence, la pompe des images, une chaleur, une rapidité d'expressions qui vous entraîne, une harmonie qui étonne; mais ce sont d'autres tours, d'autres termes; c'est un autre tableau: la peinture ellemême seroit moins vive et moins parlante. Ce vers entr'autres : Sifle, souffle, tempête et brise en son passage;

ce vers, dis-je, seroit perdu dans un long poème d'ailleurs médiocre, qu'il demanderoit grace pour son auteur. Je n'en connois point où l'harmonie imitative soit portée plus loin.

(7) Fait un vacarme. Quoique forte, l'expression ne doit pas cesser d'être familière, parce qu'une plaisanterie ne se raconte pas comme un épisode dramatique. On a donné à ce mot vacarme une étymologie ingénieuse: Bacchi Carmen, chant d'orgie bachique. (Le Duchat. Notes sur Rabel. T. III. p. 129.)

(8) Maint toit qui n'en peut mais. Dans sa fable du Lion et du Moucheron (Liv. XI. fabl. 9): bat l'air qui n'en peut mais.

(9) Le tout au sujet d'un manteau. Cela n'en valoit pas la peine; non sans doute : mais croit-on bien aussi que tous les grands.

évenemens tiennent à d'aussi petites causes, et sur-tout à d'aussi étranges moteurs?

(10) Sous son balandras ou balandran. Large manteau de voyage. Boileau le sieur de Provins avoit changé son balandran en manteau court. ( Disc, sur la satyre.)

(11) Plus fait douceur que violence. Vrai style de proverbe. Plutarque fait une singulière application de cet apologue. Après l'avoir raconté : « Il en est, dit-il, de même de la plupart des femmes; si leurs maris veulent les forcer à quitter les objets de leur luxe, elles s'irritent et se roidissent contre l'autorité: emploient-ils la voie de la douceur et de la persuasion; elles se soumettent sans résistance et sans murmure.»

FABL E I V.

Jupiter et le Métayer.

(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 269. Faerne, fab. 98.

JUPITER eut jadis une Ferme à donner.

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Mercure en fit l'annonce (i); et gens se présentèrent, Firent des offres, écoutèrent:

Ce ne fut pas sans bien tourner ;

L'un alléguoit que l'héritage

Etoit frayant (2) et rude; et l'autre un autre si (3).
Pendant qu'ils marchandoient ainsi,

Un d'eux le plus hardi, mais non pas le plus sage,
Promit d'en rendre tant, pourvu que Jupiter

Le laissât disposer de l'air,

Lui donnât saison à sa guise,

Qu'il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bise;

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