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humain, et pouvoient influer utilement sur la morale publique et particulière; c'étoit cette tendance générale de tous les esprits, qui avoit répandu le goût de la véritable instruction, et qui a produit tant d'excellens ouvrages qu'on relit sans cesse, parce qu'on les a déjà beaucoup lus.

Mais le moment étoit arrivé où Fénelon alloit sortir de l'obscurité dans laquelle il avoit cherché à s'envelopper. Il suffisoit à ses principes et à son caractère de faire tout le bien qu'il étoit en son pouvoir de faire dans l'emploi dont il étoit chargé. Instruit à l'école de M. Tronson, à ne jamais considérer que la volonté de Dieu dans l'ordre des événemens humains, et à ne se proposer que la gloire de la religion dans toutes ses actions et toutes ses pensées, il savoit que le premier de tous les mérites dans l'ordre de la Providence, est de remplir fidèlement les devoirs qu'elle nous impose partout où elle nous conduit; et que la prééminence des places et des fonctions n'ajoute d'autre prix à nos travaux, que celui de plus grandes difficultés à vaincre et de plus grands dangers à éviter.

D'ailleurs Fénelon jouissoit de toute la satisfaction nécessaire à un cœur comme le sien. Il recueilloit toutes les bénédictions que la tendre reconnoissance de ses nombreux néophytes aimoit

à lui prodiguer, et il avoit déjà pour amis les hommes les plus recommandables par leur rang, leurs vertus et leur génie. Mais ce furent ces amis mêmes qui l'arrachèrent à sa solitude, et à cette vie douce et paisible qui convenoit à la modération de ses vœux et à la modestie de son caractère.

Louis XIV venoit de révoquer l'édit de Nantes (1); et, en éloignant les pasteurs dont la présence devoit naturellement s'opposer au succès de ses desseins pour la réunion de tous ses sujets dans une même religion, il ne pouvoit laisser leurs anciens prosélytes sans instruction religieuse et sans principes de morale. Il résolut d'envoyer des missionnaires dans les provinces de son royaume où l'on comptoit le plus de Protestans, pour confirmer dans la doctrine de l'Eglise catholique ceux qui s'y étoient déjà réunis, et pour y ramener ceux qui se refusoient encore à revenir à la religion de leurs pères.

XXV.

Fénelon est

Ce fut dans cette circonstance que Bossuet proposa à Louis XIV d'employer l'abbé de Fénelon dans les missions du Poitou et de la Saintonge. missions du

Le nom de Fénelon avoit déjà été souvent prononcé à Louis XIV; il étoit instruit de la sagesse avec laquelle il dirigeoit les Nouvelles-Catholiques, et des succès dont son zèle étoit récompensé.

(1) Au mois d'octobre 1685.

chargé des

Poitou.

Ce monarque attachoit sa grandeur personnelle à ne confier l'exécution de ses vues qu'à des hommes dignes de faire respecter le caractère qu'il leur imprimoit par son choix.

Les missions du Poitou offroient à Fénelon des travaux assez conformes au ministère qu'il exerçoit depuis plusieurs années. Il pouvoit d'autant moins se refuser à une commission aussi honorable, qu'elle se concilioit avec l'inclination si marquée que nous lui avons vue dans sa première jeunesse pour des missions encore plus laborieuses. Il étoit donc naturel qu'il aperçût dans cette nouvelle destination le caractère de cette même vocation, qui avoit déjà parlé à son cœur. Il parut seulement désirer d'être libre dans le choix des coopérateurs qu'on se proposoit de lui associer, et dont on l'établissoit le chef. On s'empressa avec d'autant plus de plaisir de déférer à son vou, qu'il choisit précisément ceux qu'on lui auroit demandé d'accepter, s'il ne les eût pas appelés. C'étoient des ecclésiastiques, déjà connus par leurs talens et leurs vertus, que leur mérite éleva dans la suite aux premières dignités de l'Eglise, ou à des places de confiance, et qui ont laissé un long souvenir dans la mémoire de tous les gens de bien. C'étoient l'abbé de Langeron, le plus cher, le plus fidèle des amis de Fénelon;

le célèbre abbé Fleury, dont il suffit de prononcer le nom; l'abbé Bertier, depuis évêque de Blois; l'abbé Milon, alors aumônier du Roi, et depuis évêque de Condom.

Louis XIV attachoit tant d'importance au succès des vues de confiance, de douceur et d'instruction qu'il avoit d'abord adoptées pour ramener les Protestans, qu'il voulut faire connoître luimême ses intentions à l'abbé de Fénelon. Tout le monde sait que la seule grâce que Fénelon demanda à Louis XIV, au moment où il fut introduit en sa présence, fut d'éloigner les troupes et tout appareil militaire de tous les lieux où il étoit appelé à exercer un ministère de paix et de charité. Ce prince n'hésita pas un moment de déférer à sa demande après quelques observations d'intérêt et de bonté, qui n'avoient pour objet que la sûreté personnelle de l'abbé de Fénelon et de ses collègues.

Rien, peut-être, n'est plus propre à donner une juste idée du caractère de Louis XIV, que cette attention délicate et judicieuse dans le choix des missionnaires, que cet empressement touchant à leur ouvrir son cœur et à déférer à leurs représentations, lors même qu'elles sembloient contrarier les mesures qu'il avoit adoptées pour faire respecter son autorité.

Lorsque dans la suite, des rassemblemens dangereux, des provocations séditieuses, des actes de révolte formelle, et des attentats dignes de toute la sévérité des lois, forcèrent Louis XIV d'employer des mesures de rigueur, il est certain qu'il ne céda qu'à regret aux devoirs du monarque; il ne fit que ce que devoit faire tout souverain obligé d'assurer avec inflexibilité l'ordre public, lorsque sa bonté est méconnue et que son autorité est outragée.

Il est d'ailleurs généralement reconnu que si des injustices et des violences se mêlèrent à l'usage que l'on fit de son nom et de ses ordres, ce fut par le coupable emportement d'un ministre jaloux jusqu'à l'excès de l'autorité de son maître, et qui cessa de voir une affaire de conscience et de religion aussitôt qu'il aperçut des actes de révolte. Mais dans toutes les parties de la France où les Protestans restèrent paisibles et soumis, on se contenta de leur interdire l'exercice public de leur religion, sans chercher à tourmenter leur conscience. Les seules provinces où ils manifestèrent des mouvemens séditieux furent exposées aux lois terribles de la guerre. On sait également que Louis XIV s'empressa de réprimer et de punir, avec sévérité, ceux mêmes de ses officiers qui avoient été au-delà de ce que le soin de leur sû

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