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l'examen de cette seule question pour l'instruction de la multitude. Il suffisoit en effet, pour renverser tous les fondemens de la réforme, de montrer que les ministres protestans n'avoient ni caractère, ni mission légitime. Si l'on se rappelle la célèbre conférence de Bossuet avec le ministre Claude, sur la matière de l'Eglise, on reconnoîtra que ces deux habiles antagonistes avoient paru convenir eux-mêmes que toutes les questions qui les divisoient, venoient se rallier nécessairement à cette question fondamentale. Bossuet avoit marqué tous les caractères qui devoient faire reconnoître dans l'Eglise romaine le nom et l'autorité de la véritable Eglise. Fénelon voulut faire reconnoître à des traits plus sensibles encore pour la multitude ignorante, les ministres qui parlent au nom de la véritable Eglise. C'étoit la même question, représentée sous un point de vue différent, et plus rapprochée de l'intelligence du peuple.

Le Traité du Ministère des Pasteurs a uniquement pour objet de prouver : « Que le plus grand » nombre des hommes, ne pouvant décider par >> eux-mêmes sur le détail des dogmes, la sagesse >> divine ne pouvoit mettre devant leurs yeux rien » de plus sûr pour les préserver de tout égare»ment qu'une autorité extérieure, qui tirant >> son origine des apôtres et de Jésus-Christ

» même, leur montre une suite de pasteurs sans >>nterruption ».

Toutes les preuves, toutes les autorités et tous les raisonnemens que Fénelon a réunis dans son Traité du Ministère des Pasteurs, ne sont que la conséquence naturelle de ce principe,si simple et si satisfaisant, que les Protestans eux-mêmes sont forcés de reconnoître.

La seule différence est que l'Eglise catholique, appuyée sur les monumens les plus authentiques et les plus incontestables, peut offrir une succession non interrompue de pasteurs consacrés dans la forme prescrite depuis les apôtres jusqu'à nos jours, tandis que les Protestans ne sachant où remonter avant le 16e siècle, ont été obligés de recourir à des fictions évidemment fausses, pour se créer des ancêtres; forcés ensuite de renoncer à ces généalogies fabuleuses, ils ont fini par attribuer à la volonté mobile et capricieuse d'une multitude aveugle et ignorante, le pouvoir céleste de conférer les dons spirituels attachés au ministère ecclésiatique.

Bossuet, dans ses ouvrages dogmatiques, où il a répandu avec la plus riche profusion tous les trésors de la science ecclésiastique, avoit parlé aux savans, aux philosophes, aux apôtres de la réforme. C'est au peuple de la réforme, aux es

prits simples et peu éclairés des villes et des campagnes, que Fénelon a voulu parler dans son Traité du Ministère des Pasteurs.

C'est ainsi que ces deux hommes, toujours uniformes dans leurs vues et dans leurs pensées, toujours divers dans leurs moyens, tendoient au même but. L'un assuroit l'empire de l'Eglise en froudroyant. les chefs qui osoient combattre contr'elle, et contester son autorité. L'autre offroit un retour facile à la multitude égarée sous des drapeaux étrangers.

Ce n'est pas que le Traité du Ministère des Pasteurs ne suppose dans son auteur une connoissance très-étendue de tous les monumens de l'histoire et de la tradition ecclésiastique. Mais Fénelon a su les présenter sous une forme si simple et si naturelle; il a su les enchaîner à des raisonnemens si accessibles aux intelligences les plus bornées, qu'ils n'exigent aucun effort, ni aucunes recherches pénibles, pour en saisir les. rapports et les conséquences.

C'etoit de Bossuet que Fénelon avoit emprunté cette méthode, dont on ne devroit jamais s'écarter dans toutes les discussions quelconques, celle d'élaguer toutes les questions inutiles, et de s'attacher uniquement aux difficultés essentielles. En effet, si on lit avec attention tous les écrits

de controverse de Bossuet, on observera sans peine, que dans ceux mêmes où il a déployé le plus de science, d'érudition et de critique, il marche toujours rapidement à son but; il ramène toujours la question à son véritable objet; et lorsque sa logique foudroyante a attéré ses adversaires, en leur arrachant l'aveu de quelques principes qu'ils ne peuveut ni contester, ni accorder, sans se mettre en contradiction avec eux-mêmes, il soulève avec un noble dédain tout cet amas d'objections frivoles, d'imputations calomnieuses, de textes équivoques ou altérés, de faits apocryphes, qu'on avoit cherché à opposer à sa première impétuosité; il les brise, les met en poudre, et les disperse avec tout le mépris d'un génie supérieur à de si foibles efforts.

Si on se transporte au temps où vécurent Bossuet et Fénelon; si on se rappelle l'esprit général du siècle de Louis XIV, on ne sera pas étonné de voir ces deux hommes si célèbres, se consacrer avec tant de zèle, de succès et de gloire à des controverses, dont les résultats intéressoient également l'Eglise et l'Etat. On se trouvoit alors engagé dans l'exécution du plan formé depuis si long-temps par Louis XIV et son conseil, pour ne laisser subsister en France que l'exercice public du culte catholique. Louis XIV, prêt à prononcer la révocation

de l'édit de Nantes, avoit voulu faire précéder cette grande mesure politique par tous les moyens d'instruction qui devoient en préparer le succès.

Il suffit d'ouvrir les mémoires du temps, et même les correspondances particulières, pour observer le vif intérêt que toutes les classes de la société prenoient aux controverses religieuses. Ce n'étoit pas seulement dans les chaires, dans les écoles de théologie, dans l'enceinte des cloîtres qu'elles s'agitoient avec une chaleur que la disposition générale des esprits excitoit et entretenoit. On voit par toutes les lettres qui nous sont restées, qu'à la Cour, à la ville, et dans toutes les conditions, les personnes mêmes que leur sexe et leur état sembloient dispenser de s'en occuper, aimoient à s'en entretenir et à nourrir leur esprit de toutes les connoissances qui y avoient quelque rapport. On est étonné, en lisant ces lettres, de voir les ouvrages les plus sérieux devenus la lecture habituelle des femmes les plus distinguées par leurs agrémens et leur célébrité, servir de sujet à toutes les conversations, et remplir les momens de solitude qu'elles pouvoient se réserver à la ville et à la campagne. Dans ce siècle qui paroît toujours s'agrandir à mesure qu'il s'éloigne de nous, on pensoit encore que les études graves et religieuses convenoient à la dignité de l'esprit

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