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Agamemnon est trop violemment agité, pour avoir le temps de décrire un seul mot lui suffit pour peindre le calme funeste qui enchaîne sa flotte. Mais La Fontaine n'a rien qui le gêne. Pour peindre la sécurité profonde du troupeau, il va tout détailler. Le Berger dort, les Brebis dorment. Quoi! son chien lui-même? Oui, le chien dort aussi; tout, jusqu'à la musette.

(8) Quiconque est Loup, agisse en Loup. La Mothe a eu raison de blâmer cette morale. Est-ce qu'il sera permis d'être Loup, quand on pourra s'aider de la peau du Renard, ou se degaiser sous celle du Berger? Bon pour les Loups; mais pour les Brebis, mais pour le troupeau ? Il est vrai que cette morale trouve son correctif au dénouement, Ainsi Euripide, blâme d'avoir donné à son Ixion trop de scélératesse et d'impiété, répondoit: Je ne l'ai laissé sortir de la scène, qu'après l'avoir attaché à la roue. Mais observez qu'ici le châtiment tombe non pas sur la violence, mais sur la mal-adresse: tout alloit bien, si le faux Guillot n'eût parlé.

FABLE IV.

Les Grenouilles qui demandent un Roi.

LATINS.

(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 170. Phèdre, L. I. fab. 2. L'Anonyme, fab. 21. Camerar. Artemid. et manuscrit de la bibliothèque de S. Victor, dans le Phèdre de Laurent, page 9), -FRANÇAIS. Roman du Renard ou Guerre des Bétes (*), chap, 12.

Les Grenouilles, se lassant

De l'état Démocratique (1),

Par leurs clameurs firent tant,

Que Jupin les soumit au pouvoir Monarchique.
Il leur tomba du ciel un Roi tout pacifique :
Ce Roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,

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S'alla cacher sous les eaux,

Dans les joncs, dans les roseaux (2),
Dans les trous du marécage,

Sans oser de long-temps regarder au visage
Celui qu'elles croyoient être un géant nouveau.
Or c'étoit un soliveau,

(*) Originairement allemand, sous le titre : Der Listige reniche fushs; anglais, sous celui de Reynard the fox. Dans la Flandre, c'est le Repnaert den Dos; en latin, de admirabili fallacid et astucid vulpecula Reinekes. En France d'abord il fut le livre de Maître Renard et de dame Hersant sa femme; eúfin, le roman du Renard, et le Procès des Bétes.

De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s'aventurant,

Osa

bien quitter sa tanière.

Elle approcha, mais en tremblant (3).
Une autre la suivit, une autre en fit autant;
Il en vint une fourmilière;

Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu'à sauter sur l'épaule du Roi.

Le bon Sire le souffre, et se tient toujours coi (4).
Jupin en a bientôt la cervelle rompue.

Donnez-nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue. Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue (5), Qui les croque, qui les tue,

Qui les gobe à son plaisir :

Et Grenouilles de se plaindre;

Et Jupin de leur dire : Et quoi? votre desir
A ses loix croit-il nous astreindre?

Vous avez dû premièrement

Garder votre gouvernement;

Mais ne l'ayant pas fait, il vous devoit suffire
Que votre premier Roi fût débonnaire et doux :
De celui-ci contentez-vous,

De

peur d'en rencontrer un pire.

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. César de Missy, fab. Supplement, n°. 4. Fab, en chans. L. II. f. 41. Mérard S. Just, L. V. f.6.

NOTE D'HISTOIRE NATURELLE.

GRUE, oiseau de passage, dont le col est très-long, ainsi que les pattes, le bec droit peint d'un noir verdâtre et long de près de quatre pouces ; sa queue est courte,

et paroît arrondie quand elle se développe. Les Grues aiment les lieux marécageux; elles ne se nourrissent point de poissons, mais de grain, d'herbage et quelquefois d'insectes.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) De l'état Democratique. Celui où le peuple gouverne; le même dont Corneille a dit :

Le pire des Etats est l'Etat populaire.

(2) Dans les jones, dans les roseaux, etc. Ailleurs on appelleroit cette comparaison batologie; ici tout fait image : il n'y a pas jusqu'à l'harmonie imitative de ces vers qui ne fasse en quelque sorte entendre à l'oreille du lecteur le bruit de la fuite précipitée du peuple aquatique.

(3) Elle approcha, mais en tremblant.

Une autre la suivit, une autre en fit autant, etc. La poésie, a dit un ancien, est une peinture parlante; et la peinture, une poésie muette. ( Plutarque, de la manière de lire les Poètes.) La Fontaine va beaucoup plus loin. La peinture donne la vie, elle ne donne pas le mouvement: elle crée, elle anime; mais il faut encore suppléer à son action; elle ne rend point la progression des faits. Sous le burin de l'artiste, les Grenouilles se sont avancées, ou bien vont s'avancer: ici elles avancent, elles sont en marche.

(4) Et se tient toujours coi, tranquille. On en a fait un adjectif. Le silence coy, a dit Ph. Desportes. Et Rabelais : « ne peut l'homme recevoir divinité, sinon que la partie qui en luy plus est divine, soit coye, tranquille ». (T. III. p. 70.)

(5) Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue. Ovide fait représenter à Minerve l'histoire de Pygas, roi des Pygmées, que Junon, pour le punir de sa présomption, changea en Grue, afin qu'elle fît elle-même une guerre impitoyable à son peuple.Les Dieux de la mythologie n'étoient pas les meilleures gens du monde. Il est très-simple de desirer un autre roi qu'un Soliveau, et très-naturel de n'aimer pas une Grue qui vous croque. Du reste, on diroit que

les Grenouilles de cette fable ont laissé une nombreuse postérité. Le poète Pavillon, en parlant des Hollandois :

Ce peuple me parut dans ces lieux aquatiques,
Un reste libertin des grenouilles antiques,
Qui ne voulurent point de roi.

(V. Recueil de Pièces anc. et nouv. T. II. p. 191.)

FABLE V.

Le Renard et le Bouc.

(Avant La Fontaine). ARABES. Lockmau, fab. 9 (sous le titre le Cerf et le Renard).

fab. 4.

GRECS. Esope, fab. 284, ailleurs

- LATINS. Phèdre, L. IV. fab. 8. Camerarius, pag. 74. Faerne (Ranæ duæ sitientes ) fab. 39. Desbillons, L. III. fab. 12,

CAPITAINE (1) Renard alloit de compagnie

Avec son ami Bouc des plus haut encornés (2).
Celui-ci ne voyoit pas plus loin que son nez;
L'autre étoit passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits (3):
Là, chacun d'eux se désaltère.

Après qu'abondamment tous deux en eurent pris (4),
Le Renard dit au Bouc: Que ferons-nous, compère (5)?
Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.
Lève tes pieds en haut (6), et tes cornes aussi :
Mets-les contre le mur. Le long de ton échine
Je grimperai premièrement;

Puis sur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,

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