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blissent une balance égale entre les deux opinions, elle pencherait encore pour la dernière, au moyen des deux inductions suivantes : la majeure partie du globe est dépeuplée, et il y a peu de siècles que ce défaut de population était bien autrement considérable. La raison générale de l'espèce ne brille que faiblement, même sur les points où elle a le plus avancé; et il y a peu de siècles qu'on ne la comptait pour rien. Non, la race humaine n'est pas si vieille sur la terre; il faut le reconnaître pour n'en pas désespérer.

Le sol et le ciel que rencontrèrent les populations dispersées en Asie et en Afrique, eurent la plus grande influence sur le développement de leurs facultés. L'homme est partout et en tout temps le même : ses besoins fondamentaux ne changent point. Comme partie du règne animal, son existence se réduit à ces choses : se mouvoir, s'alimenter et se reproduire : comme être spécial, distinct de tous les autres, sa destination essentielle est d'aimer et de penser. Mais pour que ces facultés arrivassent au plus haut degré d'extension et au meilleur équilibre, il fallait des impressions diverses, dont les unes seraient provoquées par les agens extérieurs, les autres par ses propres forces intérieures. Il devait s'exercer sur tous les

objets à portée de son bras; subir l'épreuve de tous les sentimens possibles; se mettre par la pensée en rapport avec tout ce qui existe. De là les chocs qu'il a soufferts, les illusions, les déceptions, les erreurs qui ne lui ont pas été épargnées. «Soumets la terre, lui avait dit l'Éternel, et domine sur elle, mais à la sueur de ton front. »

Bien plus, une véritable solidarité lie toute l'espèce. Un homme, une famille, un peuple ne peuvent être long-temps heureux, au milieu des pénibles agitations des autres : c'est pourquoi les plus grands efforts de civilisation sur un point donné ont toujours rencontré des obstacles invincibles; c'est pourquoi l'on a dit les États parvenus à une certaine hauteur, pas

que

saient nécessairement à la décadence. Mais cette décadence partielle n'a jamais été un mal. Les fragmens d'une grandeur brisée sont devenus autant de germes qui, en se répandant au loin, ont produit des grandeurs nouvelles : et l'aspect des ruines, loin d'affliger profondément le cœur, doit au contraire inspirer cette pensée consolante, que l'homme, quand il a renversé ses .propres œuvres, était comme poussé par le secret instinct qu'il avait de mieux faire.

L'état des peuples chasseurs les disposa bientôt à la guerre aussi regardons-nous comme

une sage idée, celle qui nous a présenté dans les premiers conquérans de l'Assyrie, de puissans chasseurs sur la terre. Les loisirs des pas-teurs dirigèrent leurs âmes vers l'observation de la nature et la contemplation. C'est dans certains coins de l'Arabie, dans la Chaldée et dans l'Ethiopie, dont le rôle paraît avoir été des plus importans, que cette impulsion fut donnée aux facultés humaines. Elle s'était déjà manifestée sur les rives du Gange, avec les modifications produites par un climat plus relâchant et plus voluptueux; avec toutes les différences qui existent entre la vivacité de l'Arabe et la mollesse de l'Indien. Enfin, dans les pays agricoles, l'intelligence humaine se tourna principalement vers les choses utiles. La pré-, voyance des saisons, les travaux réclamés par le sol, la nécessité de s'opposer aux ravages des eaux et de porter chez les uns le superflu des denrées des autres, conduisirent, dans l'Égypte et à la Chine, aux mêmes résultats. La carrière fut ouverte à l'industrie, aux arts et au commerce. Les Phéniciens franchirent les mers; l'Afrique, l'Europe furent visitées; le golfe Persique, la mer des Indes établirent des relations entre tous les peuples de l'Orient; et bientôt les sages de Memphis connurent nonseulement la richesse des produits de l'Asie

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méridionale, mais la philosophie de ces gymnosophites* indiens, dont ils honorèrent de tout temps le savoir et l'antiquité.

Malgré ce mélange des doctrines, les divers peuples ne cessèrent de recevoir de leur état physique et de leur première impulsion, une empreinte particulière qu'il me suffit d'indiquer, attendu que les faits desquels je dois tirer des conséquences en sont indépendans. Les sages qui s'adonnaient surtout aux spéculations, s'efforcèrent de soumettre la pratique de la vie aux idées avec lesquelles ils croyaient expliquer l'harmonie du Monde, et ils dirigèrent dans cet esprit les institutions sociales: toute leur politique découla de leur théologie. Ceux au contraire chez qui les soins relatifs aux choses d'utilité physique avaient prévalu, accommodèrent plus directement les croyances, les institutions à ces besoins mêmes, et transformèrent en théologie une partie de leur politique. De là, deux religions principales, ou plutôt deux nuances de religion auxquelles se ralliaient toutes les autres : la religion contemplative de l'Inde et même de l'Ethiopie qui créa des pouvoirs sociaux correspondant aux pouvoirs occultes de

* Le mot gymnosophites signifie sages nus. On a dit que ce nom leur avait été donné parce qu'ils allaient nus dans les bois : croyons plutôt que ce fut parce qu'ils aspiraient à voir la vérité toute nue.

la nature; la religion pratique de l'Égypte qui appropria ses dieux aux besoins du temps et du pays. C'est du moins ce qu'on peut conclure en général de ce que disent les savans qui se sont exercés sur ces matières. La plupart des divinités ridicules au culte desquelles le vulgaire égyptien était voué, cachent, outre les vues théologiques et les symboles d'astronomie, de nombreux symboles relatifs aux mœurs, aux intérêts locaux, à la politique et aux usages. Tel serait, pour citer un exemple, le caractère divin accordé à certains animaux ou à certaines plantes dont l'économie publique ou l'hygiène auraient ordonné de s'abstenir.

Mais ces deux manières de procéder auxquelles il est presque impossible d'échapper entièrement, rencontraient dans leur exercice deux sources abondantes d'erreurs. Les besoins appelés physiques ne sont pas moins difficiles à déterminer avec netteté que les besoins intellectuels ou moraux. Les sens ont leurs illusions comme l'esprit et le cœur : et la science de ce qui est utile peut offrir matière à controverse autant que la science du bien et du mal, du juste et de l'injuste. Il arriva donc que les contemplateurs qui adoptèrent de fausses notions sur l'ordre général et théologique des choses en firent une application funeste à l'ordre social;

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