(1) Faites-en les feux. Feux de joie, illuminations. (2) Je m'assure. Il pouvoit mettre : j'en suis sûr. (3) Tire ses grègues, ou ses chausses, faire retraite. Expression tirée du langage burlesque et familier. Régnier avoit dit: Ses grègues aux genoux, au coude son pourpoint. On croit que ce mot vient des chausses à la grecque. FABLE XVI. Le Corbeau voulant imiter l'Aigle. (Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 207. Gabrias, f. 25. Aphtone, 19. L'OISEAU de Jupiter (1) enlevant un mouton, Et plus foible de reins, mais non pas moins glouton, Il tourne à l'entour du troupeau (2), Marque entre cent Moutons, le plus gros, le plus beau, Un vrai Mouton de sacrifice: On l'avoit réservé pour la bouche des Dieux (3). Mais ton corps me paroît en merveilleux état ; Sur l'animal bêlant, à ces mots, il s'abat (4). Pesoit plus qu'un fromage (5); outre que sa toison Elle empêtra si bien les serres du Corbeau, Le Berger vient, le prend, l'encage bien et beau (7), Il faut se mesurer (8); la conséquence est nette. Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands Seigneurs; (Depuis La Fontaine). LATINS. Desbillons, Liv. I. fab. 3. -FRANC. Fables en chansons, L. II. fab. 8. OBSERVATIONS DIVERSES, Dans l'île de Feroé, le Corbeau est de tous les oiseaux de proie le plus redoutable aux Brebis. On lui fait la chasse; et il est d'usage qu'à certain jour de l'année, chaque habitant apporte à la cour de justice un bec de Corbeau. Ces oiseaux se jutent impitoya blement sur les petits Agneaux, et leur crèvent les yeux pour les empêcher de se sauver. Souvent ils les ont mangés avant que les paysans soient arrivés au secours. La Fontaine, qui doit à l'apologue grec le sujet de sa fable, a substitué le Corbeau au Geai, oiseau qui n'est point carnivore, ou du moins ne s'attache point à de forts animaux, et n'est point de taille à paroître lutter contre un Aigle. (1) L'oiseau de Jupiter. L'Aigle élevé à cet honneur pour avoir transporté dans le ciel Ganimède, beau jeune homme aimé de Jupiter. C'est lui qui porte la foudre du maître des Dieux: et. voilà celui dont un Corbeau veut être le rival! (2) Il tourne à l'entour du troupeau, etc. Peinture exquise dont la nature et la société offrent souvent les modèles. Avant de commencer leur attaque, l'oiseau de proie et le voleur privé emploient cette manœuvre dont la représentation se termine ici trèsagréablement, d'abord par cette expression: gaillard Corbeau ; il se croit maître de sa proie, ce qui le rend plus gai; ensuite par celleci : en le couvant des yeux. Avant de tenir son mouton dans ses serres, il le fixe, il le pénètre et le savoure en le couvrant de ses avides regards; enfin par ce monologue où la gaîté le dispute au naturel : Je ne sais qui fut ta nourrice, etc. (3) On l'avoit réservé pour la bouche des Dieux. Dans le systême mythologique des anciens, les Dieux se nourissoient nonseulement de nectar et d'ambroisie, mais de la vapeur, mais de la graisse et du sang des victimes offertes sur leurs autels. Champfort voit dans cette expression un trait de satyre. Je doute que le hon La Fontaine y entendit malice. (4) Sur l'animal bélant. La lente harmonie de ce vers rend bien la démarche lourde du foible ennemi. (5) Pesoit plus qu'un fromage. Allusion fine à ce fromage que tenoit en son bec le Corbeau si bien attrapé par le Renard du premier livre c'étoit peut-être le même. Ainsi des souvenirs amers viennent insulter au malheur et aggraver le châtiment. Il y a toujours dans le passé quelque histoire à mettre sur le dos du patient. La malignité sourit à ces réminiscences. On ne voit point sans plaisir cette tradition de faits qui, en liant les anecdotes passées à l'anecdote présente, répand un certain ensemble sur le recueil des apologues. C'est un nouveau chapitre ajouté à la vie d'un personnage déjà connu. M. Lessing, célèbre fabuliste allemand, a bien saisi cette idée, en achevant l'histoire du Corbeau, à qui il fait prendre sa revanche. (6) La barbe de Polypheme. Géant monstrueux, cyclope à barbe longue, épaisse, hérissée, chanté par Homère, et sur-tout par Théocrite, dans sa onzième idylle. (7) Bien et beau. Expression familière, encore très-commune dans les modernes, sur-tout dans M. l'abbé Aubert. (8) Il faut se mesurer. Ne pas aller au-delà de sa mesure, de sa portée. (9) Mal prend aux volereaux. Comme on dit friponneaux diminutif de fripons. (10) Où la Guépe a passé, le Moucheron demeure. La Fontaine, plein de la lecture des Orientaux, en a dû nécessairement prendre le style. Les livres de Salomon, les recueils des fables arabes et indiennes sont pleins de ces traits vifs et rapides auxquels il ne manque qu'une action pour en faire des apologues. Plusieurs des vers de cette fable sont devenus proverbes. Gâcon, ou le Poète sans fard, a dérobé celui-ci à La Fontaine. Le Moucheron est pris où la Guêpe a passé. (Satyre XXII. p. 88.) FABLE XVII. Le Paon se plaignant à Junon. (Avant La Fontaine). LATINS. Phèdre, Liv. III. fab. 18. Camerar. pag. 195. LE Paon se plaignoit à Junon (1) : Au lieu qu'un Rossignol, chétive créature, Junon répondit en colère : Oiseau jaloux, et qui devrois te taire, Toi (3) que l'on voit porter à l'entour de ton col Qui te panades, qui déploies Une si riche queue, et qui semble à nos yeux La boutique d'un Lapidaire ? Est-il quelque Oiseau sous les cieux La Corneille avertit des malheurs à venir. Tous sont contens de leur ramage. Cesse donc de te plaindre; ou bien, pour te punir, Je t'ôterai ton plumage. (Depuis La Fontaine). FRANC. Selis, La Syrène et le Passant (*). M. Mérard S. Just, L. IV. fab. 3. —ITAL. Luig. Grillo, fav. 8. NOTES D'HISTOIRE NATURELLE. LE PAON est à la vue ce que le Rossignol est à l'oreille. Il l'emporte sur le Coq, sur les Canards, les Chardonnerets, les Perroquets, les Faisans, etc. Au milieu de tous ces Oiseaux. dont la parure est magnifique, on distingue le Paon : les yeux se réunissent sur lui; l'air de sa tête, la légèreté de sa taille, les couleurs de son corps, les yeux et les nuances de sa queue, l'or et l'azur dont il brille de toutes parts, cette roue qu'il promène avec pompe, l'attention même avec laquelle it étale ses avantages aux yeux d'une compagnie que la curiosité lui amène; tout est singulier et ravissant. Cet (*) Imitation ou allégorie dialoguće. Un passant demande à la Syrène quel est l'objet qu'elle contemple. Moi-même, répond-elle. Le Passant: Ta queue affreuse à voir? La Sirène: Crois-tu donc que je la regarde? |