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a rangé l'enseignement parmi les diverses branches de sa législation. Comme dans cette matière le point essentiel à déterminer, c'est le rapport existant entre la coutume et la tradition (§ 163), et la sphère d'action de la première dans le domaine du droit ecclésiastique, il est d'abord nécessaire de rassembler les documents qui traitent de l'usage et de la coutume, et ceux qui les invoquent comme sources du droit.

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Non-seulement dans chacun des recueils de Grégoire IX et de Boniface VIII la quatrième partie du premier livre porte pour titre De consuetudine, mais encore Gratien consacre spécialement à la coutume plusieurs passages de son décret. Toute la première distinction, relative aux différentes divisions du droit en général, est empruntée aux étymologies de saint Isidore, ainsi que la définition de mos: Mos est longa consuetudo de moribus tantummodo tracta (1), ainsi que celle de consuetudo : Consuetudo est jus quoddam moribus institutum quod pro lege suscipitur, quando deficit lex (2). Isidore, qui, dans la proposition qui précède ces définitions, a dit de mos que c'était la loi non écrite et la coutume conservée par l'antiquité (3), s'attache ensuite à tracer le caractère constitutif du droit coutumier et à préciser son rapport avec le droit écrit; et, dans ce but, il emprunte les paroles de Tertullien; Gratien en fait autant de son côté; mais chacun des deux interprète ces paroles à sa manière. Il est donc nécessaire, pour l'intelligence de ce passage du décret précité, de remonter à la source où il a été puisé, à Tertullien lui-même ce qui est d'autant plus utile, que ce décret offre d'ailleurs, à bien des égards, un guide sûr pour se faire une notion exacte du droit coutumier.

Dans son livre De corona militis (4), Tertullien veut prouver que l'homme éclairé par l'esprit du christianisme devait en venir

(1) Can. Mos., 4, d. 1: Mos est longa consuetudo de moribus tantummodo tracta.

(2) Can. Consuetudo, 5 pr., d. 1: Consuetudo est jus quoddam moribus institutum, quod pro lege suscipitur, quando deficit lex.

(3) Isidor., Etymol. II, 10, V, 2.

(4) Tertullian., de Cor. milit., cap. 4.

nécessairement à faire ou à éviter certaines actions, sans qu'elles lui fussent expressément commandées ou interdites; de telle sorte, qu'avec le seul appui des principes fondamentaux de la foi chrétienne, il pouvait, sur un grand nombre de points, à l'égard desquels l'Écriture sainte ne renfermait pas de prescriptions formelles, être à lui-même son propre législateur. C'est ainsi que Tertullien justifiait la conduite de ce soldat chrétien qui, sans s'inquiéter de la punition qui l'attendait, n'avait point mis sur sa tête, comme ses compagnons d'armes, la couronne prescrite par un vieil usage du paganisme, mais l'avait gardée à la main. Cet exemple conduit l'auteur à montrer comment, dans la discipline de l'Église, il est une foule de règles et d'observances pour lesquelles on chercherait en vain un précepte quelconque dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, et dont on ne peut trouver l'origine que dans la tradition, la sanction que dans la coutume, le maintien que dans la croyance constante des fidèles (1).

Il résulte de là (c'est toujours Tertullien qui parle) que la tradition, la coutume, la croyance, out pour base un principe raisonnable, en d'autres termes, un principe religieux, analogue à ceux qui composent la doctrine de l'Évangile, et dont l'Ancien Testament lui-même offre des exemples: quand Rébecca se voilait à la vue de son fiancé, ce n'était point pour obéir à une loi que sa pudeur personnelle pût lui imposer, et qu'en fait elle ne lui imposait pas.

Là donc, continue Tertullien, où le législateur se tait sur un point déterminé, la tradition a transmis à la coutume un usage pour lequel on peut invoquer l'autorité d'un apôtre, sinon sur la foi de l'Écriture, au moins en vertu de l'analogie de cet usage avec un principe chrétien (2), et il suit des exemples cités qu'une

(1) Harum et aliarum ejusmodi disciplinarum si legem expostules Scripturarum, nullam invenies: traditio tibi prætendetur auctrix, consuetudo confirmatrix, et fides observatrix. Rationem, etc. (note suivante).

(2) Si legem nusquam reperio, sequitur ut traditio consuetudini morem hune dederit, habiturum quandoque Apostoli auctoritatem ex interpretatione rationis. His, etc. (note suivante).

tradition, quoique non écrite, peut se maintenir par la pratique. Telle est celle qui reçoit de la coutume une sorte de consécration; car, en effet, la coutume, à raison de l'observation constante de la pratique qui en est l'objet, est un témoin irrécusable de la tradition ainsi conservée (1).

Du reste, ajoute Tertullien, dans l'ordre civil lui-même, la coutume est aussi reçue comme loi, là où la loi garde le silence, qu'elle émane d'un document écrit ou d'un princippe purement traditionnel, attendu que la loi écrite elle-même puise sa force dans le principe de droit qui lui sert de base (2).

Or, si la loi repose essentiellement sur un principe de droit, tout ce qui aura pour fondement un semblable principe sera loi virtuellement, sans acception d'origine ni d'auteur (5). Eh quoi! s'écrie ici le grand docteur, concevriez-vous qu'il pût n'être pas permis à tout fidèle de s'inspirer de l'esprit du christianisme, et d'y puiser une règle de conduite qui convienne à Dieu (Deo congruit), s'harmonise avec la discipline et profite au salut (4)?

Ces paroles de Tertullien qui ont trait à l'adoption de la coutume en l'absence d'un texte de loi (not. 2 et suiv.), Isidore se les approprie (5), et, laissant seulement à l'écart cette proposition, qu'il est libre à tout fidèle de se tracer à lui-même des règles de conduite, il dit d'une manière générale que l'on peut admettre comme loi ce qui repose sur un principe de droit, pourvu que ce qui en constitue l'objet convienne à Dieu (Deo congruit), s'harmonise avec la discipline et profite au salut (6);

(1) His igitur exemplis renuntiatum erit, posse etiam non scriptam traditionem in observatione defendi, confirmatam consuetudine, idonea teste probatæ tunc traditionis, ex perseverentia observationis. Consuetudo, etc. (nole suivante).

(2) Consuetudo autem etiam in civilibus rebus pro lege suscipitur cum deficit lex nec differt, scriptura an ratione consistat, quando et legem ratio commendet. Porro, etc. (note suivante).

(3) Porro si ratione lex constat, lex erit omne jam quod ratione constiterit, a quocunque productum. Annon, etc. (note suivante).

(4) Annon putas, omni fideli licere concipere et constituere, dumtaxat

quod Deo congruat, quod disciplinæ conducat, quod saluti proficiat? (5) Can. Consuetudo, cit. pr., et § Nec differt, 1.

(6) Ibid., § Porro, 2.

et il ajoute, en terminant, que le mot consuetudo lui vient de ce qu'elle est in communi usu (1).

En disant qu'il est indifférent que la coutume ait son fondement dans l'Écriture ou dans un principe du droit non écrit, Tertullien a évidemment, d'après l'ensemble de son argumentation, entendu par coutume la pratique de la loi écrite ou de la loi traditionnelle, et il pouvait logiquement aboutir, comme il l'a fait, à cette conséquence: que tout fidèle peut se tracer à lui-même une règle de conduite. Mais il est très-invraisemblable que ce soit là la pensée d'Isidore; il semble plutôt avoir voulu appliquer les paroles de Tertullien plus spécialement au droit positif humain. Remarquons, en outre, qu'au lieu de cette condition, que le principe doit convenir à Dieu, il met à la religion, et nous serous, ce semble, fondés à croire qu'il n'a pas entendu prendre la maxime dans toute sa rigueur, Tertullien paraissant avoir employé le mot Dieu, ainsi que celui d'apôtres (p. 376, n. 2), dans le sens de parole de Dieu, écrite et non écrite. Dans cette hypothèse, tout son raisonnement peut se réduire à ces deux propositions que tout ce qui doit avoir force de loi doit nécessairement être basé sur un principe, une raison de droit, et qu'il importe peu de distinguer, entre le droit écrit et le droit nou écrit, la coutume pouvant elle-même se transmettre au moyen de monuments scripturaires.

Gratien va plus loin, et, parlant des recueils codifiés du droit coutumier, il dit (2) que la coutume écrite s'appelle constitutio (3) ou jus, tandis que la coutume, qui n'a eu d'autre voie de transmission que la pratique constante des peuples, est désignée sous le nom de consuetudo. Le fond de sa pensée, assez obscure dans son expression, semble avoir trouvé un interprète dans un répertoire du moyen âge (4), qui, prenant évidemment pour base cette définition de Gratien, distingue formellement deux sortes de consuetudo, l'écrite et la uon écrite. La première, comme

(1) Can. Consuetudo, § Vocatur, 3.

(2) Ibid., cit. Dict. Grat.

(3) Cap. Cum consuetudinem, 9, X, de Consuet. (I, 4). (4) Puchta, Gewohnheitsrecht, vol. I, p. 150, note 7.

l'atteste encore la glose d'un passage du Codex (1), n'est antre chose que la constatation scripturaire des coutumes et observances particulières (2) en vigueur dans diverses localités, dans diverses églises et corporations. Ainsi s'explique également la glose du passage emprunté à Isidore; on lit dans ce passage que consuetudo, en général, s'emploie pour désigner indifféremment un droit écrit et un droit non écrit (3); ce qui ne veut pas dire que le mot consuetudo soit la dénomination générale de tout droit, écrit on non écrit, mais seulement que l'on comprend aussi la coutume parmi les sources du droit écrit.

Gratien parle encore, dans plusieurs autres de ses distinctions, de l'ancienne pratique, qu'il désigne d'ordinaire sous le nom de mos (4). Il évoque en particulier quelques passages des lettres des papes Gélase Ier et Grégoire le Grand relatifs à l'ancien usage de l'Église de Milan touchant l'élection, la confirmation et la consécration des évêques (5); il reproduit ensuite, dans le canon Mos antiquus, la célèbre décision du concile de Nicée (6) sur les patriarches (§ 69), et, dans le canon Diuturni (7), le passage des Institutes Justiniennes (8) qui assimile à la loi les usages passés

(1) Glossa ad. L. 2. Cod. quæ sit longa consuetudo (VIII, 53): de consuetudine scripta i. e. lege municipali. Puchta, loc. cit., note 6. (2) Du Cange, Glossarium s. v. Consuetudo 1, où se trouve ce passage d'Ebrard. Bethun., in Græcism., cap. 12 :

Mos est antiqua consuetudoque probata,

Est consuetudo jus scriptum more statutum.

(3) Glossa De moribus, ad Can. Mos cit. : Hæc descriptio dupliciter videtur inconveniens : et quia idem ponitur in descriptione quam in descripto, et quia idem ponitur pro specie et genere. Sed dic quod aliter sumitur hic hoc nomen mos, et aliter hoc nomen moribus, et aliter hoc nomen consuetudo. Nam mos sumitur pro jure non scripto, consuetudo sumitur generaliter pro jure scripto et non scripto, sed hoc nomen moribus sumitur hic pro frequentibus actibus hominum.

(4) Can. In his rebus, 7, d. 11.

1. q.

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(5) Can. Istud est, 20, c. 11, q. 1. Can. Pudenda, 33, c. 24, Can. Quanto, 10, d. 63. Berardi, Gratiani canon. genuin., P. II, tom. I.

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