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Pour mieux exprimer l'un de ces principes, les Hébreux se servaient d'une locution pleine de force et d'élégance : « Israël se lève, répond et agit comme si ce n'était qu'un seul homme. » Quant à l'égalité, l'abbé Guénée dit à Voltaire : << Chez eux, point de ces flétrissantes distinctions de castes établies chez les Égyptiens et les Brachmanes, ni de ces outrageans mépris d'un ordre pour l'autre ; ni de ces règlemens barbares qui réunissaient ailleurs dans une partie de la nation, les priviléges et l'autorité.... Tout y ramenait à l'ÉGALITÉ naturelle ". »

. Don Calmet, après avoir déclaré que le travail est prescrit à tous les citoyens d'Israël, sans exception, affirme qu'il n'existait pas de différences de condition, de nobles et de roturiers; ce que Maimonide et la déclaration des Droits de l'homme rendent en ces termes : <<< Toute la loi est dans l'intérêt de la nation tout entière et non pas de tels ou tels particuliers 13. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. >>

Enfin, par cela même qu'il ne fait que répéter la parole de la personne universelle, le législateur semble donner une nouvelle force au principe en question. Si la déclaration eût été publiée en son nom propre, il serait sorti des rangs du peuple; il aurait rompu l'unité

nationale fictive; tandis qu'en ne se disant qu'organe accidentel de ce dieu, de la raison éternelle, il demeurait toujours soumis, comme individu, comme citoyen, comme frère, aux choses qu'il proposait pour le bonheur de tous. C'est en présence et sous les auspices de l'ÉtreSuprême, que l'assemblée nationale reconnut et déclara les Droits de l'homme. Les temps étaient changés. Qui lui assurait d'ailleurs que cet Être-Suprême la recevait sous ses auspices? si ce n'est sa propre intelligence.

Or Dieu dit: Moi Jéhovah, je suis ton élohim, ton dieu.

Ce nom sacré, qui renferme le principe fondamental, se trouve naturellement à la tête du Décalogue. L'autre expression, ton dieu, ton élohim, sur laquelle je reviendrai dans la suite, signifie que Jéhovah, dont toutes les volontés sont dans l'intérêt de la patrie, doit remplacer les idoles et les prétendues volontés des idoles, qui étaient les élohim des nations contemporaines. De là vient que le style hébraïque accompagne ordinairement ce mot d'un signe distinctif il dit, ton élohim, notre élohim, l'élohim d'Abraham, les élohim de l'Egypte, de Babylone.

C'est moi qui t'ai retiré d'Égypte, de la Maison d'esclavage.

Ainsi, le premier effet de la volonté de ce dieu, la conséquence immédiate du principe fondamental est, après l'égalité commune, le principe de liberté. Les Hébreux sont sortis de la Maison d'esclavage, pour former un peuple aussi libre que pouvait le comporter le temps comme on s'en convaincra, à mesure que nous avancerons dans la connaissance de leurs lois. Qu'il nous suffise en ce moment de déduire, sous le rapport théorique, cette deuxième conséquence, et d'en prouver l'exactitude.

Pour obtenir l'unité publique ou un ensemble social parfait, il est indispensable que chacun occupe également la place la plus avantageuse à lui-même et à la société dont il est membre; sans quoi il résulterait dans la machine, un mal-être d'autant plus sensible, que la valeur des individus lésés serait plus grande. Il faut donc que chaque personne, sans aucune exception, se trouve avec toutes les autres dans des rapports tels, qu'elle puisse développer et qu'elle soit même comme forcée à développer toutes les facultés qu'elle tient de sa propre nature. Or cet heureux état, hors duquel l'unité est impossible, doit, sous le nom de liberté, être l'objet constant des pensées du législateur; car les hommes ne naissent pas libres, comme l'a dit, en thèse générale, l'as

semblée constituante; ils naissent pour devenir libres. A quoi leur servirait autrement l'intelligence qui aperçoit de loin ce noble but; la volonté qui les soutient dans leur marche pour l'atteindre; la force enfin qui les fait triompher de tous les obstacles?

L'apôtre Paul, élevé parmi les docteurs hébreux, s'écriait, en transportant la politique d'Israël dans la constitution de sa république spirituelle: <«< Que celui qui se sent appelé à la prophétie, au ministère, à enseigner, à exhorter, prophétise, soit ministre, enseigne, exhorte: que l'œil remplisse ses fonctions sans dédaigner la main; que la tête remplisse les siennes sans mépriser les autres parties . » Tel est, en effet, conformément aux idées modernes, le caractère d'un État libre, que chaque individu puisse y faire la chose à laquelle il se sent appelé : qu'on y range en première ligne les supériorités morales; que tout citoyen soit conduit par le mouvement même de l'ensemble, au grade qu'il peut remplir dans l'intérêt commun : enfin, qu'on n'y renverse jamais l'ordre des choses en abandonnant des fonctions à certains membres incapables, aux dépens d'autres membres organisés pour ces fonctions mêmes.

<< Prend-on Israël pour un esclave! » s'écriait douloureusement Jérémie 15. « Les Israélites

.

étaient parfaitement libres, dit l'abbé Fleury en termes qui n'ont rien d'équivoque; il n'y avait pas chez eux toutes ces espèces de sugges

tions qui nous sont si ordinaires.... Ils jouissaient de la liberté chérie des Grecs et des Romains; c'était l'intention de Dieu 16. » La nature même du bienfait que ce Dieu aime à leur rappeler, quand ils s'écartent de la route qui doit les conduire au bonheur, sera pour le moment une dernière preuve. « C'est moi qui vous ai retirés de la Maison d'esclavage, et qui ai rompu le joug dont vous étiez accablés, pour vous faire marcher la tête levée 17. »

Les articles suivans renferment des prohibitions nécessitées par les mœurs de l'époque.

Tu n'auras point d'autres dieux devant ma face*, car on adopterait avec eux d'autres principes que l'unité, l'égalité, l'utilité publiques.

Tu ne feras point des images taillées, ni aucune ressemblance de ce qui vit dans les cieux, sur la terre, ou dans les eaux sous la terre, pour te courber devant elles et les adorer.

Dans sa première ignorance, en effet, l'homme divinisa toute sorte d'êtres, un crocodile, un

* On sait déjà que cette expression devant ma face s'emploie communément en hébreu, qu'il s'agisse de choses animées ou inafi mées, pour la préposition devant, en présence. Je reviendrai plus tard sur la locution parler face à face.

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