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FABLE PREMIÈRE.

Le Bûcheron et Mercure.

A M. LE C. DE B...

(Avant La Fontaine). GRECS, Esope, fab. 44. LATINS Faerne, 76. — FRANÇAIS. Rabelais, (second prologue du Liv. IV. T. IV. pag. 33).

VOTRE goût a servi de règle à mon ouvrage :

J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage.
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux,
Et des vains ornemens l'effort ambitieux (1);
Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire.
Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire (2).
Non qu'il faille bannir certains traits délicats:
Vous les aimez, ces traits; et je ne les hais pas.
Quant au principal but qu'Esope se propose,
J'y tombe au moins mal que je puis.

Enfin, si dans mes vers je ne plais et n'instruis (3);
Il ne tient pas à moi, c'est toujours quelque chose.
Comme la force est un point

Dont je ne ne pique point,

Je tâche d'y tourner le vice en ridicule,

Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule.

C'est-là tout mon talent : je ne sais s'il suffit.
Tantôt je peins en un récit

La sotte vanité jointe avecque l'envie,

Deux pivots sur qui roule aujourd'hui notre vie.
Tel est ce chétif animal (4)

Qui voulut en grosseur au Bœuf se rendre égal.
J'oppose quelquefois par une double image
Le vice à la vertu, la sottise au bon sens (5),
Les Agneaux aux Loups ravissans,

La Mouche à la Fourmi; faisant de cet ouvrage
Une ample comédie en cent actes divers (6),
Et dont la scène est l'Univers.

Hommes, Dieux, Animaux, tout y fait quelque rôle,
Jupiter comme un autre. Introduisons celui
Qui porte de sa part aux Belles la parole (7):
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit aujourd'hui.

Un Bûcheron perdit son gagne-pain (8),
C'est sa cognée; et la cherchant en vain,
Ce fut pitié là-dessus de l'entendre.
Il n'avoit pas des outils à revendre.
Sur celui-ci rouloit tout son avoir.
Ne sachant donc où mettre son espoir,
Sa face étoit de pleurs toute baignée.
O ma cognée! O ma pauvre cognée!
S'écrioit-il, Jupiter! rends-la-moi :
Je tiendrai l'être encore un coup de toi.
Sa plainte fut de l'Olympe entendue.
Mercure vient. Elle n'est pas perdue,
Lui dit ce Dieu; la connoîtras-tu bien ?
Je crois l'avoir près d'ici rencontrée.
Lors une d'or (9) à l'homme étant montrée,

Il répondit: Je n'y demande rien.
Une d'argent succède à la première:
Il la refuse. Enfin une de bois.

Voilà, dit-il, la mienne cette fois :
Je suis content si j'ai cette dernière.
Tu les auras, dit le Dieu, toutes trois.
Ta bonne foi sera récompensée.
En ce cas-là je les prendrai, dit-il.
L'histoire en est aussitôt dispersée ;
Et Boquillons (10) de perdre leur outil,
Et de crier pour se le faire rendre.
Le Roi des Dieux ne sait auquel entendre.
Son fils Mercure aux criards vient encor:
A chacun d'eux il en montre une d'or.
Chacun eût cru passer pour une bête,
De ne pas dire aussitôt : La voilà.
Mercure, au lieu de donner celle-là,
Leur en décharge an grand coup sur la tête.

Ne point mentir, être content du sien,
C'est le plus sûr cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela? Jupiter n'est pas dupe.

(Depuis La Fontaine). FRANC. Benserade, fab. 91. - LATINS. Desbillons, Liv. I. fab. 20. Jaius, Bibl. Rhetor. T. II. p. 742.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Et des vains ornemens l'effort ambitieux. Expression imitée d'Horace: Ambitiosa recidet ornamenta. (Art. poét. v. 446 ) (2) Un auteur gate tout, quand il veut trop bien faire. L'auteur de l'Art poétique n'a point de vers dont l'expression mieux

choisie présente un sens plus profond : C'est dans la même idée que l'on dit : Le mieux est ennemi du bien.

(3) Enfin si dans mes vers je ne plais et n'instruis, etc. O La Fontaine ! écrivain charmant, homme excellent, unique; c'étoit bien lui qui, possédoit éminemment l'art de plaire et de n'y penser pas, comme celui d'instruire en amusant.

(4) Tel est ce chétif animal. La Grenouille. (Voyez Liv. I. Fab. 3.)

(5) Le vice à la vertu, la sottise au bon sens. Les fables de La Fontaine sont « dans les mains d'un philosophe, un recueil précieux de morale; dans les mains de l'homme du monde, c'est le tableau de la société.» (Batteux.)

(6) Une ample comédie en cent acteurs divers. «L'apologue est, à proprement parler, le spectacle des enfans: et il ne diffère des autres que par la petitesse et la naïveté des acteurs. On ne voit point sur ce petit théâtre, ni les Alexandre, ni les César, mais la Mouche et la Fourmi qui jouent les hommes à leur manière et qui nous donnent une comédie plus pure, et peut-être plus instructive que ces auteurs à figure humaine. « (Batteux. Princip. de la littérat. T. I. p. 214.) Ce vers heureux se trouve ainsi commenté par un fabuliste moderne":

Toute fable est un petit drame;

Et l'auteur à son gré réclame

Le droit d'être décorateur,

De choisir la scène et l'acteur,

Son théâtre c'est la nature,

Il donne à tout et la vie et la voix.

Rich. Martelli. Fabl. nous. Epit. dédic.

(7) Celui qui porte de sa part aux belles la parole. Mercure, le messager des dieux, un dien lui-même, attaché plus particulièrement au service de Jupiter, et l'entremetteur de ses impudiques amours. De-là, en françois, être le mercure galant de quelqu'un, c'est en porter les messages d'amour.

(8) Gagne-pain. On désignoit autrefois sous ce nom une sorte d'épée propre aux combats des tournois. Témoins ces vers du Pélerinage du monde, par Guigneville :

Dont i est gaigne-pains nommée,

Car par li est gaignies li pains.

Depuis on a étendu ce mot à tout ce qui nourrit son homme. (9) Lors une d'or. C'est-à-dire, à manche d'or, comme plus bas enfin une de bois.

:

(10) Boquillons. Apprentifs Bûcherons. Du mot bocage, bois, Bucheron. L'éditeur des poésies de Thibault, comte de Champagne, le fait venir de bos ou bo, bois. (T. II. p. 206).

FABLE TI

Le Pot de fer, et le Pot de terre.

(Avant La Fontaine), ORIENTAUX. Salomon, Ecclesiastic, ch. 13, v. 2 et suiv. -GRECS. Esope, fab. 295.- LATINS. Avien, fab. 11. Faerne, I.

LE Pot de fer proposa

Au Pot de terre (1) un voyage.

Celui-ci s'en excusa,

Disant qu'il feroit que sage (2)
De garder le coin du feu;
Car il lui falloit si peu,
Si peu, que la moindre chose
De son débris seroit (3) cause :
Il n'en reviendroit morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Répartit le Pot de fer (4):
Si quelque matière dure
Vous menace, d'aventure (5),

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