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anciens. Platon, dans son Phédon, enchérit encore sur l'erreur des poètes. Selon eux, seul entre tous les êtres qui frémissent à l'aspect de leur destruction, il chantoit au moment de son agonie, dit M. de Buffon, et préludoit par des sons harmonieux à son dernier soupir. « C'étoit, disoient-ils, près d'expirer, et faisant à la vie un adieu triste et tendre, que le Cygne rendoit ces accens si doux et si touchans, et qui, pareils à un léger et douloureux murmure d'une voix basse, plaintive et lugubre, formoient son chant funèbre. » Cette opinion a trouvé des contradicteurs, même dans l'antiquité. Alexandre le Myndien la traite de fabuleuse (Liv. IX des Dipnosophistes d'Athenée). Pline, le naturaliste, la combat par des expériences qui la démentent (L. X. ch. 23.), Lucien, par ses plaisanteries accoutumées, plusieurs modernes, par des explications forcées. Mais, comme si la nature se jouoit à mettre en défaut les hommes avec leur expérience, d'autres témoignages tout aussi authentiques, et dont la preuve est encore sous nos yeux, réhabilitent le Cygne dans son antique réputation. Vossius le fils affirmoit que, dans les mers du Nord, on voyoit des Cygnes à voix mélodieuse, et qu'il se présentoit souvent dans la Suède de ces aimables musiciens. De nos jours, M. l'abbé d'Arnaud soumettoit les chants de cet Oiseau à des mesures cadencées savamment; et tout Paris put aller voir à Chantilly des Cygnes chanteurs, auxquels la magie du lieu sembloit donner en quelque sorte un caractère d'enchantement.

(3) Qui nous suivent en croupe. C'est le mot d'Horace: Post equitem sedet atra cura, si heureusement traduit par Boileau :

Le chagrin monte en croupe, et galoppe avec lui.

(Ep. V. v. 44.)

On doit à La Fontaine et cette traduction si fière de l'image latine, et la belle imitation française. L'abbé Batteux croit que Boileau n'eût point osé de lui-même la hasarder. (Cours de Belles Lettres, T. IV. 3e. part. p. 68.)

FABLE XIII.

Les Loups et les Brebis.

(Avant La Fontaine). GREGS. Esope, f. 71, 237, 241, 276. Planude, Vie d'Esope, p. 61, édit. de Nevelet. Aphtone, f. 21. Demosthenes, apud Plutarch. Apophtegm. 21, ct Vit. Demosthen.- LAT. Phèdre, Lib. I. fab. 31. Anonyme, 52. Rimicius, L. III. f. 13. Herman, edit. Robert. Stephani, pag. 130. Burman, Append. ad Phædr., fab. 21. Romul. 32, dans l'Append. du Phèdre de Barbou, pag. 125.

APRÈS mille ans et plus de guerre déclarée,
Les Loups firent la paix avecque les Brebis (1).
C'étoit apparemment le bien des deux partis :
Car si les Loups mangeoient mainte bête égarée,
Les Bergers, de leur peau, se faisoient maints habits.
Jamais de liberté, ni pour les pâturages,

Ni d'autre part pour les carnages:

Ils ne pouvoient jouir qu'en tremblant de leurs biens.
La paix se conclut donc : on donne des ôtages;
Les Loups, leurs Louveteaux, et les Brebis, leurs Chiens.
L'échange en étant fait aux formes ordinaires,

Et réglé par des Commissaires,

Au bout de quelque temps que messieurs les Louvats (2)
Se virent Loups parfaits, et friands de tuerie,
Ils vous prennent le temps que dans la Bergerie
Messieurs les Bergers n'étoient pas,

Etranglent la moitié des Agneaux les plus gras,
Les emportent aux dents (3), dans les bois se retirent.

Ils

Ils avoient averti leurs gens secrètement.

Les Chiens qui, sur leur foi, reposoient sûrement, Furent étranglés en dormant.

Cela fut sitôt fait, qu'à peine ils le sentirent.

Tout fut mis en morceaux, un seul n'en échappa.

Nous pouvons conclure de-là

Qu'il faut faire aux méchans guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi;

J'en conviens: mais de quoi sert-elle

Avec des ennemis sans foi?

(Depuis La Fontaine). LATINS. Jaius, Bibl. Rhetor. T. II. pag. 745. Desbillons, Lib. III. fab. 9. FRANÇAIS. Groselier, L. VI. fab. 17. Fables en chansons, L. II. fab. 2. Mérard S. Just, L. VII. fab. 18. Vitalis (les Loups, les Chiens et les Moutons). ITAL. Luig. Grillo, fav. 104.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Avecque ainsi écrit, n'est plus en usage qu'en poésie, où même il a vieilli.

(2) Louvats. Louveteaux, jeunes Loups.

(3) Les emportent aux dents. Expression hardie que je n'oserois censurer qu'en la regrettant. Entre leurs dents seroit plus exact, mais foible.

Voici l'application que Démosthène fit de cet apologue. « Àlexandre, au rapport de Plutarque, envoya sommer les Athéniens de lui remettre entre les mains dix de leurs orateurs. Démosthène conta au peuple d'Athène la fable des Brebis et des Loups, qui demandèrent une fois aux Brebis que pour avoir la paix avec eux, elles livrassent entre leurs mains les mâtins qui les gardoient: en com→ parant lui et ses compagnons, travaillant pour le bien du peuple, aux Chiens qui gardent les troupeaux de Moutons, et appelant Alexandre le Loup. (Trad. d'Amyot.) Lors de la seconde Assemblée législative en France (en 1791), les deux partis qui la divisoient s'étant réunis dans un moment d'enthousiasme, sous la promesse so Tome I. M

lennelle d'abjurer leurs animosités et leurs haines, le roi Louis XVI s'y rendit le soir de ce jour-là même, accompagné de ses ministres, pour signer ce nouveau traité de paix, et confondre ses sermens dans ceux de l'Assemblée, dont l'unanimité offrit en ce moment le plus bel exemple à la France, déchirée dès-lors par tant de factions. Le lendemain, les murs de la capitale se trouvèrent tapissés d'affiches qui portoient cette fable de La Fontaine. La paix des Loups avec les Brebis ne dura pas même un jour; et la journée du 20 juin, qui suivit bientôt après, vit commencer la longue agonie du Berger,

FABLE XIV.

Le Lion devenu vieux.

(Avant La Fontaine), ORIENTAUX. Sanbader, f. 3.-GRECS. Esope (dans sa vie, édit. de Robert Etienne, 1529, pag. 48 ). LATINS. Phèdre, Lib. I. f. 20. Anonyme, f. 16. Camerar. p. 179.

LE Lion, terreur des forêts (1)

Chargé d'ans, et pleurant son antique prouesse (2),
Fut enfin (3) attaqué par ses propres sujets,

Devenus forts par sa foiblesse.

Le Cheval s'approchant lui donne un coup de pied.
Le Loup un coup de dents, le Bœuf un coup de corne (4).
Le malheureux Lion, languissant, triste et morne (5),
Peut à peine rugir, par l'âge estropié.

Il attend son destin sans faire aucune plainte,
Quand voyant l'Ane même à son antre accourir :
Ah! c'est trop, lui dit-il ; je voulois bien mourir,
Mais c'est mourir deux fois que souffrir tes atteintes.

(Depuis La Fontaine.) Fables en chansons, L. IV. fab. 13. -ITAL. Luig, Grillo, fav. 19.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Terreur des forêts. Il le fut du moins autrefois; mais en l'environnant de ses titres antiques, le poète rend le contraste encore plus frappant.

(2) Chargé d'ans, et pleurant son antique prouesse. Le sentiment est dans l'image; il est aussi dans l'expression. Prouesse est lui-même un mot antique; il semble, par sa vétusté, remonter aux jours de sa gloire passée. Ainsi dans la belle statue du repos d'Hercule, l'artiste sublime qui l'a faite, ramassant la vie toute entière du héros, a su donner à sa lassitude même une expression telle, que, dans la cessation de tout travail, l'oeil étonné parcourt la carrière de ses immortels travaux.

(3) Fut enfin, au lieu de à la fin, pour comble de maux.

(4) Le loup un coup de dents, le bœuf un coup de corne. Ici l'attaque est simultanée dans Phèdre elle est successive; aussi l'image a-t-elle chez lui moins de précision. Ajoutez qu'il affoiblit l'intérêt dû à son héros, en faisant voir en lui un ennemi commun, hostile corpus, contre qui l'on exerce un droit de représailles; Et vindicavit ictu veterem injuriam. Dans la fable française, on remarquera encore combien la césure du premier hémistiche par un monosyllabe donne d'énergie et de vérité à la peinture: c'est le procombit humi bos de Virgile.

(5) Le malheureux Lion, languissant, triste et morne,

Peut à peine rugir, par l'áge estropié. Que de beautés en si peu de mots! Le premier vers est un exemple de ce pathétique qui, suivant Longin, participe du sublime, autant que le sublime participe du beau et de l'agréable (Traite du Sublime, ch. 4.). Peut à peine rugir. Senèque le tragique a dit de même, d'après Eschile et Epicure: les grandes douleurs sont muettes. Par l'age estropié. Analysez ce mot estropié; il pourra vous paroître foible, à la suite d'un tableau dont le dernier trait doit l'achever d'une manière forte et terrible. Mais tous ces vers sont si beaux, la cadence de ce dernier est si heureuse, les images si imposantes, le rithme si majestueux, l'intérêt qui anime toute cette scène est si attachant, qu'on ne pense plus aux mots: je dis plus, La Fontaine a même eu le secret d'en faire une beauté.

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