Les pierres, les bâtons y perdent leur crédit : Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie ; Ça, déjeûnons, dit-il ; vos Poulets sont-ils tendres? Quand la marierons-nous? Quand aurons-nous des gendres? Disant ces mots, il fait connoissance avec elle, Auprès de lui la fait asseoir, Prend une main, un bras, lève un coin du mouchoir; Se défend avec grand respect : Tant qu'au père à la fin cela devient suspect. De quand sont vos jambons? ils ont fort bonne mine. Il déjeûne très-bien; aussi fait sa famille, L'embarras des chasseurs succède au déjeûné. Les trompes et les cors font un tel tintamare, Le pig fut que l'on mit en piteux équipage Adieu de quoi mettre au potage. Le Lièvre étoit gìté dessous un maître chou. Par ordre du Seigneur : car il eût été mal Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval (7). Petits Princes, videz vos débats entre vous:} (Depuis La Fontaine ). FRANÇ. Fables en chansons, L. IV. f. 1. Le marquis d'Argens (imitation), dans les Lettres Juives, T.I. édit. de La Haye, 1742, pag. 365. OBSERVATIONS DIVERSES. Cette fable est une scène parfaite pour les caractères et le dialogue. Quel feu! quelle gaîté! quelle imitation des mœurs! Transportez-la au théâtre; Molière, Dufresny, Régnard auroient voulu l'avoir faite. (1) De quoi faire à Margot un bouquet pour sa fête. Margot achève de peindre le lieu de la scène et le personnage. Un bouquet pour sa fête. Image riante et qui mêle agréablement les jeux de l'Amour à ce tableau rustique. (2) Goulée est à bouchée, ce que gueule est à bouche, dans le langage populaire et familier. (3) Il est sorcier, je crois. Cette expression superstitieuse, mieux encore, le doute qui l'accompagne, n'est-ce pas là le style du village? (4) Fut-il diable. Nos seigneurs d'autrefois ne parloient pas autrement; toujours ce mot à la bouche; et ne doutant de rien. Je vous en déferai. On sait encore combien ce mot leur étoit familier. Bon homme. On n'ignore pas non plus ce qu'étoit un bon homme pour un gentilhomme. Sur ma vie. Ce serment est aussi du bon ton. (5) Miraut. La Fontaine a créé des noms pour les Chiens de chasse qu'il a mis en scène. Il n'a pas cru devoir profiter de ceux qu'Ovide et Apollodore auroient pu lui fournir dans le récit de la métamorphose d'Actéon. Sans doute qu'il les trouvoit trop savans, et point assez pittoresques. Celui-ci vient du verbe mirer, termo de chasse. (6) Fouiller à l'escarcelle. « Un larron fouillant en la gibecière ou grande escarcelle (bourse) du feu cardinal de Lorraine ». (H. Etienne, Apologie pour Hérodote, T. II. p. 230. éd. de La ́ Haye, 1737). Ce dialogue et tout ce qui suit paroît appartenir au conte plutôt qu'à l'apologue. La fable est le théâtre des enfans: il n'y faut donc rien produire qui ne puisse impunément s'offrir aux regards de cet âge facile, comme lá cire, à recevoir toutes les impressions. Mais à part la licence du tableau, quelle abon› dance et quelle facilité! Que tous les conteurs ainsi que tous les fabulistes sont loin de notre poète! dirons-nous avec M. de la Harpe. Cependant voyez comme il est fidèle à venger les droits sacrés de la morale et de la propriété ! Semblable au divin Homère, à qui personne n'est égal, dit Plutarque, dans l'art de peindre le vice et de le rendre odieux, il lui suffit d'un mot jeté au hasard, pour juger une action et la fléttir. Avec quel art il dissimule la satyre sous l'air de l'ingénuité, dans ce vers: Chiens, Chevaux et Valets, tous gens bien endentés! Sont-ce là tous gens, ou tous animaux de même espèce? Comme il sait émouvoir notre 1 sensibilité en faveur de cette malheureuse dupe de l'insolent protecteur! Adieu planches, carreaux, Adieu de quoi mettre au potage. Adieu sur-tout le bouquet de Margot! Jusqu'à cette pauvre haie Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval. Trait excellent et du meilleur comique. (8) Ce sont la jeux de Princes. H. Etienne : « Encore y a-t-il une autre sorte de cruauté, savoir celle qui s'exerce plus de gayté de cœur que par vengeance, à quoi les grands seigneurs s'adonnent plustost que les hommes de basse condition, dont est venu le proverbe : Ce sont jeux de princes; ils plaisent à ceux qui les font ». (Apolog. pour Hérodote, T. II. p. 474.) FABLE V. L'Ane et le petit Chiens (Avant La Fontaine). GRECS, Esope, fab. 216. LATINS. Anonyme, fab. 17. Rimicius, L. I. f. 17. Romul. XV. ( Append. ad Phædr. Barbou, pag. 115. ), NE forçons point notre talent (1); Nous ne ferions rien avec grace : Peu de gens (2) que le ciel chérit et gratifie, C'est un point qu'il leur faut laisser, Qui, pour se rendre plus aimable Et Et plus cher à son maître, alla le caresser. Ce Chien, parce qu'il est mignon, Que fait-il? Il donne la patte, S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte, Dans cette admirable pensée, Voyant son maître en joie, il s'en vient lourdement, Lève une corne toute usée, La lui porte au menton fort amoureusement, (Depuis La Fontaine ). FRANÇAIS. Benserade, fab. 15. Fables en chansons, Liv. I. fab. 35. M. Robert, Fables en l'an VI, Liv. II. fab. 16 ( les Perdrix et le Corbeau, et Liv. III. fab. 4, le Singe et l'Ours). LATINS. Hermann, edit. Rob. Steph. pag. 116. Burmann, Append. ad Phædr. fab. 10. Desbillons, L. III. fab. 14. Jaius, Bibl. Rhet. T. II. p. 747. Le Beau, Carm. ITAL. Luig. Grillo, fav. 20. pag. 3o. OBSERVATIONS DIVERSES. (1) Ne forçons point notre talent. On connoît le vers d'Horace : Tu nihil invitâ facies dice sve Minervâ. (Art. poét. vers 384.) Tome I. |