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Les pierres, les bâtons y perdent leur crédit :
Il est sorcier, je crois (3). Sorcier? je l'en défie,
Répartit le Seigneur. Fût-il diable (4), Miraut (5),
En dépit de ses tours, l'attrapera bientôt.

Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie ;
Et quand? et dès demain, sans tarder plus long-temps.
La partie ainsi faite, il vient avec ses gens.

Ça, déjeûnons, dit-il ; vos Poulets sont-ils tendres?
La fille du logis, qu'on vous voye, approchez:

Quand la marierons-nous? Quand aurons-nous des gendres?
Bon homme, c'est ce coup qu'il faut, vous m'entendez,
Qu'il faut fouiller à l'escarcelle (6).

Disant ces mots,

il fait connoissance avec elle,

Auprès de lui la fait asseoir,

Prend une main, un bras, lève un coin du mouchoir;
Toutes sottises dont la belle

Se défend avec grand respect :

Tant qu'au père à la fin cela devient suspect.
Cependant on fricasse, on se rue en cuisine.

De quand sont vos jambons? ils ont fort bonne mine.
Monsieur, ils sont à vous. Vraiment, dit le Seigneur,
Je les reçois, et de bon cœur.

Il déjeûne très-bien; aussi fait sa famille,
Chiens, Chevaux et Valets, tous gens bien endentés :
Il commande chez l'hôte, y prend des libertés,
Boit son vin, caresse sa fille.

L'embarras des chasseurs succède au déjeûné.
Chacun s'anime et se prépare:

Les trompes et les cors font un tel tintamare,
Que le bon homme est étonné.

Le pig fut que l'on mit en piteux équipage
Le pauvre potager: adieu planches, carreaux,
Adieu chicorée et poireaux,

Adieu de quoi mettre au potage.

Le Lièvre étoit gìté dessous un maître chou.
On le quête, on le lance: il s'enfuit par un trou,
Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie
Que l'on fit à la pauvre haie

Par ordre du Seigneur : car il eût été mal

Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval (7).
Le bon homme disoit : Ce sont-là jeux de prince (8);
Mais on le laissoit dire; et les Chiens et les gens
Firent plus de dégât en une heure de temps,
Que n'en auroient fait en cent ans
Tous les Lièvres de la Province.

Petits Princes, videz vos débats entre vous:}
De recourir aux Rois vous seriez de grands fous.
Il ne les faut jamais engager dans vos guerres,
Ni les faire entrer sur vos terres.

(Depuis La Fontaine ). FRANÇ. Fables en chansons, L. IV. f. 1. Le marquis d'Argens (imitation), dans les Lettres Juives, T.I. édit. de La Haye, 1742, pag. 365.

OBSERVATIONS DIVERSES.

Cette fable est une scène parfaite pour les caractères et le dialogue. Quel feu! quelle gaîté! quelle imitation des mœurs! Transportez-la au théâtre; Molière, Dufresny, Régnard auroient voulu l'avoir faite.

(1) De quoi faire à Margot un bouquet pour sa fête. Margot achève de peindre le lieu de la scène et le personnage. Un bouquet

pour sa fête. Image riante et qui mêle agréablement les jeux de l'Amour à ce tableau rustique.

(2) Goulée est à bouchée, ce que gueule est à bouche, dans le langage populaire et familier.

(3) Il est sorcier, je crois. Cette expression superstitieuse, mieux encore, le doute qui l'accompagne, n'est-ce pas là le style du village?

(4) Fut-il diable. Nos seigneurs d'autrefois ne parloient pas autrement; toujours ce mot à la bouche; et ne doutant de rien. Je vous en déferai. On sait encore combien ce mot leur étoit familier. Bon homme. On n'ignore pas non plus ce qu'étoit un bon homme pour un gentilhomme. Sur ma vie. Ce serment est aussi du bon ton.

(5) Miraut. La Fontaine a créé des noms pour les Chiens de chasse qu'il a mis en scène. Il n'a pas cru devoir profiter de ceux qu'Ovide et Apollodore auroient pu lui fournir dans le récit de la métamorphose d'Actéon. Sans doute qu'il les trouvoit trop savans, et point assez pittoresques. Celui-ci vient du verbe mirer, termo de chasse.

(6) Fouiller à l'escarcelle. « Un larron fouillant en la gibecière ou grande escarcelle (bourse) du feu cardinal de Lorraine ». (H. Etienne, Apologie pour Hérodote, T. II. p. 230. éd. de La ́ Haye, 1737). Ce dialogue et tout ce qui suit paroît appartenir au conte plutôt qu'à l'apologue. La fable est le théâtre des enfans: il n'y faut donc rien produire qui ne puisse impunément s'offrir aux regards de cet âge facile, comme lá cire, à recevoir toutes les impressions. Mais à part la licence du tableau, quelle abon› dance et quelle facilité! Que tous les conteurs ainsi que tous les fabulistes sont loin de notre poète! dirons-nous avec M. de la Harpe. Cependant voyez comme il est fidèle à venger les droits sacrés de la morale et de la propriété ! Semblable au divin Homère, à qui personne n'est égal, dit Plutarque, dans l'art de peindre le vice et de le rendre odieux, il lui suffit d'un mot jeté au hasard, pour juger une action et la fléttir. Avec quel art il dissimule la satyre sous l'air de l'ingénuité, dans ce vers: Chiens, Chevaux et Valets, tous gens bien endentés! Sont-ce là tous gens, ou tous animaux de même espèce? Comme il sait émouvoir notre

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sensibilité en faveur de cette malheureuse dupe de l'insolent protecteur!

Adieu planches, carreaux,

Adieu de quoi mettre au potage.

Adieu sur-tout le bouquet de Margot! Jusqu'à cette pauvre haie
qui reçoit une horrible et large plaie : il s'interesse à tout.
(7)... Car il eût été mal

Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval. Trait excellent et du meilleur comique.

(8) Ce sont la jeux de Princes. H. Etienne : « Encore y a-t-il une autre sorte de cruauté, savoir celle qui s'exerce plus de gayté de cœur que par vengeance, à quoi les grands seigneurs s'adonnent plustost que les hommes de basse condition, dont est venu le proverbe : Ce sont jeux de princes; ils plaisent à ceux qui les font ». (Apolog. pour Hérodote, T. II. p. 474.)

FABLE V.

L'Ane et le petit Chiens

(Avant La Fontaine). GRECS, Esope, fab. 216. LATINS. Anonyme, fab. 17. Rimicius, L. I. f. 17. Romul. XV. ( Append. ad Phædr. Barbou, pag. 115. ),

NE forçons point notre talent (1);

Nous ne ferions rien avec grace :
Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse,
Ne sauroit passer pour galant.

Peu de gens (2) que le ciel chérit et gratifie,
Ont le don d'agréer infus (3) avec la vie.

C'est un point qu'il leur faut laisser,
Et ne pas ressembler à l'Ane de la fable,

Qui, pour se rendre plus aimable

Et

Et plus cher à son maître, alla le caresser.
Comment, disoit-il en son ame,

Ce Chien, parce qu'il est mignon,
Vivra de pair à compagnon
Avec monsieur, avec madame;
Et j'aurai des coups de bâton!

Que fait-il? Il donne la patte,
Puis aussitôt il est baisé :

S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte,
Cela n'est pas bien mal-aisé.

Dans cette admirable pensée,

Voyant son maître en joie, il s'en vient lourdement,

Lève une corne toute usée,

La lui porte au menton fort amoureusement,
Non sans accompagner, pour plus grand ornement,
De son chant gracieux cette action hardie.
Oh! oh! Quelle caresse, et quelle mélodie!
Dit le maître aussitôt. Holà! Martin-bâton (4)!
Martin-bâton accourt, l'Ane change de ton.
Ainsi finit la comédie.

(Depuis La Fontaine ). FRANÇAIS. Benserade, fab. 15. Fables en chansons, Liv. I. fab. 35. M. Robert, Fables en l'an VI, Liv. II. fab. 16 ( les Perdrix et le Corbeau, et Liv. III. fab. 4, le Singe et l'Ours). LATINS. Hermann, edit. Rob. Steph. pag. 116. Burmann, Append. ad Phædr. fab. 10. Desbillons, L. III. fab. 14. Jaius, Bibl. Rhet. T. II. p. 747. Le Beau, Carm. ITAL. Luig. Grillo, fav. 20. pag. 3o.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Ne forçons point notre talent. On connoît le vers d'Horace : Tu nihil invitâ facies dice sve Minervâ.

(Art. poét. vers 384.)

Tome I.

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